Société
TNT : quand l’ARCOM favorise une société fantôme revendue 78 millions d'euros, validée par le Conseil d’État
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En France, l’attribution et la régulation des fréquences de la TNT (Télévision Numérique Terrestre) sont confiées à l’ARCOM (anciennement le CSA). Si l’actualité récente a mis en exergue les sanctions contre C8, un précédent notable, celui de la chaîne Numéro 23 (aujourd’hui RMC Story), soulève des questions légitimes sur la rigueur passée de cette institution. Selon les propos d'Éric Morillot, révélé ce vendredi 28 février dans notre matinale, contrairement à C8, dont la fréquence a été mise en péril, la Numéro 23 a été préservée de justesse par le Conseil d’État, malgré une tentative de l’ARCOM de la supprimer.
L’histoire de Numéro 23 commence avec la société Diversité TV France, fondée par Pascal Houzelot. En 2012, cette société obtient une fréquence TNT dans le cadre d’un appel d’offres de l’ARCOM. À peine deux ans et demi plus tard, en 2015, Diversité TV France est vendue au groupe NextRadioTV (propriété d’Altice) pour 78 millions d’euros. Une opération spectaculaire, sachant que Pascal Houzelot avait initialement investi seulement 10 000 euros dans la création de sa société. Par la suite, NextRadioTV a été racheté par le groupe CMA CGM, dirigé par Rodolphe Saadé, qui possède également BFM TV et RMC. Aujourd’hui, la chaîne porte le nom de RMC Story.
Une attribution entachée d’irrégularités ?
L’attribution de la fréquence à Diversité TV France repose sur un processus qui semble comporter des anomalies. Selon une décision de l’ARCOM datée du 18 octobre 2011, les candidats à l’appel d’offres pour les nouvelles fréquences TNT devaient remplir des conditions précises. Notamment, avant la date limite de dépôt des candidatures, fixée au 10 janvier 2012, les sociétés non encore immatriculées devaient fournir des statuts signés, cohérents avec ceux déposés au greffe du tribunal de commerce, ces derniers faisant foi juridiquement.
Pourtant, les statuts constitutifs de Diversité TV France, déposés au greffe du Tribunal de commerce de Paris, ont été signés le 12 avril 2012 et l’immatriculation enregistrée le 16 avril 2012. Cela signifie qu’au 27 mars 2012, jour où l’ARCOM désigne officiellement Diversité TV France comme attributaire de la fréquence, la société n’existait pas encore légalement. De plus, le 8 mars 2012, Pascal Houzelot avait été auditionné par l’ARCOM en tant que « président » de cette entité, alors que ses statuts n’étaient pas encore signés.
Des statuts déposés hors délai
Les règles de l’appel d’offres autorisaient les candidats à présenter des projets de statuts avant le 10 janvier 2012, à condition qu’ils soient cohérents avec les statuts définitifs déposés au greffe. Or, les statuts signés le 12 avril 2012, seuls valables juridiquement, diffèrent en date des éventuels projets soumis en janvier 2012. En conséquence, au moment de la candidature, Diversité TV France ne pouvait pas être considérée comme une société en cours d’immatriculation, rendant sa participation à l’appel d’offres irrecevable selon les critères de l’ARCOM.
En 2015, apprenant la vente imminente de Diversité TV France à NextRadioTV, l’ARCOM décide de retirer l’autorisation d’émettre à la chaîne, invoquant un « abus de droit entaché de fraude ». Cependant, cette décision ne repose pas sur les irrégularités procédurales liées à la création tardive de la société, mais sur des motifs plus complexes à prouver. Saisi par Pascal Houzelot, le Conseil d’État annule cette sanction le 30 mars 2016, estimant que la fraude n’est pas suffisamment démontrée. Cette décision permet à la vente de 78 millions d’euros de se conclure.
Réactions et suites judiciaires
À l’époque, plusieurs patrons de médias, dont Nicolas de Tavernost (alors président de M6), s’étaient indignés de cette opération dans une lettre adressée à l’ARCOM, sans toutefois aller plus loin. Par ailleurs, Fiducial Médias, concurrent évincé lors de l’appel d’offres de 2012, a déposé plainte contre X pour abus de confiance en mars 2017 auprès du Parquet National Financier. Une information judiciaire est ouverte, mais à ce jour, aucune avancée notable n’a été rendue publique.
L’affaire Numéro 23 reste un cas unique dans l’histoire de l’audiovisuel français. Aujourd’hui, sous la direction de Martin Adjari, l’ARCOM n’a pas apporté de clarification officielle. De même, le Parquet National Financier, dirigé par Jean-François Bonhert, n’a pas communiqué sur l’évolution de l’enquête. Ce précédent continue de susciter des interrogations sur la transparence et la rigueur des processus d’attribution des fréquences TNT.
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2 commentaires
vert10
L’ASLA attaque l’ARCOM pour excès de pouvoir et dérive partisane Après la décision de l’ARCOM de retirer C8 de la TNT, L’ASLA attaque l’ARCOM pour excès de pouvoir et dérive partisane Après la décision de l’ARCOM de retirer C8 de la TNT, nous passons à l’action. Nous avons saisi l’ARCOM il y a quelques mois pour exiger un traitement équitable du pluralisme médiatique, l’ASLA constate son silence coupable et son refus implicite d’agir. Nous déposons donc dès aujourd’hui un recours devant le Conseil d’État pour excès de pouvoir, accompagnés par notre avocat Maître Prigent, afin de contraindre l’ARCOM à remplir ses obligations. Pourquoi cette action judiciaire ? L’ARCOM prétend défendre le pluralisme, mais en réalité, elle applique une politique du "deux poids, deux mesures" en ciblant systématiquement certains médias privés tout en épargnant les chaînes publiques qui imposent une pensée unique. La preuve : sa décision de retirer C8 de la TNT, privant des millions de Français d’une chaîne parmi les plus regardées du pays. Un choix éminemment politique, car C8 appartient au groupe Bolloré, identifié comme dissident face au paysage médiatique dominant. Dans le même temps, France Télévisions et Radio France, financées par l’impôt des Français, restent protégées, malgré une absence totale de diversité idéologique parmi leurs animateurs et chroniqueurs. L’ASLA exige que l’ARCOM applique les mêmes règles de pluralisme aux chaînes publiques qu’aux chaînes privées. Nous avons demandé des explications, nous avons proposé une correction volontaire. L’ARCOM a refusé de répondre. Nous lui imposons désormais, par voie judiciaire, de réguler équitablement l’ensemble des médias français.
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