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[Edito] La droite seule

La campagne des législatives, juste après les européennes, a remis à la Une la profonde solitude dans laquelle le camp national vit depuis des décennies.

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[Edito] La droite seule

Ce vendredi 14 juin, le deuxième Youtubeur de France, Squeezie, publiait un appel à ses près de neuf millions d’abonnés sur Instagram : « On assiste en France à une montée drastique de l’extrême droite. Cette mouvance a malheureusement été banalisée, alors que l’histoire, même récente, nous a déjà montré les dangers et les lourdes conséquences de l’arrivée au pouvoir d’un parti d’extrême droite. » et de ressortir la litanie des arguments les plus vides employés par les centristes et la gauche depuis un demi-siècle.

Le fait que l’un des plus grands influenceurs de France, qui compte tout de même 19 millions d’abonnés sur YouTube, prenne ainsi position, à la suite de nombreux autres, contre le camp national rappelle à nouveau tristement la solitude de la droite dans son combat, la puissance des forces qui lui font face.

Ostracisme

Depuis plusieurs années, la gauche tente de trouver une explication à la montée du RN à chaque élection. Deux seconds tours d’affilée pour Marine Le Pen, 89 députés, un score de 31,4 % aux dernières élections européennes : l’ascension du camp national – qui totalise environ 40 % des suffrages si l’on compte les voix de Reconquête et de Debout La France – leur est largement incompréhensible. Il faut se mettre à leur place : comment le parti de la haine et du mensonge peut-être aussi puissant alors que le peuple devrait écouter le camp de l’inclusion et de la vérité, le vrai camp du peuple ? Mais le militantisme a pour défaut de rarement permettre la remise en question.

La droite a bien des faiblesses, bien des manquements. Au fond, nous en conviendrons tous, aucun parti n’est parfait. Pourtant, peut-être a-t-elle tout de même saisi de réels problèmes, des failles profondes dans notre société qu’il s’agit de combler. Ce n’est pas par haine de l’autre que nous sommes opposés à la submersion migratoire (plus de 500 000 entrées par an), mais bien par amour des nôtres. L’amour de tous, répètera la gauche, est meilleur que l’amour des siens. Bien entendu, mais qu’arrive-t-il si l’autre hait ce que nous sommes et nous blesse ? Rien ne nous empêche de lui pardonner, mais ce n’est pas faire le bien que de laisser le mal se propager. Cela, nos adversaires ont toujours refusé de l’entendre, préférant imaginer une utopie sans comprendre que l’utopie n’est utopie que parce qu’elle est impossible.

Ils imaginent aussi des raisons à leur échec : le RN contrôlerait les médias, l’État profond ou que sais-je. Mais depuis quand la vraie droite a-t-elle droit gratuitement à des reportages d’Arte pour expliquer le fascisme et la bêtise du camp adverse, depuis quand peut-elle s’exprimer sans contradiction, depuis quand organise-t-on des émissions à leur gloire, depuis quand produit-on des études bidons à longueur de bras pour critiquer ses opposants ? On attend toujours.

La droite seule au monde

La vidéo de Colombe, vieille femme sans emploi, au RSA, qui œuvre bénévolement aux Restos du cœur et vote pour Marine Le Pen, avait ému la France. Toute la France ? Non : des hordes venues de la gauche ont crié soit sa bêtise (« l’extrême droite veut réduire les droits du RSA, elle ne comprend rien »), soit la haine qui l’habitait (« oui, c’est juste une vieille raciste »). Pourtant, qui écoute vraiment Colombe avant de lui expliquer la vie ? Qui parmi eux se soucie sincèrement de son sort ? Qui s’est soucié du sort de Lola, du sort d’Estelle, du sort de Thomas, du sort de Matthis et de tous les autres – la liste de leurs noms n’en finissant jamais ?

Sans nous, sans le camp national qu’ils rejettent parfois, seule la solitude les aurait accompagnés. La solitude, c’est celle de ces millions de voix qui ne trouvent pas d’écho parmi ceux qu’ils admirent et qui les méprisent. C’est celle de ces « enculés de fachos » qui méritent au pire une balle dans la tête, au mieux qu’on leur retire le droit de vote.

Ce n’est pas tant qu’il faille là conspuer la morale et le camp du bien : qui refuserait d’être dans le camp du bien ? Mais encore faut-il incarner le bien par la charité envers l’autre, l’amour des siens, l’envie de les protéger. Or, dans ce combat, force est de le constater, nous sommes immensément seuls.

Pas un sportif, pas un acteur, pas un influenceur, pas un animateur de télévision, pas un mannequin, pas un humoriste, pas une de ces personnalités publiques que nous suivons au quotidien n’a osé se lever. Tout au plus les compte-t-on sur les doigts d’une main.

Alors, il nous faut nous résigner à nous battre seuls. Seuls, c’est déjà beaucoup, mais sans avoir les mêmes armes que la gauche ou le centre, c’est plus difficile. Un mois nous sépare d’une échéance historique et, marchant dans le désert, ensemble, nous le traverserons.

 

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