International
[Édito] Les États-Unis face au déclin
Comme la France, les États-Unis font face à leur destin durant ces élections. Retrouvez l’édito d’Alexandre de Galzain, envoyé spécial de Frontières en Amérique.
« Je m’en reviens des Amériques où j’ai vu beaucoup d’Américains ! » Des Américains, oui, j’en aurai croisé : Démocrates, Républicains, pro-Hamas, complotistes, noirs, hispaniques, anti-immigration et clandestins. À travers six États durant un mois, j’ai sillonné ce pays-continent. Pourquoi ? Pour « suivre les élections », expliquais-je à mes innombrables rencontres.
« Suivre les élections », qu’est-ce à dire ? D’abord, il y eut les Conventions nationales des deux côtés, à Milwaukee et à Chicago. Ensuite, la Floride, ancien swing state passé chez les Républicains ; puis la Pennsylvanie où nous pûmes rencontrer l’électorat de Donald Trump et nous rendre sur les lieux de sa première tentative d’assassinat, à Butler. Enfin, durant une dizaine de jours, nous avons longé la frontière mexicaine au Texas, au Nouveau-Mexique ou en Californie. Plus que « suivre » les élections, nous voulions les comprendre. Pour comprendre le mode de vie américain, il faut avoir parcouru les villes gigantesques du pays. Pour comprendre les Américains, il faut avoir rencontré ses habitants les plus serviables et les plus illuminés. Pour comprendre leur terrible santé, il faut s’être rendu dans leurs hypermarchés. Pour comprendre le problème migratoire, il faut avoir traversé la frontière dans les deux sens d’un seul bond.
Alors nous l’avons fait. À travers les plages de Floride, les forêts pennsylvaniennes et les collines semi-désertiques de Californie, face aux électeurs démocrates et aux coyotes, nous avons tendu le micro et longuement écouté cette bruyante Amérique.
Alors, qu’avons-nous vu ? Le Parti Démocrate, doublé sur sa gauche, doit composer entre électeurs modérés et une frange radicale rassemblant wokes et pro-Palestine – comme un goût de déjà-vu.
Chez les Républicains, le soutien à Donald Trump est si fervent qu’il confine parfois à l’excès. Vu comme un sauveur, parfois même un demi-dieu, le charismatique candidat est parvenu à rassembler toute la droite.
Les tensions s’exacerbent. Tous les commentateurs de la vie politique américaine sont unanimes : jamais le pays n’a été aussi polarisé, jamais il n’y a eu tant de distance et si peu de discussions entre les deux camps au pays du « free speech ».
Regardons les choses en face. Le bilan de Kamala Harris, ou celui de Joe Biden si l’on préfère, est mauvais. L’économie flanche sous les coups de boutoir de l’inflation, le déclassement se poursuit ; la déroute militaire en Afghanistan et l’enlisement du conflit israélo-palestinien ont sacrément endommagé le prestige de l’armée et l’immigration illégale explose, cumulant aujourd’hui à près de 10 000 entrées par jour.
Le bilan de Trump, lui, était bon. L’économie se portait bien, aucune guerre n’avait été déclenchée, la diplomatie fantasque du milliardaire fonctionnait et l’immigration demeurait sous contrôle.
Les faits sont là, inutile de les nier. Pourtant, si l’élection de Donald Trump est encore loin d’être gagnée, c’est parce que le personnage effraie. Brutal, irrévérencieux, il suscite des passions si fortes qu’elles peuvent mener à de tragiques excès comme la « prise d’assaut » du Capitole, le 6 janvier 2021. Trump est loin d’être parfait, admettons-le, mais il faut lui reconnaître qu’il a guéri nombre de ses outrances d’antan et demeure plus qu’autre chose tributaire de son passé. Néanmoins, le personnage est ardu à aimer pour nombre de Français : la finesse de vingt siècles de civilisation européenne ne nous permet pas d’apprécier tout à fait cet enfant au corps de géant. Notre raison ne nous permet pas non plus d’accepter sa haine de toute écologie.
Mais alors que l’élection se transforme en référendum contre Trump – le référendum contre Biden ayant déjà été gagné, l’investiture de Kamala Harris en est la preuve – au sud, la situation migratoire est catastrophique. Un jour de campagne et ce sont 10 000 clandestins qui rentrent : plus de trois millions par an. Les chiffres sont vertigineux, mais ne surprennent guère lorsqu’on se rend à la frontière mexicaine. Véritable passoire là où le mur Trump est absent, elle est parsemée de sentiers et tunnels. Les gardes-frontières américains, eux, sont victimes de la triple alliance des trafiquants, des policiers mexicains corrompus et des ONG pro-migrants. Pire, leur travail est sapé par la politique laxiste du gouvernement Biden qui refuse de les renvoyer dans leur pays : à ce moment-là, à quoi bon les arrêter ? Trafic d’êtres humains, d’enfants, d’organes et de drogues, le chemin qui mène du Mexique aux États-Unis est un boulevard.
Les États-Unis ne font pas face à l’effondrement. Pas encore, leur vitalité et leur puissance les préservent encore de la situation européenne. Mais alors que ses ennemis aiguisent leurs couteaux, le pays de l’Oncle Sam angoisse. Pour ses fins de mois, sa retraite, sa santé, son identité, sa sécurité, ses droits. Notre jeune neveu d’Amérique, au faîte de sa puissance, pour la première fois de son histoire, prend peur. Durant ces élections, les États-Unis, plus que jamais, feront face à leur déclin.
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