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Emmanuel Dupuy : « Cet accord n’aurait pas vu le jour sans l’intervention déterminante de Donald Trump ! »
Quelle a été votre première réaction en apprenant la nouvelle du cessez-le-feu entre le Hamas et Israël ?
Un mauvais accord vaut mieux que pas d'accord du tout. C'est une première étape, et il faut s'en féliciter, même si cet accord ne résout pas tout. Il permet notamment aux otages de regagner leurs foyers, ou du moins ce qu’il en reste. Cependant, des incertitudes demeurent : parmi les 33 otages qui doivent être libérés, nous ne pouvons pas encore affirmer avec certitude qu’ils sont tous en vie.
Selon les informations disponibles, les deux otages franco-israéliens figurent sur la liste des 33 noms communiquée par le Hamas, ce qui confirme leur prochaine libération. Cet accord représente avant tout un arrangement pour la remise des otages, bien plus qu’un véritable cessez-le-feu. Par ailleurs, il inclut également la libération de 900 à 1 000 détenus palestiniens emprisonnés en Israël. Cela étant dit, cet échange ne règle pas les questions fondamentales.
Sur le plan militaire, cet accord marque la fin des combats, après 15 mois d’opérations militaires intenses. Il convient de noter que cet accord est similaire à une proposition qui avait été formulée dès le 27 mai dernier. Dès lors, la responsabilité de ceux qui ont retardé sa mise en œuvre devra être examinée. En Israël, des appels à des élections législatives ont déjà été lancés, et une commission d’enquête est réclamée pour analyser les décisions prises par les autorités en poste le 7 octobre dernier. Ces tergiversations pourraient avoir prolongé inutilement le conflit avant d’aboutir à cet accord.
Enfin, il est important de souligner que cet accord n’aurait pas vu le jour sans l’intervention déterminante de Donald Trump et de son émissaire, Stéphane Witkoff, qui ont exercé une pression décisive. Cela met également en lumière l’échec de l’administration Biden à obtenir un résultat similaire en amont.
Vous mentionniez que certains acteurs auraient retardé l’instauration de ce cessez-le-feu, alors qu’il aurait pu être conclu plus tôt. Pouvez-vous préciser qui sont ces acteurs responsables de ce délai ?
Les principaux responsables de ce retard se trouvent parmi les membres les plus bellicistes de l’administration Netanyahou, notamment Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et Bézalel Smotrich, ministre de la Justice. Ces figures dures au sein du Conseil de guerre israélien ont joué un rôle clé dans le blocage des négociations.
Cependant, un tournant décisif est survenu avec la nomination de Gideon Sa’ar comme ministre des Affaires étrangères. Ce dernier, qui peut être considéré comme un rival de Benyamin Netanyahou au sein du Likoud, a contribué à accélérer les négociations. On constate d’ailleurs que dans ce nouveau cabinet, Netanyahou compte bien moins d’alliés fidèles qu’il n’en avait par le passé, ce qui affaiblit considérablement sa position. Cette situation pourrait mener à des élections législatives anticipées, un scénario où Netanyahou risquerait de perdre sa majorité.
Ce blocage a également été explicite dans les déclarations de Ben Gvir et Smotrich, qui ont affirmé avoir été contraints d’accepter cet accord. Ils ont clairement exprimé leur opposition à cet arrangement, sur lequel ils s’étaient positionnés contre dès sa première apparition en mai dernier. Leur résistance souligne le rôle déterminant des divisions internes dans le retard pris par ces négociations cruciales.
Quelle sera l'évolution de la situation politique de Netanyahou dans les semaines et mois à venir, maintenant que la guerre, qui renforçait son autorité en tant que chef, touche à sa fin ?
Le risque d’une éventuelle incarcération de Benyamin Netanyahou semble s’éloigner. Les États Unis exerceront vraisemblablement des pressions sur leurs partenaires européens pour garantir que l’accord récemment conclu puisse fonctionner sans que Netanyahou soit inquiété sur le plan judiciaire. En ce qui concerne le mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale (CPI), il est important de rappeler que ni les États-Unis ni Israël ne reconnaissent cette institution, n’ayant ni signé ni ratifié son statut. Cela implique que cette dimension devra également être observée avec attention.
Sur le plan politique, Benyamin Netanyahou devra sans doute faire face à des défis internes au sein de son propre parti, le Likoud, ainsi qu’à des tensions parmi ses soutiens. La pression exercée par les partis ultra-orthodoxes, longtemps contenue, ne pourra plus être éludée. Ces dynamiques internes et externes compliquent davantage la position de Netanyahou dans une période politiquement sensible.
Pensez-vous que nous assistons à une redéfinition de la diplomatie ? Comment interprétez-vous l’implication croissante de personnalités extérieures au monde des relations internationales ou de la diplomatie traditionnelle ?
Cette situation illustre parfaitement l’approche transactionnelle qui caractérise la diplomatie de Donald Trump, une approche qui s’appuie largement sur des émissaires personnels, notamment familiaux. Deux de ses gendres jouent désormais un rôle clé dans les négociations liées à la région concernée.
Cependant, l’implication de personnalités non politiques, telles que des amis, des financiers ou de riches soutiens comme Steve Witkoff, n’est pas une nouveauté en soi dans l’histoire politique américaine. Par exemple, il est prévu que le beau-père de Jared Kushner soit nommé ambassadeur des États-Unis à Paris. Cela reflète une certaine tradition où les proches du pouvoir occupent des postes stratégiques.
Ce qui est plus inhabituel, en revanche, c’est le caractère hautement familial du processus décisionnel, désormais concentré dans un cercle encore plus restreint que lors du premier mandat de Trump. De plus, un autre élément remarquable est la manière dont le président Donald Trump a déjà désigné les responsables chargés de mettre en œuvre les politiques qu’il prévoit pour son prochain mandat. Ces politiques semblent même avoir été amorcées avant son investiture officielle, une démarche inhabituelle dans le contexte du jeu politique américain. En somme, Trump a pris une avance significative sur les principaux dossiers avant même l’élection de novembre, marquant ainsi une évolution notable dans la pratique politique des États-Unis.
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