Politique
« Mobiliser l’épargne des Français » : ce que signifient réellement les propos du gouverneur de la Banque de France
C’est une sorte de vieux serpent de mer qui revient de temps à autre pour soulever l’indignation du public avant de s’en retourner dans les profondeurs. « Mobiliser l’épargne des Français » pour financer de grands plans d’avenir ou résorber l’astronomique dette publique, c’est une idée qui s’en va et revient : cette fois-ci, son porte-parole était François Villeroy de Galhau et, comme si ça ne suffisait pas, il était à Davos.
Payer les pots cassés
Cette déclaration, faite au micro de BFM Business, a été très rapidement décriée sur les réseaux sociaux. Derrière cette « mobilisation de l'épargne » se dessine un plan où l'individualité financière des citoyens pourrait être mise en jeu pour des ambitions collectives et européennes. Reformulé d’une autre manière, cela donne : « donnez-nous votre argent pour réparer nos erreurs ». Habile.
Le gouverneur de la Banque de France a donc souligné que l'Europe possède une ressource abondante, mais sous-utilisée : une épargne privée massive, estimée à 300 milliards d'euros annuels qui s'évaporent vers les États-Unis. Selon lui, ces fonds devraient être réinvestis localement, dans le Vieux Continent, pour soutenir une croissance qui peine à se redresser et faire face aux défis climatiques et technologiques à venir.
Investir en Europe
Le gouverneur, en évoquant une « Union pour l'épargne et l'investissement », propose un marché unique du financement en Europe. Cela ne signifierait donc pas que l’argent privé serait « pris » par l’État, même si la formulation de Villeroy de Galhau est quelque peu malheureuse, mais que cet argent qui part vers des fonds de pension américains comme BlackRock par exemple devrait être « canalisé » : autrement dit, l’on investirait dans la transition écologique européenne plutôt que dans la tech’ américaine. Sur le principe, d’aucuns pourraient trouver l’idée louable par sa moralité, mais il faut bien avouer que sur la question de la rentabilité, on peut douter de son efficacité.
Pourtant, l’idée de fond n’est pas si mauvaise : alors qu’année après année, la vieille Europe millénaire est vendue à la découpe à son jeune cousin américain ; alors que le protectionniste Donald Trump vient de reprendre la main à Washington, un peu de patriotisme économique à l’échelle française – européenne au pire – ne pourrait pas faire de mal. Pourtant, le problème est toujours le même : les gouvernements emploieront-ils l’idée par l’incitation ou la coercition ? Au vu de la tendance actuelle qui irait jusqu’à faire travailler une journée gratuite par an les actifs français, on comprend la levée de boucliers actuelle.
De son côté, Villeroy de Galhau ne manque pas de rappeler que l'Europe a besoin de ses propres leviers pour investir, insistant sur le fait que le « sort » des Européens ne devrait pas dépendre uniquement des stratégies américaines ou chinoises. Mettant en avant le besoin de capital pour les transitions écologique et numérique, des investissements qui, selon lui, ne manqueront pas de redorer le blason économique de l'Europe, on aurait tendance à vouloir lui rappeler la liste des brillantes réussites industrielles européennes de ces vingt dernières années : à peu près zéro. L’investissement, c’est une idée qui marche à la confiance.
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