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Médias de droite : comment gagner la bataille culturelle
La presse de droite avait un important retard. Ces dix dernières années, des médias comme Frontières, Valeurs Actuelles, CNews et bien d’autres ont œuvré à le combler. Pourtant, nous sommes encore loin d’avoir l’influence de la presse de gauche. Voici ce qu’il nous manque.
«À chaque fois que je croise des gens à des manifestations ou des conférences qui me reconnaissent, ils me disent qu’ils sont fans de mon travail et de celui de VA, mais quand je leur pose la question, je réalise que quasiment aucun n’est abonné aux médias ! » Ces propos sont de Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles et aujourd’hui du Journal du Dimanche. Ils datent de 2018 : à l’époque, il était mon invité pour une conférence devant une cinquantaine de jeunes.
Cinq ans plus tard, il se retrouvait dans un conflit larvé avec son actionnaire, Iskandar Safa, qui réclamait plus de résultats. Pour éviter un licenciement, Geoffroy Lejeune lançait alors l’opération « Je suis là pour VA » : des milliers de vues, des dizaines de soutiens parmi les personnalités en vogue. Avec un objectif : obtenir 15 000 abonnés pour le magazine. D’un côté cette campagne fut présentée comme un succès – avec plus de 5 000 abonnés revendiqués – de l’autre elle était bien mineure par rapport à l’impact réel de VA. Conclusion, quelques mois plus tard, Geoffroy Lejeune était congédié et partait avec plusieurs journalistes vedettes comme Charlotte d’Ornellas. Et quoi qu’on pense de ce qu’il s’est passé, la division et la dissension ne sont bénéfiques pour personne.
Mais une question n’a jamais été traitée : pourquoi Valeurs Actuelles n’a-t-il pas réussi à atteindre cet objectif de 15 000 abonnés, qui permettait selon Geoffroy Lejeune, de sauver le journal ? Pourquoi ont-ils apporté les vues, les clics, les tweets, mais pas le précieux abonnement qui était pourtant demandé ? Pourquoi le peuple de droite serait-il majoritaire mais minoritaire dans son soutien à des médias ?
Comparons. Le média Blast, lancé il y a trois ans et ancré à la gauche radicale, revendique aujourd’hui 27 000 abonnés payants. Pour un abonnement compris entre cinq et vingt-cinq euros par mois, c’est énorme. Ils ne proposent en échange aucun magazine papier et tous leurs contenus sont en accès libre. Ces abonnements sont donc de fait des dons déguisés, et pourtant, ils sont bien plus nombreux que tous les médias à la droite du Figaro.
La réalité est simple : le peuple de droite n’a pas cette culture de l’abonnement et du soutien. C’est aussi la responsabilité des journalistes qui contrairement à ceux de gauche, sont complexés de demander. C’est également lié à une absence de solidarité au sein de la presse de droite, minée souvent par la concurrence, les petites phrases, les rivalités bourgeoises, les jalousies et les dissensions.
Un des enjeux essentiels pour la presse de droite est de se professionnaliser, de rassembler des talents, de se donner les moyens d’enquêter, de faire du terrain.
Au-delà des sujets financiers, la presse de droite manque cruellement de solidarité : alors que le moindre papier ou la moindre enquête du plus petit média de gauche est systématiquement relayé par Mediapart, Libération et même l’AFP, il faut se battre de notre côté pour obtenir le moindre relais d’un concurrent. Conclusion : on se plaint d’être attaqué par la presse de gauche, mais rien n’est proposé de l’autre côté du spectre éditorial pour rééquilibrer la balance.
Plusieurs propositions peuvent être faites pour permettre à l’ensemble des médias de droite de prospérer, mais également d’anticiper une possible répression politique des médias en cas de victoire un jour d’un candidat NFP qui voudra interdire des organes de presse comme le nôtre :
1
Inciter les médias de droite traditionnels à pleinement jouer leur rôle de vaisseau amiral : à l’image de CNews capable d’inviter toutes les composantes médiatiques. Le JDD pourrait s’en inspirer pour faire vivre une diversité d’opinions et pas uniquement assurer un monopole qu’il ne pourrait de toute façon pas assurer en raison d’un positionnement « conservateur modéré ». Les grands médias doivent jouer leur rôle, notamment lorsqu’il s’agit de défendre leurs confrères ou donner écho à leur travail. C’est selon moi le grand manque de ces dernières années, alors que cette presse indépendante joue, elle, son rôle en défendant.
2
Communiquer auprès du public de droite sur la nécessité de s’abonner, et soutenir très concrètement une information de qualité, sans quoi nous perdrons toute capacité à nous développer et à résister. L’arrivée massive ces dernières années de contenus gratuits, issus des réseaux sociaux – sur lesquels nous avons fait notre propre succès – ne doit pas annihiler le travail journalistique. Influenceurs et journalistes doivent pouvoir cohabiter pour toucher un public de plus en plus large et ne pas négliger les jeunes générations. Pourquoi se plaindre d’une hausse du complotisme dans certaines sphères de droite si on est incapable de notre côté de parler à ce public en soif de vulgarisation ?
3
Instaurer l’enquête comme la valeur cardinale du journalisme à droite : en cela, il conviendrait de mettre en commun les principaux journalistes des différentes rédactions de droite, pour une grande enquête annuelle. Alors que Mediapart, Le Monde, Libération et la presse étrangère ont su s’allier lors de consortium de journalistes pour dévoiler les grandes enquêtes de la décennie, comme celle des Panama papers, pourquoi sommes-nous incapables de le faire ? Alors que je donnais une conférence le mois dernier, un jeune m’a posé cette question : « N’y a-t-il pas trop de médias à droite ? » Je lui ai demandé s’il avait l’impression que tout avait été révélé, sur l’islamisme, l’aide aux migrants, la corruption dans les banlieues, le narcotrafic : évidemment que non. Tout est encore à faire. Nous sommes encore loin d’avoir bâti un pôle médiatique gorgé de journalistes spécialisés en tous genres, capable demain d’irriguer toutes les sphères. Oui, la bataille de l’opinion est rondement menée par une droite qui a su résister face à l’idéologie progressiste, comme l’ont fait Boulevard Voltaire ou encore L’Incorrect, Causeur et d’autres. Mais la bataille qui vient nous demande à tous de nous surpasser.
« On a gagné la bataille d’internet » : cette phrase est aujourd’hui dénuée de sens. En trois ans, les principaux youtubeurs de droite ont quitté la plateforme, et quoi qu’on pense d’eux, ce fut un recul. La gauche a créé toute une série de médias cumulant des centaines de millions de vues quand nous comptons plutôt en dizaines de millions. Ce sera l’objet de notre prochaine enquête pour enfin, sortir de notre discours rassurant qui voudrait que le peuple soit totalement de notre côté. Rien n’est plus faux. Et si nous en prenions conscience, nous saurions enfin nous coordonner.
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