Politique
Crise agricole : les promesses de Gabriel Attal enterrées sous les tracteurs
Les tracteurs sont de retour sur les routes. Pourtant, en janvier dernier, Gabriel Attal, alors Premier ministre, juché sur une botte de foin depuis une exploitation de Haute-Garonne, promettait de calmer la colère paysanne. Neuf mois plus tard, le constat s’impose : les agriculteurs fulminent et sont très loin d’être satisfaits.
Le 26 janvier dernier, perché sur sa meule de foin, Gabriel Attal avait entonné, sûr de lui : « C’est un jour important car on a mis l’agriculture au-dessus de tout le reste. » À quelques kilomètres à peine, se dressait le premier barrage routier à Carbonne, défiant ces déclarations optimistes. « Je suis venu vous dire que le message, on l’a reçu 5 sur 5, et qu’on vous a entendu », clamait-il.
La promesse d’un déluge d’aides
En janvier dernier, Gabriel Attal avait d’abord promis de renoncer à la hausse progressive de la taxe sur le gazole non routier (GNR), une annonce très attendue – et tenue, celle-ci.
Il avait également assuré un renforcement des dispositifs d’aide pour faire face aux nombreuses crises : sanitaires, climatiques ou liées aux baisses de rendement. Concernant la maladie hémorragique épizootique (MHE), un guichet doté de 50 millions d’euros devait ouvrir dès le 5 février, avec une prise en charge des frais vétérinaires portée à 90 %. Une mesure accueillie à l’époque comme une bouffée d’air par de nombreux éleveurs. À cela s’ajoutaient 80 millions pour soutenir la viticulture et 90 millions pour la filière bio.
En parallèle, le fonds d’urgence pour la Bretagne, frappée par des intempéries fin 2023, devait être doublé, et une enveloppe de 50 millions d’euros avait été annoncée pour soutenir l’agriculture biologique. Des promesses ambitieuses qui, sur le papier, semblaient taillées pour rassurer.
Moins d’administratif et un meilleur revenu
Au cœur du discours du Premier ministre, trônait aussi la promesse d’une « simplification drastique ». Parmi les annonces, des mesures pour simplifier le curage des fossés, assouplir les règles sur les haies et limiter les contrôles de l’Office français de la biodiversité (OFB). En outre, Attal évoquait le lancement d’un « mois de la simplification », destiné à mobiliser préfets et organisations agricoles pour alléger les lourdeurs administratives.
Les lois Egalim, conçues pour réguler les rapports de force entre agriculteurs, industriels et grande distribution, devaient être appliquées avec plus de fermeté. Gabriel Attal avait promis des « sanctions très lourdes » à l’encontre des gros industriels accusés de ne pas respecter les règles. « Notre main ne tremblera pas », avait-il assuré avec fermeté, sous les applaudissements des agriculteurs.
Les promesses : où en est-on neuf mois plus tard ?
Malgré les promesses, le secteur agricole reste sous tension. Selon Le Figaro, « seulement 36 % » des engagements auraient été tenus, d’après le président de la FNSEA. Une version que conteste le ministère de l’Agriculture, qui revendique, lui, un taux de mise en œuvre de 67 %. Le débat sur les chiffres n’efface pas la frustration palpable sur le terrain.
Depuis cet été, le gouvernement a tenté de multiplier les gestes envers les éleveurs bovins et ovins, particulièrement touchés par la fièvre catarrhale ovine (FCO) et la maladie hémorragique épizootique (MHE). Une campagne nationale de vaccination gratuite a été lancée, accompagnée d’un fonds d’indemnisation d’urgence de 75 millions d’euros. Des efforts, certes, mais qui ne font que colmater les brèches d’une profession qui se meurt.
Il faut le reconnaître, tout n’est pas à mettre sur le dos de Gabriel Attal. Le financement des propositions élaborées par l’ancien gouvernement dans le cadre d’une loi d’orientation agricole, a été compromis par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier. Le texte, voté en mai, n’a même pas eu le temps d’arriver jusqu’au Sénat. Il est prévu qu’il soit de retour en chambre haute en janvier 2025.
D’autant que l’année 2024 restera comme une véritable annus horribilis pour le monde agricole, frappé de plein fouet par des intempéries dévastatrices, des crises sanitaires à répétition dans l’élevage et une moisson catastrophique.
Le Mercosur met les promesses au rebut
En revanche, pour ce qui est de la signature du Mercosur, difficile de ne pas pointer directement la responsabilité de l’exécutif. La perspective d’un accord de libre-échange prévu pour novembre, qui ouvrirait encore davantage les portes à une concurrence déloyale, vient enfoncer le dernier clou dans le cercueil d’un monde agricole qui n’avait vraiment pas besoin de ça.
À tout le moins, le 15 novembre, le Premier ministre Barnier a affirmé sa volonté de tenir le cap face à la crise agricole : « Une loi d’orientation agricole était en discussion au Sénat, nous allons la reprendre, conformément à nos engagements. Toutes les promesses faites aux agriculteurs en début d’année seront respectées. »
Après la première mobilisation des agriculteurs, “on ne repart pas d’une page blanche”, assure @MichelBarnier. “Une loi d’orientation agricole était en discussion au Sénat, nous allons la reprendre, conformément à nos engagements. Toutes les promesses seront respectées.” pic.twitter.com/db7wsavy8R
— France Bleu (@francebleu) November 15, 2024
Des mots qui se veulent rassurants, mais qui peinent à convaincre un secteur en proie au doute et à la colère, déjà prêt à paralyser le pays une fois de plus.
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