Politique
Motion de censure : le Nouveau Front Populaire en pleine implosion
Une tentative de conciliation à l’arrachée
François Bayrou aura redoublé d’efforts pour rassurer les socialistes jusqu’à la dernière minute, une stratégie qui a porté ses fruits. Dans une lettre publiée ce jeudi, il a annoncé plusieurs concessions majeures au niveau budgétaire, et surtout des précisions sur la réforme des retraites. En effet, le premier ministre Bayrou a confirmé à nouveau ouvrir la négociation avec les partenaires sociaux.
Pour Olivier Faure, ces négociations n’étaient pas vaines. Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) a énuméré les gains obtenus : « Pas de retour du gel des pensions, pas d’augmentation des taxes sur l’électricité, pas de suppression de 4 000 postes d'enseignants et 2 000 postes d’accompagnement pour les élèves en situation de handicap. » Pourtant, Faure a reconnu que « le futur budget n’est pas miraculeusement devenu un budget de gauche », tout en soulignant « l’honneur d’éviter aux Français des mesures dévastatrices. »
Sur les retraites, il a ajouté : « Vous avez accepté un premier pas en rouvrant le débat. Je ne minimise pas ce geste », tout en prévenant : « Si nous avons l’impression que le débat avec les partenaires sociaux est verrouillé et ne va pas au bout des alternatives, nous déposerons une motion de censure. » Ces mises en garde n’ont cependant pas suffi à faire décolérer le reste des porte-voix du NFP.
La fracture est consommée au sein du NFP
Avec le rejet de la motion de censure proposée par LFI, le NFP semble plus divisé que jamais. Certes, les groupes communistes et écologistes ont maintenu leur soutien, mais les menaces commencent se sont multipliées avant l’heure du vote. L’insoumis en chef Jean-Luc Mélenchon, inflexible, avait prévenu : « Tous ceux qui ne votent pas la censure sortent de l’accord NFP. »
De son côté, Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, avait aussi déclaré sur X : « Si on ne vote pas la censure, on soutient le gouvernement. » En montant à son tour à la tribune aujourd’hui, il a accusé directement les socialistes de trahir leur mandat anti-macroniste : « Ceux qui promettent la rupture avec le macronisme et ne votent pas la censure servent de béquille à la continuité de sa politique. C'est irresponsable, le pays n'a plus de temps à perdre. »
Si Manuel Bompard se félicite toutefois que le reste du NFP « reste uni dans la censure pour combattre la politique de ce gouvernement », pas de doute, pour lui, les socialistes se seraient ridiculisés et auraient entaché la crédibilité du NFP.
L’eurodéputé Manon Aubry partage le même constat :
Quelles conséquences pour la gauche ?
Il est vrai qu’en refusant de voter la motion de censure, le Parti socialiste a officiellement pris ses distances avec la ligne radicale de La France insoumise. Cela n’a pas toujours été le cas. Jusqu’ici, il réussissait à naviguer entre les divergences. En septembre dernier, les députés socialistes avaient par exemple voté la recevabilité de la procédure de destitution du président de la République, « pour permettre le débat », tout en annonçant qu’ils voteraient « unanimement » contre si elle arrivait en hémicycle, car « vouée à l’échec. »
Cette fois, le choix est clair, et les conséquences le sont tout autant. Ce rejet de la censure creuse encore un peu plus les fractures au sein d’une alliance de gauche contre nature, déjà minée par des désaccords stratégiques. Olivier Faure, fidèle à sa ligne, assume « ne pas avoir la négociation honteuse. » Mais à mesure que le PS mise sur le compromis, il s’éloigne inexorablement de la posture radicale et sans concession incarnée par La France insoumise.
Alors que les socialistes revendiquent leur « honneur » d’avoir évité des mesures impopulaires, ils devront affronter la colère de leurs alliés et la désapprobation d’une partie de leur base. L’avenir du Nouveau Front Populaire semble plus incertain que jamais, pris entre compromis et clivages. N’est-ce pas le prix à payer pour une alliance d’élus qui n’ont jamais vraiment pensé pareil, mais qui se sont unis juste pour « faire barrage » au Rassemblement national et se répartir les postes ?
Un gouvernement sauvé, mais à quel prix ?
Par ailleurs, pour François Bayrou, c’est une victoire tactique pour l’instant. Le gouvernement échappe à la censure, mais au prix de concessions majeures. Une stratégie qui pourrait payer à long terme en divisant encore un peu plus les oppositions. Mais, dans l’immédiat, elle risque aussi de provoquer des tensions au sein de son propre camp.
D’ailleurs, les premières critiques internes n’ont pas tardé. L’ancien ministre Guillaume Kasbarian, pourtant « un ancien » du gouvernement d’Attal et de Barnier, s’est montré cinglant en réagissant aux gages donnés à la gauche :
« Pas le début du commencement d’une économie. Des dépenses supplémentaires. Des hausses d’impôts. L’abandon des 3 jours de carence dans la fonction publique. Évidemment que les socialistes achètent. » Un signe que le NFP n’est pas seul sur le chemin de l’implosion.
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