Société
Provins mutilée : une époque sans mémoire
![Provins mutilée : une époque sans mémoire Provins mutilée : une époque sans mémoire](https://cdn.frontieresmedia.fr/prod/5156/conversions/01JMC6K8XGKQ86P8JBM84CXBV3-large.png)
Il y a quelque chose d’étrangement pathétique à justifier la destruction d’un pan de notre histoire par ces mots :
« Elle n’était pas classée, ni inscrite aux Monuments historiques. » (Olivier Lavenka, maire de Provins dans La République de Seine-et-Marne, le 17 février 2025)
”
![Le 5 février 2025, une tourelle médiévale des remparts de la ville-basse de Provins a été démolie à la pelleteuse dans le cadre des travaux d’aménagement de la future ceinture verte de la ville.](https://cdn.frontieresmedia.fr/prod/5167/conversions/01JMCBA3FEBRQEA09SPF3SAN94-large.jpg)
Comme si le patrimoine n’avait de valeur qu’une fois estampillé d’un label officiel. Comme si, sans ce sceau, il devenait soudainement négligeable, effaçable, sacrifiable.
À Provins, une tourelle du XIIIe siècle vient de disparaître sous les pelleteuses. Sans débat. Sans transparence. Sans même que les Provinois aient eu le droit d’en être informés à l’avance.
Face à l’indignation, le maire tente d’éteindre la polémique : « La tourelle sera remise en état avec le plus grand soin. »
Mais une question demeure : pourquoi l’avoir détruite en premier lieu ?
Personne ne conteste l’idée que le patrimoine puisse parfois nécessiter des travaux, des consolidations, des restaurations. Mais restaurer, ce n’est pas raser. Or, ici, le choix a été fait d’anéantir la tourelle au lieu d’opter pour une solution de préservation. Et maintenant, on voudrait nous rassurer en nous expliquant qu’elle sera reconstruite ?
Mais reconstruire, ce n’est pas préserver. C’est remplacer. Ce qui sera érigé demain n’aura plus rien de cette tourelle du XIIIe siècle. Elle n’aura plus cette patine du temps, cette charge émotionnelle, cette authenticité, qui font la grandeur du patrimoine. On aura une imitation, une réplique, un décor de théâtre qui tentera d’imiter l’histoire sans jamais pouvoir la recréer.
L’histoire est tissée d’oubli et de mémoire. Détruire une partie de notre patrimoine au prétexte qu’il n’est pas classé, c’est choisir l’oubli. Or, une ville comme Provins ne peut pas se contenter d’être un décor de pierres où seuls les vestiges les plus prestigieux seraient dignes d’intérêt.
Provins ne doit pas devenir une ville où seuls les monuments les plus exceptionnels ont droit à une protection, tandis que tout le reste peut disparaître sans que personne ne s’en émeuve. L’histoire d’une ville ne se résume pas à ses plus grandes gloires architecturales, elle se lit aussi dans ces éléments plus modestes, mais tout aussi essentiels à son identité.
Je suis né en 1996. J’ai 29 ans. Et comme beaucoup de ma génération, je vois avec inquiétude la lente érosion de nos repères, la déconstruction systématique de notre héritage. L’histoire de France est attaquée, méprisée, effacée par ceux qui la jugent trop lourde, trop exigeante, trop contraignante pour l’époque.
Alors oui, quand je vois qu’à Provins – ville médiévale inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO – un édifice du XIIIe siècle est rasé sous prétexte qu’il n’était pas classé et que l’on tente de nous rassurer en parlant de reconstruction, je me dis que nous vivons un moment inquiétant.
Un bon maire de Provins, un maire qui aime sa ville, ne se contente pas de gérer sa commune comme un tableau Excel. Il ne regarde pas une tourelle vieille de huit siècles comme une nuisance urbaine à éradiquer. Il cherche des solutions, il innove, il protège, il transmet.
On aurait pu faire autrement. On aurait pu intégrer cette tourelle au projet. On aurait pu la restaurer, l’embellir, en faire un point d’orgue de cette « ceinture verte » dont on nous parle tant. On aurait pu respecter ce qui a été bâti avant nous au lieu de le raser comme si cela n’avait jamais existé.
Mais non. On a préféré détruire. Parce que ce n’était pas classé.
C’est donc ça, la seule boussole qui guide les choix de ceux qui prétendent défendre notre ville ? C’est donc ça, leur vision du patrimoine ? Une liste froide de bâtiments administrativement validés, et tout le reste à la benne ?
Aujourd’hui, une tourelle du XIIIe siècle a disparu dans l’indifférence des bureaux. À quoi s’attaqueront-ils demain ?
On ne protège pas le patrimoine par opportunisme ou par contrainte légale. On le protège parce qu’il est ce fil invisible qui relie les générations. Parce qu’il est un rempart contre l’amnésie collective, un antidote face à l’uniformisation du monde.
En tant que député, en tant que Provinois, en tant que simple citoyen, je refuse cette vision comptable et médiocre de notre histoire. Nous méritons mieux. Nos enfants méritent mieux.
L’âme de Provins ne se négocie pas. Elle ne s’efface pas. Elle se défend.
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3 commentaires
Irrefragable
Si Retailleau est sincère,je me demande pourquoi il est chez les LR,depuis tant d'années. J'ai écouté le dernier interview de Laurent Wauquiez sur BFMTV (face à Benjamin Duhamel),il s'agit vraiment d'un homme brillant et habile,son discours est maitrisé de bout en bout. Si je venais de débarquer et j'ignorais tout de l'histoire politique française des dernières décennies,je me serais empressé d'obtenir une carte d'adhérent aux LR. Les LR pourraient très bien récolter le fruits des efforts des partis "d'extrême droite" en 2027, comme ils l'ont déjà fait 20 ans plutôt,(d'autant plus que le RN ne cesse de se gauchiser). Car les français n'ont (semble-t-il) pas de mémoire.
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