Société
Bordeaux : nouvelle polémique autour d’une “salle de shoot” aux Bassins à flot
Bordeaux se réveille en sursaut face à une polémique brûlante : l’ouverture annoncée d’une nouvelle antenne pour toxicomanes aux Bassins à flot.
Il se murmure qu’un nouveau centre pour toxicomanes va bientôt ouvrir ses portes à Bordeaux, faisant déjà grimper l’inquiétude et la colère des habitants. L’annonce de l’implantation d’une antenne du Caarud aux Bassins à flot, prévue pour 2025, n’est pas sans rappeler les remous causés par l’expérience similaire du quartier Saint-Paul. Jadis vantée pour ses façades dorées et son bon vin, la ville se bat aujourd’hui pour préserver sa splendeur, assombrie par une toxicomanie galopante.
Entre mythe et réalité
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre, alimentée par une pétition lancée le 16 novembre sur la plateforme change.org, intitulée « Non au projet d’une salle de consommation à moindre risque aux Bassins à flot Bordeaux ». En seulement 48 heures, elle a recueilli plus de 1 000 signatures, reflétant les craintes des riverains quant à la sécurité de leur quartier.
Bordeaux était l’une des plus belles villes 🇫🇷.
Oui, était, elle est maintenant gangrenée par les trafics de drogue, des toxicos se piquent en pleine rue dans le centre ville historique, la violence fait fuir les habitants, les commerces ferment, résultat d’un centre… pic.twitter.com/pKh7OlsHNt— 🇫🇷 fred le gaulois 🇫🇷 Uniondesdroites 🐱 (@FredGaulois) October 16, 2024
Ce projet, piloté par l’association La Case sous l’égide de l’Agence Régionale de Santé (ARS), est pourtant loin de la description d’une salle de consommation à moindre risque, si l’on en croit la présidente de l’association, Véronique Latour. Elle dénonce des rumeurs « délirantes et inexactes » qui nourrissent la méfiance et la colère des riverains. Selon Sud Ouest, cette antenne n’est en aucun cas un lieu de consommation de drogue, mais un centre proposant des services de réduction des risques : soins infirmiers, distribution de matériel stérile et accompagnement social. La consommation y sera formellement interdite.
Bien qu’annoncée comme un centre de soins sans consommation autorisée, cette initiative évoque pour les habitants, le spectre de la dégradation urbaine qu’ils associent à l’antenne déjà présente dans le quartier de Saint-Paul. Un parallèle inévitable est dressé avec ce quartier où l’héritage historique côtoie désormais la misère la plus crue. Cette fois-ci, la mairie semble prête à exporter son modèle controversé, inspiré par une logique que certains qualifient de solution coûte que coûte, au risque de bousculer la vie d’un quartier en plein essor.
Bordeaux et l’expérience Saint-Paul : un succès amer
Le quartier Saint-Paul, joyau historique de Bordeaux, est connu pour ses ruelles pittoresques et ses bars animés. Sous l’ombre de la Grosse Cloche, les visiteurs admirent les façades médiévales, tandis que les habitants, eux, ont vu un autre visage de leur quartier émerger avec l’antenne de la rue Saint-James.
⚠️ Drogues dures et violences sont désormais le quotidien des habitants du quartier Saint-Paul, en plein centre-ville de #Bordeaux.
Le CAARUD, qui agit comme un aimant pour des dizaines de toxicomanes et dealers, a transformé ce quartier touristique en haut lieu du trafic de… pic.twitter.com/1T6drYHCIe
— Dany Bonnet (@Dany_AEZ) October 15, 2023
Devant La Case, cette association qui se targue d’offrir soins, assistance (et pipes à crack) aux toxicomanes, le décor a changé. On y croise des caddies volés transformés en barrières de fortune, des chiens enchaînés et des scènes qui rappellent un sombre théâtre de rue : seringues, déchets et matelas jonchant les coins des rues. La directrice de La Case, Véronique Latour, le dit sans ambages : « L’apparition du crack a changé la donne ». Et la scène s’illustre chaque jour sous les pas inquiets des résidents, qui doivent parfois contourner des amas humains pour accéder à leurs portes.
À quelques pas de là, sous le parking du Palais des Sports, les toxicomanes trouvent refuge dans un environnement sombre et austère, une odeur âcre flottant dans l’air, loin des regards et des circuits touristiques. L’apparition du crack a rendu les scènes de déchéance plus visibles, ponctuées par des regroupements de toxicomanes qui urinent ou défèquent sur les pas-de-porte et abandonnent seringues et déchets jusque dans les jardins privés.
Les centres d’accompagnement il faut les installer dans les ZACs et non en pleine ville.
Les honnêtes gens n’ont pas à pâtir des toxicos.— Flore 🇫🇷🇫🇷🇫🇷🌿🕊 (@twittdeflo) October 17, 2024
Les réseaux sociaux regorgent de témoignages de commerçants désemparés et de ménages exaspérés par l’insécurité ambiante. C’est précisément cette atmosphère que les habitants redoutent de voir transposée aux Bassins à flot, ce quartier en plein renouveau, prisé par des familles et jeunes actifs.
Le deuxième Caarud, situé quai de Queyries, reste beaucoup plus discret et ne suscite pas les mêmes doléances. Cependant, l’expérience de la rue Saint-James reste ancrée dans l’esprit des Bordelais et nourrit la méfiance envers ce nouveau projet aux Bassins à flot.
Fort de cette « réussite », la contagion continue
La belle endormie ne dort déjà plus que d’un œil, depuis que le calme du quartier de Saint Paul, a laissé place à une toute autre partition. Et le choix des Bassins à flot, un quartier en plein essor attirant familles et jeunes professionnels, apparaît aux yeux des riverains comme une décision déconnectée de la réalité.
NON au projet d’une salle de consommation à moindre risque, Bassins à Flot Bordeaux – Signez la pétition ! https://t.co/BDMITVuVw5 via @ChangeFrance
— Nono_Le_Pro_11_TTV (@NonoLeProLOSC) November 18, 2024
Située à proximité d’une école et d’une résidence pour seniors, l’antenne soulève des questions quant à son impact sur le cadre de vie et la sécurité. Dans la pétition lancée par les habitants contre le projet, la question de l’emplacement soulève de vives préoccupations : « Pourquoi ouvrir un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers à proximité de groupes scolaires, de crèches et de résidences seniors ? Quelle image et quelle sécurité pour nos enfants et nos aînés ? Pourquoi ouvrir un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers sur la promenade touristique de la Cité du Vin, du Musée Mer Marine jusqu’aux Bassins de Lumière ? Quelle image garderont les touristes qui visitent le quartier des Bassins à Flot ? ».
Ces familles et ses jeunes actifs redoutent que ce projet n’apporte avec lui les désordres déjà vus à Saint-Paul. Et malgré les assurances de l’association La Case, qui insiste sur le fait que « la consommation sera formellement interdite », la méfiance reste de mise. Les échos de Saint-Paul pèsent lourd et rendent les promesses difficiles à croire.
Le flou artistique des autorités
Face à la montée des inquiétudes, le manque de transparence des autorités locales est pointé du doigt. Selon l’article d’Actu.fr, même le maire de quartier n’était pas informé de ce projet. Cette gestion approximative a conduit le député et conseiller d’opposition Thomas Cazenave, à interpeller le maire Pierre Hurmic sur les mesures prévues pour éviter que le quartier ne subisse le même sort que Saint-Paul.
Pierre Hurmic, maire écologiste de Bordeaux, est au centre de la tourmente. Pour beaucoup, sa gestion des centres de réduction des risques est perçue comme la cause de la dégradation de certains quartiers. Il n’a par ailleurs jamais caché son soutien à l’ouverture de salles de consommation à moindre risque (SCMR).
Les salles de shoot ne fonctionnent pas pour une raison simple : ce sont des lieux de shoot, pas des structures de soin. Il faut vraiment ne jamais avoir rencontré les riverains de la salle de shoot située dans le 10e pour vouloir les multiplier dans Paris. C’est irresponsable ! pic.twitter.com/xEq6TtaudW
— Pierre Liscia (@PierreLiscia) July 10, 2021
En juillet 2022, il affirmait sans détour : « La ville est candidate, car nous sommes très attachés à l’ouverture d’une salle dite de consommation à moindre risque, très injustement qualifiée de salle de shoot alors que c’est de l’accompagnement de ces publics pour travailler le social, l’insertion et le soin. », comme le rapporte 20 minutes. Voilà une nuance qu’il tient à marteler, malgré les scepticismes ambiants. Mais la question demeure : pourquoi avoir choisi un quartier en pleine expansion, connu pour sa tranquillité et ses familles, pour y implanter une structure si controversée ?
Bassins à flot : l’ombre d’un nouveau pari risqué
À la vue du “succès” retentissant de Saint-Paul, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Manifestement, la mairie et l’ARS ont décidé d’étendre ce modèle “gagnant” aux Bassins à flot. Inspirés, peut-être, par Anne Hidalgo et sa gestion lumineuse de Paris. Une décision qui, au nom de la réduction des risques, pourrait bien troquer le renouveau prometteur de ce quartier contre l’ombre d’une insécurité croissante.
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