Politique
7,6 % des OQTF exécutées : un nouveau rapport pointe l’échec des expulsions de clandestins
Face à des blocages diplomatiques persistants, des dysfonctionnements judiciaires et des moyens budgétaires en recul, la France peine à appliquer les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Le rapport de la députée Brigitte Klinkert dévoile un système miné par des entraves administratives, illustrant l’incapacité de l’État à faire respecter ses décisions, au risque de fragiliser sa crédibilité.
Pourquoi la France échoue-t-elle si souvent à éloigner les étrangers sous Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) ? Le récent rapport de la députée Brigitte Klinkert, présenté au sein de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, apporte des réponses à cette interrogation. Ce document, inédit dans sa précision, dresse un tableau édifiant de la situation : des blocages diplomatiques aux dysfonctionnements judiciaires, tout est passé au crible.
En 2023, 137 730 étrangers étaient visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), dont 34 % provenaient des pays du Maghreb. Pourtant, seuls 7,6 % d’entre eux ont été effectivement éloignés, un taux bien inférieur à la moyenne européenne de 19 %. Ces chiffres mettent ainsi en exergue l’incapacité structurelle de la France à appliquer ses propres décisions, malgré un arsenal juridique qui devrait, en théorie, faciliter les expulsions.
OQTF : le cas épineux de l’Algérie
Parmi les principales entraves, la délivrance des laissez-passer consulaires, indispensables pour renvoyer les clandestins dans leur pays d’origine, se révèle être un véritable casse-tête. Selon Brigitte Klinkert, 96 % des annulations d’éloignement en 2023 sont dues au refus de ces documents par les pays sources, en particulier les autorités maghrébines. « L’Algérie, notamment, ne joue plus le jeu », déplore la députée. Les tensions diplomatiques entre Paris et Alger, exacerbées par les récentes prises de position françaises sur le Sahara occidental, compliquent encore davantage la coopération. Résultat : des milliers de clandestins restent sur le sol français faute de moyens administratifs pour les expulser.
Le rapport met également en lumière d’autres obstacles majeurs. D’un côté, les tribunaux français, appliquant strictement le droit, ordonnent la libération de nombreux clandestins retenus en centres de rétention administrative (CRA). Ces libérations ont quadruplé en quatre ans, passant de 1 934 en 2019 à 8 141 en 2023. De l’autre, les « refus d’embarquer » dans les avions de retour représentent une entrave supplémentaire. Encouragés par certaines associations, ces refus concernent encore plus de 140 personnes par mois en 2024. En parallèle, des actes d’automutilation ou d’agressivité rendent parfois physiquement impossibles les expulsions.
Une politique budgétaire en contradiction
Alors que le gouvernement promet une augmentation des places en centres de rétention (passant de 1 959 à 3 000 d’ici 2027), les moyens alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière diminuent. Le budget prévu pour 2025 accuse une baisse significative : -42 % en autorisations d’engagement et -23 % en crédits de paiement par rapport à 2024. Cette incohérence a été relevée par plusieurs parlementaires, forçant le gouvernement à annoncer un amendement budgétaire pour rectifier le tir. Mais cette promesse suffira-t-elle à résoudre les dysfonctionnements chroniques ?
Les conséquences de ces failles administratives ne se mesurent pas seulement en chiffres. Le viol et le meurtre d’une jeune femme par un clandestin sous OQTF, en septembre dernier, ont tragiquement illustré les dangers de ce système inefficace. « Le laissez-passer consulaire de cet individu avait été délivré quelques jours après sa libération », rappelle le rapport. Face à ces drames, la proposition d’allonger la durée maximale de rétention au-delà de 90 jours semble inefficace. « Les pays sources exploitent déjà ce délai en délivrant les documents à la dernière minute, voire pas du tout », souligne Brigitte Klinkert.
Au-delà des chiffres et des procédures, c’est la crédibilité même de l’État français qui est en jeu. L’incapacité à appliquer les OQTF alimente les critiques. « Si l’on veut véritablement agir, il faudra réformer en profondeur, et non se contenter de demi-mesures », conclut un officier de la police aux frontières. Pour l’heure, la politique migratoire française semble davantage engluée dans des batailles bureaucratiques que dans une véritable volonté de fermeté.
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