Société
Sécurité des JO : quitte ou double
Pour Livre Noir, Thibault de Montbrial fait le point sur ce qui attend la France cet été, alors que les Jeux olympiques s’annoncent sportifs pour les forces de l’ordre.
Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris vont focaliser l’attention de la planète et rassembler des délégations et des supporters de tous les pays du globe. Une immense responsabilité pèse sur notre pays : garantir la sécurité de tous ces participants, mais aussi de tous nos concitoyens, où qu’ils se trouvent sur le territoire.
Avant même les JO, les grands évènements vont se multiplier : la France accueillera de nombreux chefs d’État à l’occasion des 80 ans des débarquements de Normandie et de Provence, sans oublier les classiques de l’été (le Tour de France, qui arrivera à Nice ; et le défilé du 14 juillet sur l’avenue Foch). Le défi est immense, car tout ce que le monde compte de personnes, de groupes et même d’États hostiles à la France et à ses valeurs, va tenter de mettre notre pays en échec.
Badauds, cohue, chaos
Le risque de base est constitué par ceux qui tenteront des coups d’éclat autour du parcours de la flamme olympique à partir du 8 mai. En 2012, les Anglais avaient connu un taux d’incidents de l’ordre de 25 % les jours du parcours. Et les anciens se souviennent encore de la cohue qui avait accompagné le passage de la flamme à Paris en avril 2008, avant les jeux de Pékin. Nul doute donc qu’un spectre allant d’illuminés à la recherche de leur quart d’heure warholien jusqu’à des associations écologistes radicales qui ont déjà appelé à agir, viendra tester l’imposant dispositif de protection (de l’ordre de 200 personnes !) de la précieuse chandelle.
Cérémonie d’ouverture : quand tout n’est que brèches
Mais c’est naturellement la menace terroriste qui inspire le plus de craintes aux autorités.
Comme si l’évènement ne constituait pas par nature une cible de choix, le président de la République et la maire de Paris ont ignoré les avis insistants des services de sécurité et ont souhaité organiser une cérémonie d’ouverture « unique dans l’histoire de l’humanité » : une grande parade nautique de plusieurs kilomètres sur la Seine, en milieu ouvert. Les cauchemars sécuritaires se multiplient : athlètes, autorités et foule à découvert ; milliers de points hauts à surveiller ; innombrables zones où des matériels les plus divers auront pu être prépositionnés ; gageure de la maîtrise du ciel face aux drones ; dimension sous-marine ; linéaires d’embarquement et de débarquement… Le tout en intégrant les difficultés inhérentes à la navigation sur un fleuve capricieux et aux ponts étroits.
L’enthousiasme du dossier de candidature a résisté au réel, soit le monde de l’après 24 février 2022 et 7 octobre 2023. Espérons que cette cérémonie n’aura d’historique que son succès.
Indicateurs de sécurité au rouge pour le terrorisme
Le terrorisme islamiste constitue la menace principale. D’abord, parce qu’il est le seul à avoir tué en France dans notre histoire récente (273 victimes depuis 2015). Ensuite, parce que la menace islamiste est remontée en flèche depuis 18 mois. Elle est de trois sortes :
- La menace endogène inspirée : des individus nés ou réfugiés en France, agissant avec des moyens rudimentaires sous l’influence de la propagande islamiste. Les derniers attentats (Arras le 13 octobre et Paris Bir-Hakeim le 2 décembre) montrent qu’en réalité, les auteurs n’étaient jamais isolés et qu’une nébuleuse plus ou moins impliquée est systématiquement identifiée après leur passage à l’acte.
- La menace projetée : il s’agit d’individus envoyés en Europe depuis l’étranger, comme en 2015. Le 5 mars, la DGSI Céline Berthon expliquait au Sénat que cette menace était redevenue d’actualité depuis environ un an. De fait, la terrible attaque terroriste qui a frappé Moscou le 22 mars illustre la capacité de l’EI-Khorassan à frapper au cœur des capitales européennes, après cinq attentats déjoués en Allemagne. Le 25 mars, Emmanuel Macron révélait que « plusieurs » tentatives de l’EI-K visant la France avaient été déjouées, raison pour laquelle le plan Vigipirate « urgence attentat » était réactivé.
- Il y a enfin un dernier risque, peu évoqué : celui de groupes endogènes – donc français – organisés, capable d’actes dits complexes (attaques multiples, accès aux armes à feu et explosifs). Les centaines de vétérans du djihad sortis de prison ont le prestige et la capacité pour recruter et former des individus dans le vivier islamiste français, et de coordonner des opérations spectaculaires.
Cyber, ingérences, trafic d’armes…
Rappelons aussi le risque cyber : la France subit depuis des mois des attaques de plus en plus sophistiquées et les scénarios d’entrave au fonctionnement de notre pays sont légions, même si nos capacités défensives figurent parmi les meilleures au monde.
Ajoutons que des États (la Russie, bien sûr, mais aussi à des degrés divers l’Algérie, la Turquie et l’Iran) peuvent avoir la tentation d’affaiblir la France en aidant voire en organisant des attaques sur notre sol, y compris sous « fausse bannière ». La Russie dispose à cet égard d’une expérience solide des actions de subversion.
Notons enfin que de nombreux matériels ont été détournés de l’aide à l’Ukraine, et des missiles individuels antichars ou antiaériens sont accessibles sur le darknet, ce qui n’est pas de nature à rassurer les spécialistes de la lutte antiterroriste.
Point d’interrogation sur la sécurité en région
Pour être complet, il faut ajouter que la polarisation de l’attention et des moyens sur les sites olympiques ne doit pas conduire à négliger les pans entiers de notre territoire qui, loin de l’attention mondiale, seront exposés au terrorisme mais aussi à une délinquance qui pourrait être tentée par le dépeuplement de la présence sécuritaire locale.
Le tableau est sombre, d’autant qu’il ne faut pas exclure que certains aient la tentation de frapper la France avant même les JO pour dissuader les uns ou les autres d’y participer.
Mais une chose doit demeurer claire : d’abord, la France dispose de capacités réelles, et la mobilisation de nos forces de sécurité intérieures et de nos militaires nous permet de faire face à de nombreux types de crise. Surtout, il est essentiel que ces Jeux soient un succès, car ils vont conditionner l’image de la France pour la décennie à venir, dans les yeux du monde mais aussi dans son propre regard. Or, il faut restaurer la fierté française, seul préalable à la reconstruction de notre société si fracturée. Voilà finalement un objectif de long terme autrement plus ambitieux que de protéger les JO !
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