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Paysan contre oligarchie : retour sur la croisade de Montjoi

Dans le petit village de Montjoi, un conflit oppose depuis six an un éleveur de cochons laineux, le maire, un conseiller municipal, ainsi qu’un riche propriétaire anglais. Copinage, procès à répétition, commando armé, meurtre de bêtes soudains, quand le monde rural s’oppose à l’oligarchie.

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Paysan contre oligarchie : retour sur la croisade de Montjoi

L’histoire semble tout droit sortie d’une mauvaise comédie. Dans le petit village de Montjoi dans le Tarn-et-Garonne, un conflit oppose depuis plus de six ans, Pierre-Guillaume Mercadal, un éleveur de cochons laineux, Christian Eurgal, le maire de la communauté de communes, Jean-Michel Baylet le baron de l’Occitanie et un riche propriétaire anglais. Après une vidéo publiée sur YouTube par le Youtubeur Papacito mettant en lumière la situation invraisemblable dans laquelle se trouve l’éleveur, la situation paraissait presque entérinée. Mais la mort soudaine de six cochons dans un terrain de plus d’une dizaine d’hectares relance la polémique. Sur son compte Instagram, cumulant bientôt trente mille abonnés, Pierre-Guillaume s’est filmé, cochon assassiné sur le dos, entrant dans la mairie de Montjoi pour confronter le maire une énième fois.

Tout commence dans ce petit village de Montjoi, au sud-ouest de la France. Construit au XIIIe siècle par Alphonse de Poitiers, le frère de Saint-Louis. Montjoi sera le théâtre de conflits face aux Anglais durant la Guerre de Cent Ans. Six siècles plus tard, les conflits, certes moins violents, avec non pas des, mais un Anglais, sont toujours d’actualité.

Construction illégale, procès, route communale bloquée : les débuts du conflit à Montjoi

Pierre-Guillaume, ancien videur, décide il y a quelques années de vivre de sa passion et se lance alors dans l’élevage de cochons laineux. Il achète alors (après avoir demandé conseil à la municipalité), un terrain de plusieurs hectares. Ce terrain est relié par une petite route communale. Cette dernière est rapidement coupée par un portail entouré de deux colonnes de pierres qui soutiennent ce dernier. Cette roule jouxte la grande propriété d’un Anglais, directeur de la compagnie Hybrid Air Vehicles et proche de la famille royale Britannique.

Et c’est de là que tout commence. Selon Pierre-Guillaume, le propriétaire mettrait en location sa maison plus de huit mille euros la semaine. Par conséquent, il ne souhaitait pas que ses hôtes soient dérangés par la vie rurale. Interrogé là-dessus, l’éleveur nous a indiqué qu’il n’y a « zéro nuisance sonore, pas d’odeur au niveau du chemin, car l’élevage est propre, bio et se trouve sur un très grand terrain ».

Pour l’éleveur, le portail a été installé illégalement sur cette route publique. Ce dernier se rend alors devant le tribunal afin de faire enlever le portail et la caméra de surveillance installée sur ce dernier. Pierre-Guillaume gagne le procès, le portail est alors enlevé, mais les deux colonnes de pierres qui gênent le passage d’engins et des camions de livraisons, elles, restent. L’éleveur avait porté plainte pour le portail et la caméra, mais pas pour les colonnes, pensant que le tout formait un ensemble juridique.

La route de la discorde

Les colonnes auraient pu être enlevées et l’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais le maire, Christian Eurgal, surnommé par Papacito « la fouine », a refusé la décision de justice et s’en est allé en cassation afin de remettre un portail à la maison de l’Anglais. Cette démarche juridique, refusée par ailleurs, aurait selon l’éleveur été financée aux frais de la mairie de Montjoi. Contacté, le maire assure que cette information est fausse. À la suite de cela, Pierre-Guillaume a demandé à la mairie à ce que ces colonnes soient enlevées, en vain.

Heureusement pour l’éleveur, un autre chemin, plus long, qui se situe en contrebas de la route communale, lui permet d’accéder à son terrain. Mais ce dernier est trop étroit, dangereux et même impraticable pour certains engins, car en terre. « Les camions de livraisons ne peuvent pas descendre, ce qui rendait impossible la construction et l’installation de ma maison », déclare-t-il à Livre Noir. Lors de l’achat du terrain, le maire a garanti à l’éleveur que ce terrain peu praticable était communal tandis que celui bloqué ne l’était pas. C’est l’inverse selon Pierre Guillaume.

Après cet épisode, au début du mois d’octobre 2022, l’éleveur entame chez lui des travaux. L’électricité lui est rapidement coupée, et ce, durant six mois et une semaine avant la trêve hivernale. Sous ordre du préfet, l’électricité est rétablie. Selon le maire, les factures n’avaient pas été réglées. Pierre-Guillaume, lui, assure que c’est faux, que tout a été payé en temps et en heure.

Jean-Michel Baylet le baron de l’Occitanie

Jean-Michel Baylet est l’un des hommes les plus influents de la région. Il est tout d’abord conseiller municipal de la communauté de communes dans laquelle se trouve Montjoi depuis 12 ans. Sénateur lors de la loi sur le non-cumul des mandats, Baylet ne pouvait pas devenir maire. C’est pourquoi, il se fait élire conseiller municipal. Mais au moment des élections de la communauté de communes, J-M Baylet passait premier conseiller, postulait et était élu à la tête de la communauté de communes. Une fois cette étape faite, l’élu de gauche résiliait alors son post de premier conseiller. Grâce à ce jeu de chaises musicales, il était, à la fois, sénateur, président de communauté de communes et président de conseil départemental. Des postes qui lui permettaient de gérer aisément les subventions, les finances et plus largement le département tout entier.

Ministre sous Mitterrand, secrétaire d’État sous François Hollande, ancien député, sénateur, maire, président de conseil départemental, président de communauté de communes, l’élu est l’archétype de la gauche caviar issue des rangs mitterrandiens. Il entame son second mandat en tant que conseiller municipal dans la communauté de communes dans laquelle se trouve Montjoi, lorsque François Hollande est Président de la République.

À ce moment, le nombre de subventions augmente considérablement et le village de 150 habitants investit près de 2,5 millions d’euros dans des infrastructures publiques. Ainsi, la communauté de communes est dotée non pas d’une, mais de deux salles des fêtes, dont une ayant coûté la modique somme d’un million d’euros. Elle porte le nom de Jean-Michel Baylet, rien que ça. Actuellement, il est maire de la commune de Valence d’Agen (Tarn-et-Garonne), ville dirigée par sa famille depuis plus de 100 ans. La place du village de Valence d’Agen est au nom de son grand-oncle, l’avenue principale au nom de son père et le stade au nom de sa mère.

Celui que l’on nomme le baron de l’Occitanie est également propriétaire de la quasi-totalité des médias de la région. La dépêche, Midi Libre, Midi Olympique, l’Indépendant, le Petit Bleu, toute la presse lui appartient, mis à part Sud-Ouest. Cette mainmise sur les médias locaux explique l’impossibilité pour Pierre-Guillaume de se faire entendre dans les médias locaux et in fine dans les médias nationaux.

Commando armé : quand Montjoi se transforme en favela

Fin mai 2020, alors que Pierre-Guillaume se trouve chez lui, une voiture de marque allemande se gare non loin de sa maison. Deux hommes armés se dirigent alors vers lui. L’éleveur ne se laisse pas démonter et arrive à entamer un dialogue. Les deux hommes commandités depuis l’étranger comprennent alors qu’ils ont été manipulés. Une situation plus qu’ubuesque se met alors en place. Pierre-Guillaume leur aurait expliqué rapidement le conflit qui l’opposait à l’Anglais et au maire.

Les deux hommes se retournent alors contre leur(s) commanditaire(s). L’un des deux hommes, Thierry.L avait d’ailleurs accepté de répondre face caméra à des questions posées par Papacito. « J’étais payé pour trouver, amocher et frapper un homme qui faisait du mal à une vieille dame sous chimiothérapie et stressée par un fermier (Pierre-Guillaume) » raconte Thierry.L au micro du Youtubeur. « Je comprends rapidement que la situation n’est pas celle qui m’avait été présentée » explique-t-il cette fois-ci aux policiers.

Plus récemment, l’élément ayant relancé la polémique est la mort soudaine de six bêtes. Six cochons de l’élevage ont été mystérieusement tués. Un avec du poison et les autres à coups de fusil. C’est d’ailleurs l’un de que porte sur son dos Pierre-Guillaume dans une vidéo qu’il a postée sur son compte Instagram.

 

 

Contacté par Livre Noir, le maire a accepté de répondre à certaines de nos questions sans grande envie ni forte coopération. Il nous a indiqué ne pas avoir d’éléments sur la mort des bêtes. Il a également confirmé avoir été sous protection policière sans pour autant préciser les modalités de cette dernière : « je ne vous en dirai pas plus ». Enfin, le maire a assuré que la situation était désormais régularisée. En effet, Pierre-Guillaume a signé un contrat avec le propriétaire pour régler, définitivement, il l’espère, cette situation. Nous n’avons pas pu nous procurer cet accord, car il est soumis à une clause de confidentialité. Dans une vidéo récente publiée sur son compte Instagram, Pierre-Guillaume interroge aussi le maire sur cette supposée protection policière.

La route ayant été rachetée légalement trois mille euros par le propriétaire anglais, l’éleveur demande dorénavant au maire de goudronner et rendre accessible le chemin de substitution. Ce dernier a indiqué qu’il soumettrait la demande au conseil municipal afin de budgétiser le projet. Pierre-Guillaume nous a indiqué avoir proposé le rachat de la route communale au prix de 40 000 mille euros, une proposition que le maire aurait refusée. Pierre-Guillaume quant à lui ne comprend toujours pas l’acharnement du maire qui selon lui « aurait simplement pu se ranger du côté du droit et d’un paysan au lieu de s’arranger avec le propriétaire anglais ».

 

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