Société
Élections étudiantes du CROUS : l’EMF, un syndicat frériste, fait son retour
À la clef des élections, enjeu majeur pour chaque syndicat étudiant, il n’y a pas seulement une représentation et un pouvoir de décision, mais un véritable jackpot. Pas moins de 16,5 millions euros pour « l’animation de la vie étudiante » des universités selon le site du gouvernement. Un budget dont l’utilisation est d’ores et déjà très opaque et plus que douteuse : des « soirées chibre » ou des ateliers « Cul(inaires) » étaient ainsi financés.
Pourtant, l’argent ne va pas seulement à la vie étudiante : les syndicats étudiants aussi touchent de l’argent dans cette affaire : c’est d’ailleurs l’un des enjeux majeurs des élections étudiantes qui se dérouleront du 6 au 8 février prochain.
Syndicat active ta charia
Or, pour la première fois depuis vingt ans, un syndicat étudiant oublié refait surface : EMF. Sous le nom de liste pudique d’ « Active ton CROUS », les Étudiants Musulmans de France ressurgissent pour les élections syndicales étudiantes de 2024.
Revendiquée communautaire, l’association ne compte d’ailleurs que des noms islamiques dans ses listes régionales. Travaillant beaucoup sur le sujet de l’islamophobie sur lequel elle a publié un rapport à la méthodologie inexistante, elle a néanmoins de nombreuses revendications non-liées à l’islam. La profession de foi de l’EMF s’apparente en fait à celle de n’importe quelle liste de gauche : « Mettre en place des repas éco-responsables », « Offrir des services de conseil et de soutien psychologique pour aider les étudiants » ou encore « Garantir une disponibilité régulière et gratuite de produits d'hygiène et de protections périodiques dans des emplacements accessibles pour les étudiants ».
Pourtant, selon un adversaire de l’EMF membre de la Cocarde Étudiante, ces revendications seraient une forme de « taqiya », du nom de la pratique musulmane visant à dissimuler ses véritables intentions pour préparer la conquête. Un membre du MEJF (Mouvement des Étudiants Juifs Français) renomme de son côté la liste : « Active ta charia ». Si les accusations pourraient paraître faciles de la part d’opposants, elles cachent néanmoins une trace de vérité : EMF serait une antenne des Frères musulmans en France.
Des liens compromettants avec les Frères musulmans
Si la chercheuse au CNRS Florence Bergeaud-Blackler écrit dans son livre Le frérisme et ses réseaux, l’enquête quelques mots au sujet de l’EMF, il y a déjà de quoi s’inquiéter. L’anthropologue place ainsi le syndicat étudiant parmi la galaxie UOIF, chargé du « monde étudiant ». Ces associations, « très présentes sur le terrain », feraient ainsi plus ou moins volontairement le jeu de l’organisation islamiste.
On repère d’ailleurs d’autres occurrences de liens entre EMF et la galaxie islamique française. Valeurs Actuelles traitait déjà de ce sujet dans un article portant sur un candidat En Marche ! aux législatives 2017 proche de l’UOIF, de nombreux autres proches de la mouvance islamiste et ancien « membre du bureau national d’EMF ».
Tout aussi troublant, le militant laïc Naëm Bestandji, qui avait enquêté sur le sujet, révélait en 2021 au Figaro : « L’EMF est une antenne satellite des Frères musulmans français. Cette organisation a été créée par les islamistes politiques pour occuper le terrain estudiantin. Ils veulent investir tous les champs de la société, et la jeunesse est le nerf de la guerre ». Dans la même enquête, on retrouve d’ailleurs une autre accusation, portée cette fois-ci par un ancien cadre d’EMF et ancien membre des Frères musulmans : « Cette association étudiante, qui peut ressembler à bien des égards à de nombreuses organisations, est en réalité le bras des Frères musulmans à l’université. Ces établissements sont des laboratoires d’idées: tous les débats que l’on voit aujourd’hui au sujet de la laïcité, du voile, toutes les revendications communautaristes prônées par les Frères musulmans ont déjà été abordés dans des congrès étudiants dans les années 1991-1992 ».
Avant son progressif effacement, EMF n’hésitait pas à inviter des personnages comme Tariq Ramadan. Toujours au Figaro, la présidente de l’association répondait aux accusations par une phrase peu révoltée : « C’est un peu réducteur de nous étiqueter aussi facilement sous prétexte que nous sommes d’inspiration musulmane ». Comprendre : ils ne sont pas seulement fréristes.
Des relations difficiles avec le syndicat UNEF
Il fut un temps où la gauche tirait à boulets rouges sur EMF. Durant les élections étudiantes de 2004 par exemple, la vice-présidente UNEF (syndicat étudiant de gauche) du CROUS déplorait l’important score réalisé par EMF à Grenoble : « EMF tire sa légitimité et sa force de l’existence de ces ghettos », disait-elle à propos d’un campus situé dans un quartier chaud. Déjà, la stratégie d’avancer masquée était la même : les revendications étaient classiques, le communautarisme l’était moins.
Pourtant, avec le temps et l’extinction progressive de la gauche laïque, les relations entre l’UNEF et EMF se sont réchauffées. Si l’EMF a un temps cessé de présenter des listes, une alliance avec l’UNEF lui a tout de même permis d’obtenir des sièges. Depuis l’accord électoral, l’éclatement de la gauche, supervisé par un duel entre le Parti Socialiste et La France Insoumise qui disputent les syndicats étudiants, a fait émerger à nouveau EMF.
Vers une percée électorale ?
La Cocarde Étudiante martèle régulièrement sa fervente opposition aux listes « Active ton CROUS ». Le 22 janvier dernier, le syndicat de droite nationale publiait sur X un communiqué qualifiant l’association d’« apprentis islamistes » en se posant comme leurs adversaires acharnés. Leur crainte ? Que le syndicat capte tout le vote communautaire et parvienne à « un score très important » selon un responsable.
Ce scénario n’est cependant pas le plus probable, surtout au regard de la nouvelle diversité de listes de gauche pour les prochaines élections étudiantes. On retrouve tout de même des listes de l’EMF « Active ton CROUS » dans de nombreuses académies françaises comme à Paris, Lyon, Montpellier, Strasbourg ou Lille. Il y a à craindre, avec la croissance du nombre de musulmans chez les jeunes, une percée électorale non-négligeable.
Pourtant, la récompense à la clef vaut le détour. Parvenir à obtenir des sièges, et donc être un syndicat étudiant « représentatif » permet d’obtenir non-seulement la capacité de sécher des cours pour militer, mais aussi de toucher de très importantes subventions ! Ainsi, l’UNEF a touché 382 350 € sur l’année 2023, l’Union Étudiante a récolté la somme de 197 263 € et l’UNI, seul syndicat de droite « représentatif », a obtenu 83 400 €. Au total, le gâteau est grand et s’élève à 1 740 000 € d’argent public, sans compter le budget de 16,5 millions d’euros accordé aux associations de vie étudiante.
Les prochaines élections étudiantes du CROUS se dérouleront du 6 au 8 février prochain. Pour la première fois, deux listes de droite y seront conduites : l’une dirigée par l’UNI (Union Nationale Inter-universitaire) proche des Républicains et la Cocarde Étudiante, proche du Rassemblement National. Pour l’instant, le milieu universitaire est très largement dominé par la gauche.
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