Société
Manifestations au Salon de l’Agriculture : que demandent les agriculteurs ?
Après les annonces du gouvernement fin janvier, les agriculteurs ont à nouveau manifesté au Salon de l’Agriculture 2024. Livre Noir est allé à leur rencontre.
À quelques heures de l’ouverture du Salon de l’Agriculture 2024, vers onze heures du soir ce 23 février, plus de deux cents agriculteurs de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs attendent dans le froid. Livre Noir est allé à leur rencontre pour comprendre leurs revendications.
Une profession extrêmement surveillée
Chaleureusement accueillis avec bières et brioches malgré l’heure tardive, nous avons pu discuter durant plusieurs heures avec les agriculteurs pour évaluer ce qu’ils demandaient quelques semaines après les annonces de Gabriel Attal. De fait, malgré la divergence des requêtes, un point d’accord fondamental se retrouve entre tous : le gouvernement n’a pas compris le problème, et ses annonces sont largement insuffisantes.
Un point est largement dénoncé par tous : « Nous sommes le métier le plus surveillé de France ! ». Comment cela donc ? « Nous sommes surveillés H24 par satellite et les contrôles peuvent tomber à n’importe quel moment » nous explique une betteravière de la Marne. « Un ami est parti en garde-à-vue parce qu’il avait dépassé de trois minutes l’horaire d’irrigation ! » nous raconte une céréalière du Vexin. Cette surveillance, couplée à la quantité apparemment astronomique de normes, contraint les agriculteurs à passer un temps impressionnant à noter la moindre action qu’ils effectuent : « C’est comme si à chaque fois que vous écriviez un article, vous deviez rédiger un papier expliquant que vous avez écrit l’article, pourquoi vous l’avez écrit, ce que vous dites dedans, à quelle heure vous l’avez publié, etc. » me raconte une agricultrice. Une autre me dit passer pas moins de trente heures par semaine à s’occuper des tâches administratives.
Les lois écologistes dans le viseur
« L’écologie, bien sûr qu’on est pour ! Bien sûr qu’on aimerait bien réduire au maximum les produits qu’on met dans le sol, bien sûr qu’on aimerait bien proposer de la nourriture de meilleure qualité, bien sûr qu’on voit les sécheresses dans le sud tous les ans ! » Ce cri du cœur, il vient d’un agriculteur syndiqué à la FNSEA lui aussi. Ce qu’il déplore avant tout, c’est l’absurdité de certaines mesures et l’absence de solutions : « On nous interdit de mettre du fumier et des engrais naturels entre le 15 novembre et le 15 janvier. Bon, chez nous, il n’y a jamais eu le moindre problème de sécheresse contrairement à d’autres départements, mais passons. Le problème, c’est qu’ils veulent interdire l’épandage jusqu’au 15 mars : on va devoir compenser avec des engrais chimiques si on veut tenir ! »
De même, c’est la loi sur les 4 % de jachère obligatoire qui irrite certains : « Je perds 4 % de mon revenu ! ». Le sentiment qui se dégage est le même : les agriculteurs veulent bien faire ce qu’il faut pour respecter les normes écologiques et garantir une alimentation de qualité, mais à la condition d’avoir des solutions en échange pour ne pas perdre en niveau de vie.
Un souhait général des agriculteurs
Une idée majeure se dégage de toutes ces revendications sans qu’elle soit tout à fait précise non plus : « On veut vivre décemment des fruits de notre travail ». Mais comment alors ? Par la PAC ? Leur sentiment est mitigé sur ce plan. Par la fin des accords de libre-échange ? Si la grande majorité approuve, certains tempèrent : « Il faut aussi essayer de penser aux vignerons du Médoc qui ont besoin de pouvoir exporter leur vin ». De manière générale, certains traités sont abondamment dénoncés comme celui qui lie la France à l’Ukraine et qui permettra au poulet ukrainien de se déverser sur le marché français.
Banderole : « Europe sous contrôle des États-Unis, Macron & Von der Layen corrompus » #SalonDeLagriculture pic.twitter.com/yVegfYChXd
— Livre Noir (@Livrenoirmedia) February 24, 2024
L’absence d’Emmanuel Macron sera vivement critiquée, tout comme l’invitation des Soulèvements de la Terre, association écologiste, au débat. Quant à Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture : « Il est né à Paris, il a fait Sciences Po, il est passé pendant trois ans dans une chambre d’agriculture, mais il n’y connaît rien ! C’est simplement une marionnette de Macron ! » critique un agriculteur. Sa transparence le rend insignifiant : ce n’est pas lui qui apaisera la situation.
L’autre revendication dominante des agriculteurs, c’est le principe de la clause-miroir qui veut que lorsqu’un traité de libre-échange est signé, les deux parties s’engagent à respecter les mêmes normes sur les produits. Cette idée, de bon sens de prime abord, n’est d’ailleurs même pas adoptée à l’intérieur de l’Union européenne ! « Le bio espagnol n’est même pas au niveau des produits classiques en France… » soupirera un céréalier. Rejet de Macron, paie décente et égalité normative : voilà les trois mamelles de l’agriculture française.
À lire aussi : Salon de l’Agriculture : Macron sous les huées et Bardella sous les applaudissements
Aucun commentaire
Loading