Immigration
[Édito] Les Canaries, nouveau Lampedusa
Quand on pense aux Canaries viennent à notre esprit les douces images des palmiers de Tenerife, un climat tropical paradisiaque et un mojito sur la plage. Loin de l'image d'Épinal de l'archipel espagnol, pourtant, on retrouve aujourd'hui une nouvelle route migratoire qui accueille désormais tous les jours des migrants clandestins dans le plus grand silence.
L'Espagne accueil mécanique
Un grand bateau rouge approche l'embarcation : c'est celui des sauveteurs en mer. Accompagnés de la guardia civil, leur travail est dorénavant consacré à 90 % au sauvetage des clandestins : pas à celui des marins ou des nageurs téméraires. Ils en sont venus, avec le temps, à travailler matin, midi, soir et nuit, sans répit. À leurs dires, ils n’en peuvent plus, sont épuisés par ces opérations continues.
Il faut dire que la petite île d’El Hierro n’est pas particulièrement habituée à recevoir tant de monde : en 2022, seulement 15 682 migrants y étaient arrivés, contre 39 000 en 2023. Une augmentation folle de +148 %. En effet, depuis que les relations entre le Maroc et l’Espagne ont été normalisées, le passage par Ceuta ou Melilla est devenu plus compliqué. Désormais, c’est par le Sénégal ou la Mauritanie qu’ils passent, soit 1 500 kilomètres de traversée sans contrôle pour un trajet de quatre à quatorze jours. Evidemment, avec son lot de drames et de morts.
On les amène au port de Restinga. Là-bas, l’accueil est industriel : les migrants n’ont aucun contact avec la population. En fait, ces arrivées ne sont pas aussi frappantes ni aussi brutales que celles de Lampedusa : ici, ce ne sont pas 10 000 clandestins qui arrivent en une semaine mais, lentement et sûrement, quelques centaines par jour, environ 300 ces derniers temps.
Silence aux Canaries
Le silence qui entoure l'immigration aux Canaries est le même que celui qui entoure les pirogues remplies de migrants qui glissent sur l'eau : au-delà du petit moteur qui propulse la frêle embarcation transportant plusieurs dizaines de personnes, sous la nuit tropicale, rien ne bouge. Partis des ports de Dakar, Mbour ou Saint-Louis, ils s’en vont tenter leur chance dans l’Eldorado européen, au pays imaginaire.
Si l’île de Lampedusa avait connu son « heure de gloire » durant la crise migratoire de septembre dernier, nul n’ignorait que les clandestins employaient le sud de l’Italie comme une route privilégiée. Idem pour l’île de Lesbos, en Grèce. Les Canaries, c’est différent.
De fait, il faut bien savoir que tout le monde ne sait pas les placer sur une carte. Parfois confondues avec les Açores, voire avec les Baléares, elles sont suffisamment éloignées de l’Europe pour être considérées comme étant « ailleurs ». Ailleurs, et donc, pas chez nous.
Pourtant, les 39 000 migrants clandestins arrivés aux Canaries l’année dernière n’y sont pas restés : on les a transférés en Espagne, et puis, ces francophones sont entrés en France pour une part. Il y a aujourd'hui plus de trajet entre Dakar et El Hierro qu’entre Tenerife et Porte de la Chapelle. Le silence n’en demeure pas moins assourdissant, même en Espagne.
Hier des centaines de migrants sont encore arrivés aux Îles Canaries 🇪🇸 dans l’indifférence générale. C’est 10000 migrants par mois dans ce nouveau Lampedusa espagnol où Frontex est absent. Mais personne n’en parle alors qu’ils risquent de venir en 🇫🇷. Livre Noir est sur place ⤵️ pic.twitter.com/7ls0gKl3BA
— Livre Noir (@Livrenoirmedia) January 14, 2024
Frontex : le grand absent
Mais où est Frontex ? Pas aux Canaries en tout cas : depuis l’arrivée de notre équipe jeudi soir, pas un membre de l’agence européenne chargée de protéger les frontières. Seul est présent un représentant des Droits de l’Homme : il est là pour contrôler le degré d’humanité dans l’accueil, pour vérifier qu’on va bien chercher tous ceux qui arrivent.
Alors, où est la toute-puissante Union européenne à qui nous avons délégué une bonne moitié de notre souveraineté ? Où est-elle, elle qui devait nous protéger de la submersion migratoire ? Au vu des politiques menées au niveau européen, là n’est pas du tout le projet. Le Pacte Asile & Migrations, prévu pour les mois à venir, est univoque : il faut plus de migrants. Alors, Ursula et ses amis iront jusqu’à organiser le trajet pour les « réfugiés », on facilitera les procédures et on condamnera les pays qui refusent d’être « solidaires ».
Aux Canaries, il n’y a pas de politique migratoire, seulement une logistique d’accueil. La population ne s’en rend même pas compte : on évite au maximum tout contact avant que tous ces Africains aillent se perdre dans la masse en métropole. Le Lampedusa espagnol est encore méconnu, et donc ignoré par les politiques. Informons donc, c’est notre devoir, pour qu’il ne reste en Europe plus une seule voie illégale. Face à la réalité, face aux scandales, des réactions viendront un jour.
2 commentaires
Qu’est-ce que le pacte asile et migration qui favorise la submersion migratoire dans l’UE ?
[…] au lieu d’un garde-frontière, elle n’est même pas présente aux îles Canaries où s’est rendue l’équipe de Livre Noir et où près de 39 000 migrants sont entrés en 2023. Finalement, sans surprise, l’UE organise […]
Signaler un abusXavier Driencourt reprend Livre Noir sur les Canaries
[…] À lire aussi : [Édito] Les Canaries, nouveau Lampedusa […]
Signaler un abusChargement
Soutenez un journal 100% indépendant!
Lettre d'information
Restez informé en recevant directement les dernières news dans votre boîte mail !