Politique
Sanofi cède le Doliprane à un fond d’investissement américain, un groupe de députés s’insurge
Sanofi a annoncé son intention de céder sa division santé grand public, Opella, au fonds d’investissement américain Clayton Dubilier & Rice (CD&R), soulevant une vague d’inquiétudes sur l’avenir de l’industrie pharmaceutique française et la souveraineté nationale.
Alors que le gouvernement français tente de rassurer sur les engagements industriels et économiques, un groupe de 62 députés a interpellé le ministre de l’Économie pour qu’il bloque cette vente d’Opella, potentiellement néfaste pour la sécurité sanitaire du pays.
Cession d’Opella à CD&R : un enjeu stratégique majeur
Le 10 octobre 2024, le géant pharmaceutique Sanofi a confirmé son entrée en négociations exclusives avec le fonds d’investissement américain CD&R pour la cession de 50 % de sa division santé grand public, Opella. Ce pôle représente des marques emblématiques telles que Doliprane, Dulcolax et Maalox, des produits essentiels pour des millions de Français. La transaction, estimée à 15,5 milliards d’euros, marque un tournant pour Sanofi, qui se recentre sur les médicaments innovants et les vaccins.
Cependant, cette décision suscite de vives réactions, notamment en ce qui concerne la souveraineté économique et sanitaire française. Opella, en tant qu’acteur stratégique du marché pharmaceutique français, est au cœur des préoccupations. Le Doliprane, médicament phare de la filiale, est fabriqué en France depuis 1964, avec un record de 424 millions de boîtes produites en 2022. Le projet de cession à un fonds étranger soulève ainsi la question de la capacité de la France à protéger ses fleurons industriels et à garantir la sécurité de son approvisionnement en médicaments.
Une menace pour la souveraineté sanitaire
Au-delà de l’impact économique, cette cession intervient dans un contexte où la souveraineté française en matière de santé est devenue une priorité nationale. Le plan France 2030, annoncé par le gouvernement, vise à relocaliser et à augmenter les capacités de production de médicaments sur le territoire. L’objectif est de sécuriser l’approvisionnement en une cinquantaine de médicaments essentiels, notamment après les perturbations observées lors de la pandémie de COVID-19.
Dans cette optique, la vente d’Opella à CD&R apparaît en contradiction directe avec cette stratégie. En transférant le contrôle d’une entreprise aussi stratégique à des capitaux américains, la France pourrait perdre son autonomie sur la production et la distribution de médicaments vitaux, notamment en cas de tensions géopolitiques ou de crises économiques. Cette situation fait craindre une dépendance accrue aux décisions d’un acteur étranger, américain en l’occurrence, qui prioriserait sans aucun doute ses intérêts financiers au détriment de la sécurité sanitaire française en cas de crise majeure.
Un groupe de députés met la pression sur le Gouvernement
Ce jeudi 11 octobre, face à cette menace, 62 députés issus des groupes EPR, MoDem, Horizons, LR et LIOT ont adressé un courrier au ministre de l’Économie, Antoine Armand, pour interpeller le gouvernement sur les risques liés à cette opération. Ce courrier, signé par des figures politiques de premier plan, dont Charles Rodwell, Jérémie Patrier-Leitus, et Gérald Darmanin, souligne deux enjeux majeurs : le caractère stratégique du Doliprane pour la santé publique et la nécessité de préserver la souveraineté industrielle de la France dans le secteur pharmaceutique.
Les signataires estiment que ni la représentation nationale ni le gouvernement ne peuvent laisser Sanofi mener cette opération à terme sans un contrôle strict de l’État. Ils demandent au ministre d’activer les procédures de contrôle des investissements étrangers, en particulier l’article L151-3 du Code monétaire et financier, afin d’évaluer la nécessité de bloquer cette cession. Ils rappellent également que le Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) doit être mobilisé pour garantir la protection des intérêts nationaux dans cette affaire.
Extrait du courrier :
« L’intention de Sanofi de céder sa filiale Opella au fonds d’investissement américain CD&R contrevient frontalement à l’objectif de relocalisation de la production pharmaceutique fixé par le plan France 2030. […] Le Doliprane est un médicament essentiel pour la santé de millions de Français. […] Ainsi, notre présente interpellation vise à nous assurer que vous avez saisi les services compétents du ministère de l’Economie […] pour activer toutes les procédures de contrôle sur les investissements étrangers en France […] Si une telle saisine n’a pas d’ores et déjà eu lieu, nous vous enjoignons d’activer de toute urgence le contrôle de cette opération, afin d’évaluer la nécessité ou non de la bloquer. »
Vers un contrôle renforcé des investissements étrangers ?
Cette intervention des députés symbolise une prise de conscience croissante des risques liés à la vente d’actifs stratégiques à des fonds étrangers. Les fleurons industriels français, dans des secteurs aussi variés que l’énergie, les transports ou la santé, font de plus en plus l’objet de convoitises de la part de capitaux internationaux. La vente d’Opella à CD&R pourrait ainsi s’inscrire dans une série de désengagements, mettant en péril l’indépendance économique de la France.
Le gouvernement, de son côté, a tenté de rassurer. Antoine Armand, ministre de l’Économie, a déclaré que des engagements économiques seraient exigés de Sanofi et de CD&R pour garantir le maintien du siège social et des centres de décision en France, ainsi que la préservation des emplois et de l’empreinte industrielle du groupe sur le territoire national. Bercy a également rappelé la possibilité de mobiliser les mécanismes de contrôle des investissements étrangers pour empêcher que cette cession ne menace la sécurité nationale.
La cession d’Opella soulève la question plus large de la capacité de l’État à protéger ses actifs stratégiques. La France a mis en place un cadre de régulation des investissements étrangers, qui permet à l’État de bloquer des opérations susceptibles de porter atteinte à ses intérêts essentiels, notamment dans des secteurs clés comme la santé, l’énergie ou les télécommunications. Cependant, l’efficacité de ces dispositifs est souvent remise en question lorsque des transactions d’une telle ampleur impliquent des acteurs financiers extrêmement puissants.
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