Politique
Pas de budget, pas de panique ? La France est à l’abri d’un shutdown à l’américaine
Aux États-Unis, des administrations fermées, des fonctionnaires sans salaire, une économie paralysée … Le spectre du « shutdown » sème régulièrement le chaos outre-Atlantique. Mais en France, un tel scénario est-il possible ? Protégée par sa Constitution, la République a déjà connu des crises budgétaires, et des garde-fous constitutionnels évitent un tel scénario.
Avec la menace d’une motion de censure, certains brandissent déjà l’épouvantail d’un « shutdown » à l’américaine. Sur le plateau de LCI ce 22 novembre, Pierre Moscovici sonne l’alerte : « La meilleure façon d’éviter un shutdown à l’américaine, c’est qu’il y ait un budget voté. »
🗣️ “La meilleure façon pour éviter un shutdown à l’américaine, c’est qu’il y ait un budget voté” indique le premier président de la Cour des comptes, @pierremoscovici, invité de @margothaddad pic.twitter.com/v6IpRV1m3Y
— LCI (@LCI) November 22, 2024
Pourtant, en tant que premier président de la Cour des comptes, il est bien placé pour savoir que ce scénario n’existe pas en France. Notre Constitution de 1958 nous a prémunis de ce cas de figure.
Le spectre du shutdown, quand l’administration se fige
Aux États-Unis, faute d’accord au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette, l’État fédéral se retrouve sans budget, contraint de suspendre nombre de ses activités gouvernementales. Des retards de salaire frappent les fonctionnaires, parfois contraints de travailler sans salaire ou de rester chez eux.
En France, un tel scénario semble improbable grâce aux mécanismes inscrits dans la Constitution. En cas d’échec du vote du budget, l’État peut s’appuyer sur une procédure exceptionnelle : grâce à la loi dite « spéciale », le gouvernement est autorisé à reconduire les recettes et dépenses de l’année précédente par décret. Une protection efficace qui assure la continuité des services publics et évite la paralysie complète. Ce scénario s’est déjà produit en 1980.
1980 : une année sans budget, mais sans chaos
À l’automne 1979, le gouvernement de Raymond Barre, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, affronte un sérieux blocage à l’Assemblée nationale. Le RPR de Jacques Chirac, alors dans l’opposition, refuse de voter la partie recette du budget afin de réclamer des économies supplémentaires.
Raymond Barre, alors premier ministre, déterminé, décide de poursuivre les discussions budgétaires malgré l’impasse. Finalement, sous pression, le RPR finit par céder et le budget est voté. Mais alors que tout semble rentrer dans l’ordre, un coup de théâtre intervient : le Conseil constitutionnel annule la loi de finances pour 1980. La partie recette n’avait pas encore été votée, mais celle des dépenses avait déjà fait son entrée dans l’hémicycle.
La loi spéciale évite le shutdown
Privé de budget, l’État aurait pu sombrer dans une crise majeure. Mais la Constitution prévoit une solution : le gouvernement peut présenter une « loi spéciale » pour percevoir les impôts de l’année précédente et engager des dépenses essentielles. C’est cette voie qu’emprunte le premier ministre Barre, évitant ainsi à la France une paralysie totale.
Les services publics ont continué à fonctionner, et l’économie n’a pas subi de chocs majeurs. Si le bras de fer politique était inévitable, il n’a pas pris en otage ni l’État ni les Français.
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