Société
Amputée des quatre membres après une infection : Priscilla Dray face au CHU de Bordeaux
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23 Juillet 2011. Priscilla Dray, alors âgée de 36 ans, sort du CHU de Bordeaux après une interruption volontaire de grossesse (IVG). Quelques heures plus tard, elle est rattrapée par une fièvre violente, une fatigue écrasante. Inquiète, elle retourne aux urgences gynécologiques, où on la renvoie chez elle sans antibiotique et sans examen approfondi.
Le lendemain, son état empire. Une médecin généraliste tire la sonnette d’alarme, suspecte une septicémie et rédige une lettre d’urgence. Priscilla revient au CHU, cette fois en ambulance. Mais à l’hôpital, l’alerte reste lettre morte.
L’alerte ignorée et le mépris affiché
Cette lettre, qui aurait pu changer le cours des événements, tombe dans les mains d’une interne qui la balaie avec mépris. Lorsque Priscilla Dray tente d’expliquer son état et d’insister sur l’inquiétude de la généraliste, la réponse est sidérante :
« Quand j’arrive aux urgences, je suis à l’agonie. Je me suis heurtée à un délit de faciès, à un mur de mépris. J’ai supplié l’interne de m’aider et de m’hospitaliser en urgence. Quand j’ai parlé de la lettre de la généraliste, elle a rigolé en disant "ce n’est pas les médecins de garde qui vont décider à ma place". »
”
La patiente est abandonnée pendant des heures sur un brancard alors que son état empire. La fièvre monte, ses membres commencent à gonfler, les premiers signes d’un choc septique sont visibles. Mais rien ne bouge. Aucun traitement antibiotique ne lui est administré avant la fin de l’après-midi. Il faudra attendre encore des heures avant qu’elle ne soit transférée en service de déchocage (réanimation). Ses chances de survie ne sont alors que de 5%. Lorsqu’enfin les équipes médicales réagissent, il est trop tard.
Le 25 août, l’issue est implacable : pour la sauver, il faut l’amputer des quatre membres. Un verdict aussi brutal qu’incompréhensible pour celle qui était venue chercher des soins.
L’attitude de l’interne ce jour-là n’a pas seulement été une erreur d’appréciation. Lorsque le beau-frère de Priscilla Dray, lui-même médecin, tente de la raisonner au téléphone et insiste sur l’urgence de la situation, il se heurte à la même indifférence :
« Je lui dis qu’on peut craindre un choc septique. Elle avait les doigts gonflés, ce qui est un signal fort. Elle me répond que Priscilla vit mal son avortement. Quand elle a vu les doigts, elle a dit qu’elle s’était cognée, c’est du déni »
”
Elle est ainsi réduite à un état émotionnel supposé, à une femme en détresse psychologique et non à une patiente en danger de mort. Ce déni coûtera à la patiente ses quatre membres.
Trois expertises ont révélé une série de dysfonctionnements dans sa prise en charge, notamment le retard dans l’administration des antibiotiques. Toutefois, elles n’ont pas pu établir avec certitude si une prise en charge plus rapide aurait pu éviter l’amputation.
Un procès sous tension
Depuis quatorze ans, Priscilla Dray se bat pour comprendre. Pour que quelqu’un lui dise « Oui, nous avons failli ». Mais face à elle, un silence de plomb, un déni froid et clinique. Dans le box des prévenus, le CHU de Bordeaux et deux médecins, poursuivis pour blessures involontaires. Michel Baron, directeur du site Pellegrin, refuse de répondre sur l’identité de son prédécesseur, en poste à l’époque des faits. Silence.
Le docteur François Vandenbosschen, quant à lui, assure qu’il ignorait tout du comportement de son interne et qu’il n’a jamais eu connaissance de la lettre alarmante de la généraliste. Il affirme, de plus, s’être rendu au chevet de Priscilla Dray vers 16 heures avant de l’orienter vers un médecin anesthésiste, qui aurait finalement pris la situation en main une heure plus tard.
Sa belle-sœur, témoin direct, tranche net : « La première fois qu’il nous a parlé, c’était en déchoc. Il nous a fait un cours de médecine en disant que tout avait été fait dans les règles de l’art. Il cherchait à se justifier ».
Le procureur Olivier Étienne enfonce le clou : « Pouvez-vous identifier M. Vandenbossche ? ». La témoin désigne sans hésitation le médecin sur le banc des prévenus. « Vous confirmez que vous ne l’avez jamais vu dans l’après-midi ? ». Sa réponse fuse : « Jamais. »
L’audience reprendra ce mardi 18 février.
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3 commentaires
vert10
Je suis curieux de connaitre le parcours de l'interne de garde . Etude , formation.
Signaler un abusflo.diaine@orange.fr
C'est à dire? Qu'elle l'a bien cherché puisqu'elle a voulu se faire avorter? Être contre l'avortement c'est une chose mais sous entendre que c'est bien fait pour elle c'est ignoble.
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