Société
[Édito] Jeunesse volée
Pour mon premier édito, je pensais faire une ode à la femme, mais ce dimanche 3 novembre, je n’ai rien d’autre en tête que le visage de Nicolas et de toutes ces victimes, dont la liste ne cesse de s’allonger jour après jour.
La gorge nouée et les larmes qui débordent à force de voir les visages des parents effondrés qui suivent le cercueil de leurs enfants qu’ils ont vus partir, mais ne verront jamais rentrer. C’est un cri d’alerte en tant que journaliste qui ne cesse de recevoir ce type d’information, et en tant que jeune femme de 24 ans, qui a peur de sortir seule et de voir sortir ses amis, au risque de ne pas les voir revenir.
Dans ma jeunesse, je pensais que les moments de fête étaient ceux que me racontaient ma famille et leurs amis. Je m’émerveillais en écoutant leurs souvenirs et les images se construisaient peu à peu. Les fêtes de village ou clubs de danse baignés par la chaleur d’un été, des rires et de la musique sur la place centrale. Des rues pavées illuminées de guirlandes multicolores, une douce odeur de grillade, des tables en bois, des verres de vin, des concours de pétanque, des moments de camaraderie que tous les jeunes devraient vivre.
L’harmonie des vies quotidiennes, la célébration de l’amitié, et surtout, un hommage à la vie tranquille mais vibrante d’un petit village français. Tout cela est terminé. Être jeune en France, c’est sortir sans savoir si on va rentrer sain et sauf. Être une femme qui fait la fête, c’est vérifier qu’on n’a pas mis de la drogue dans notre verre, qu’on ne nous a pas planté une seringue dans le bras, qu’on ne nous suive pas à notre retour de soirée, ou que le VTC n’ait pas un comportement étrange.
Être un jeune homme en France, c’est souhaiter participer à une fête d’Halloween avec des amis, mais se retrouver tué d’une balle en pleine tête. Être étudiante, c’est rentrer chez ses parents après un déjeuner, désireuse de retrouver son fiancé, mais finalement perdre la vie et être enterrée dans un bois. Être un jeune homme, c’est aller à une fête de village après un match de rugby en pensant retrouver ses copains, mais se faire poignarder à coups de couteau et ne jamais retoucher un ballon. Être une collégienne, c’est rentrer chez soi pour retrouver son grand frère et ses parents, puis finir dans une valise, violée et massacrée. Être une jeune active, c’est rentrer de ses courses et se faire violer dans le hall de son immeuble. Le risque de se faire poignarder pour un téléphone est devenu une triste réalité. Être baby-sitter, c’est croiser la mauvaise personne au mauvais moment à un coin de rue et subir des abus sexuels en pleine rue en se rendant à son travail étudiant. On nous dit que c’est la faute à pas de chance, le mauvais moment au mauvais endroit. La vérité, c’est que la France est devenue le mauvais endroit.
Être jeune en France, c’est risquer de finir comme Lola, Thomas, Matisse, Philippine, Nicolas, Kylian, Maxime, Timothy, Thomas, Adrien, Axelle, Bastien et tant d’autres que je ne pourrais tous les citer car la liste est trop longue et n’arrête pas de s’allonger. Je suis effondrée en écrivant ces mots et en décrivant ces profils, mais surtout en colère envers une justice qui faillit à son devoir, et un État qui abandonne les siens. Nos représentants politiques préfèrent être au Maroc à déguster des petits fours et côtoyer des délinquants, tantôt en jogging, tantôt en costard-cravate, plutôt que de voir les Français se faire massacrer.
« Être JEUNE EN FRANCE, Lola, Thomas, Matisse, Philippine, c’est RISQUER de FINIR comme Nicolas, Kylian, Maxime, Timothy…
Combien de temps cela va-t-il durer ? Quand allons-nous pouvoir vivre une jeunesse digne de ce nom ? Nous évoluons dans un pays où nous sommes contraints de cohabiter avec ceux qui ont transformé la France rurale, celle du bon vin, du rugby, des fêtes de village et des soirées endiablées, en un pays où les démons de minuit sont désormais remplacés par le bruit des balles, l’odeur du sang, ainsi que par les cris et les larmes. Réveillez-vous. Pour eux, réveillez-vous !
Je ne peux terminer ces quelques lignes sans m’adresser aux parents et aux amis de toutes ces victimes, à ceux qui ont vu partir leur enfant sans jamais les voir revenir. Ceux qui sont passés d’un baiser sur la joue à une main sur le marbre. Eux, ils n’entendront plus jamais leur téléphone sonner ni les lumières des gyrophares de la même manière. Ils ne verront plus jamais la table familiale dressée sans ressentir un vide immense, ils ne sentiront plus leur odeur, ne les accompagneront pas à l’autel lors de leur mariage, ne deviendront pas grands-parents et devront vivre avec ce manque jusqu’à la fin de leur vie. Les anniversaires, les Noël et toutes les fêtes n’auront plus jamais la même saveur. Ils n’ont rien demandé, sont toujours restés droits: pourtant, leur peine durera à perpétuité.
Pour eux, pour toutes les victimes d’un État laxiste, ni oubli, ni pardon.
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