C8 débranchée : une décision politique déguisée

Ce mercredi 19 février, le Conseil d’État a validé la perte de la fréquence TNT de C8. Officiellement, la chaîne du groupe Bolloré est sanctionnée pour ne pas avoir respecté certaines obligations : respect des droits des personnes, manque de diversité, non-respect du pluralisme, propos polémiques à l’antenne. À cela s’ajoute l’argument d’une chaîne en déficit chronique et d’un modèle économique jugé fragile. Comme si la viabilité financière était désormais un critère pour décider du droit à l’existence d’un média.

Mais derrière ces justifications techniques, c’est bien une décision politique qui se cache.

Il faut se rappeler que la première attaque contre C8 ne vient pas de l’Arcom, mais du gouvernement lui-même. En 2023, c’est Rima Abdul Malak, alors ministre de la Culture, qui ouvre le feu dans une interview au Parisien. Elle y appelle ouvertement l’Arcom et la justice à se pencher sur les « débordements » de Touche pas à mon poste et fait référence à l’altercation entre Louis Boyard et Cyril Hanouna.

Autrement dit, la messe était dite dès 2023. Restait seulement à trouver le prétexte, et il était tout désigné : CNews et C8 ont reçu pas moins de 52 sanctions de l’Arcom entre décembre 2012 et novembre 2024, dans un paysage médiatique à deux vitesses, où, lorsque Cyril Hanouna s’en prend à Louis Boyard, C8 écope de 3,5 millions d’euros d’amende. Mais quand Charline Vanhoenacker insulte Elon Musk en direct sur France 2, il ne se passe rien.

Ce précédent en dit long sur l’avenir du paysage audiovisuel français. Une chaîne qui dérange peut disparaître, et les autres médias sont prévenus : attention à ce qui se dit, attention à qui est invité. Maintenant, place à l’autocensure et à l’uniformisation du paysage médiatique. Pour cela, faut-il encore se débarrasser de CNews.

Mais la liberté d’expression, ce n’est pas seulement le droit de parler. C’est aussi le droit d’écouter.

En supprimant C8, on prive des millions de Français d’une chaîne où toutes les sensibilités politiques avaient leur place. Et à deux ans des élections présidentielles, cette disparition pose une question démocratique majeure.

Une chaîne de télévision, ce n’est pas juste un canal de diffusion. C’est un lieu de débat, de contradiction, de discussion.

La question dépasse désormais largement C8. Si une chaîne peut être supprimée sous prétexte qu’elle dérange, alors aucune n’est à l’abri.

Nous devons défendre la liberté d’expression. Non pas pour un groupe particulier. Non pas pour un animateur. Mais pour ce principe fondamental qui fait qu’une société reste libre. Car une démocratie qui commence à choisir qui a le droit de parler n’est déjà plus vraiment une démocratie.