Politique
[Édito] Qui se souvient de l’arc républicain ?
Notion mille fois dévoyée, l’arc républicain fait son énième retour dans le débat public après les propos du président de la République sur le RN. Problème : ce sujet ressemble de plus en plus à une farce.
Chaque jour, la classe politique française semble s’amuser à jouer avec l’arc républicain. Cette fois-ci, ce sont le Rassemblement National et Reconquête qui en font les frais : « Je n’ai jamais considéré que le RN ou Reconquête s’inscrivaient dans l’arc républicain » a déclaré Emmanuel Macron dans une interview accordée au journal stalinien et collabo L’Humanité.
Il y a neuf jours de cela, le président de la République ne semblait pourtant pas particulièrement dérangé d’affirmer qu’il était « tout à fait normal » d’avoir des discussions avec le RN. Et là, à nouveau, on ne suit plus. Emmanuel Macron est-il « trop intelligent, trop subtil, trop technique » ainsi que le racontait autrefois Gilles Le Gendre ? Ou peut-être est-il « tout à fait normal » d’avoir des discussions avec les anti-républicains ? Ou alors, sûrement l’arc républicain n’est-il qu’une grande farce que se racontent les fanatiques pour n’inclure qu’eux dans la pensée dicible ?
L’arc républicain manque toujours sa cible
Durant plusieurs années, on en a soupé de l’arc républicain. « Vous n’êtes pas républicains ! » s’insurgeaient les uns. « Mais si, je suis républicain ! C’est vous qui sortez de l’arc républicain » répondaient les autres. Au fond, la notion a été tant galvaudée qu’elle ne veut plus rien dire.
D’ailleurs, quand l’on tente de comprendre qui est dans l’arc républicain, on est vite perdu : pour une partie des centristes, le RN, Reconquête et LFI ne sont pas du tout républicains. Mais alors, pas du tout. Pour d’autres centristes, le RN est dans l’arc républicain, Reconquête non, et LFI s’en éloigne. Selon une troisième catégorie…
Maintenant, à La France Insoumise, l’inénarrable Jean-Luc Mélenchon dénonçait la « jonction » entre « l’arc républicain réactionnaire » (nouveau personnage) et « l’extrême droite » pas du tout républicaine pour le coup.
Une autre députée insoumise, Raquel Garrido, faisait récemment une observation d’une justesse étonnante eut égard à sa capacité à se planter tout le temps : « Ça n’existe pas l’arc républicain. C’est une notion qui a été conçue par les macronistes pour justifier des alliances avec l’extrême droite et pour essayer de diaboliser la France insoumise ». Allez, encore un petit effort, on y est presque.
Patatras. Dans une conférence donnée à Sciences Po Rennes, le député LFI Antoine Léaument – celui qui, malgré ses 34 ans, croit encore que le gentil tonton Robespierre lui offrira des cadeaux aux « fêtes de fin d’année » – a affirmé que même le centre macroniste sortait de l’arc républicain ! Si même les centristes n’y sont plus, il doit être bien petit cet arc.
Gageons donc que l’arc républicain, qui ne doit être ni autoritaire, ni populiste, ni indigéniste, ni nationaliste, ni radical, ni opposé à la police, ni trop favorable à la police, ni réactionnaire, ni intersectionnel doit environ aller de Caroline Fourest à François Bayrou. Encore que, Bayrou…
Ce qu’est vraiment l’arc républicain
L’arc républicain, voyez-vous, ce sont les derniers restes d’une modernité essoufflée qui refuse de voir son échec. C’est l’expression faussement diabolisatrice d’une caste de hauts-fonctionnaires se croyant chefs d’État, de vieux de la vieille qui souhaitent à tout prix protéger leurs intérêts de classe en jetant cet anathème bourgeois sur tout ce qui les menace.
Si l’arc républicain pouvait autrefois décocher quelques flèches avec justesse, il semble désormais que le carquois de l’archer n’est plus rempli que d’innocentes brindilles tirées avec peine, manquant toujours leur cible.
L’arc républicain, c’est l’arme presque brisée, inutile et incertaine des tenants absolus de la fausse et mensongère République. Dans le fond, tout le monde se moque éperdument de l’arc républicain, personne ne sait quelles sont vraiment les « valeurs républicaines » en-dehors de celles qu’arborent sur leur fronton de pierre toutes les mairies de France. Si la démocratie est importante pour le peuple français, la République corrompue et lourde d’administration, faible avec les forts et forte avec les faibles, inefficace et indigne de pitié. Ne laissons pas l’arc républicain de côté : jetons-le à terre et piétinons-le jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que des miettes. La farce a assez duré, un vent nouveau se lève. Espérons qu’il nous élève jusqu’à l’empyrée et ne porte pas à nous les ravages des cavaliers des steppes.
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2 commentaires
Richard Klinder
Si cette farce dure depuis aussi longtemps, c’est que la droite continue de jouer les vierges effarouchées devant cet anathème.
Il suffirait de renvoyer la balle en direct en demandant au contradicteur DE DEFINIR ce terme. Et donc de dévoiler la supercherie comme résultant de réflexes pavloviens. Je pense même qu’un éclat de rire méprisant serait plus bénéfique qu’un “non, attendez… Si, voyez vous, moi j’en fais partie, c’est vous qui…” ridicule.
Nos adversaires politiques sont méprisables, menteurs et défendent les pires causes. Il était insupportable de voir un Zemmour obséquieux se faire “gronder” par Mélenchon lors de leur débat. L’immoralité est de leur côté, il est temps de le leur faire sentir plutôt que de quémander éternellement de faire partie du club.
Signaler un abusm.patiou
La République a été baptisée sous les auspices du canon (“Vive le son du canon, dansons la carmagnole…”) et elle termine son existence en tentant d’utiliser un arc. Excellent raccourci de la régression d’un système politique à bout de souffle.
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