Politique
Michel Barnier et Georges Pompidou face à la censure : la fausse comparaison
Le Premier ministre Michel Barnier a choisi de recourir ce lundi à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Cette manœuvre engage la responsabilité de son gouvernement, qui pourrait tomber si une motion de censure était adoptée par l’Assemblée nationale. Un scénario rare sous la Ve République, et qui, s’il se concrétisait, serait une première depuis 1962. Mais peut-on réellement comparer ces deux épisodes de l’histoire politique française ?
À y regarder de plus près, la situation actuelle est inédite et bien différente de celle qui a conduit à la chute du gouvernement Pompidou il y a plus de 60 ans.
Sous Pompidou : une motion de censure initiée par les députés, suivie d’une dissolution
En octobre 1962, c’est l’article 49 alinéa 2 de la Constitution qui entre en jeu. À l’époque, ce sont les députés qui prennent l’initiative de déposer une motion de censure contre le gouvernement dirigé par Georges Pompidou. La raison ? Le Premier ministre avait proposé au général de Gaulle d’organiser un référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Une démarche très mal accueillie par des parlementaires peu disposés à renoncer à leur prérogative d’élire le président en Congrès.
Après des débats houleux, la motion de censure est adoptée par 280 voix, soit bien au-delà de la majorité requise à l’époque. C’est une première et une dernière : jamais depuis, un gouvernement n’a été renversé par ce mécanisme. Georges Pompidou présente sa démission au général de Gaulle, qui en profite pour dissoudre l’Assemblée nationale. Le peuple tranche quelques semaines plus tard : le oui au suffrage universel l’emporte largement lors du référendum, et les gaullistes remportent les élections législatives suivantes.
Sous Barnier : une motion de censure et un blocage budgétaire sans possibilité de dissoudre
La situation actuelle diffère en plusieurs points fondamentaux. D’abord, Michel Barnier n’a pas utilisé l’article 49 alinéa 2, mais l’article 49 alinéa 3, une disposition bien distincte. Ici, c’est le gouvernement qui prend l’initiative de poser la question de confiance, mais non sur son existence même : l’enjeu est centré sur un texte précis, en l’occurrence le budget de la sécurité sociale.
Si une motion de censure était adoptée, seul ce texte tomberait. Les autres projets en cours, comme la loi de finances pour 2025, resteraient intacts. En d’autres termes, l’enjeu est moins global que celui de 1962.
Autre différence majeure : le contexte institutionnel. En 1962, la dissolution de l’Assemblée nationale suivait automatiquement l’adoption de la motion de censure. Aujourd’hui, une telle issue est impossible dans l’immédiat, car une dissolution a déjà eu lieu en juin dernier. La Constitution interdit donc une nouvelle dissolution avant juillet.
Une première depuis Pompidou ?
Si le gouvernement Barnier venait à tomber, la situation serait certes historique, mais pas un simple « remake » de 1962. L’histoire ne se répète jamais tout à fait. La seule constante, peut-être, est le rôle clé des parlementaires et du rapport de forces politiques dans le fonctionnement de nos institutions.
Ce moment de tension politique rappelle que la Ve République, malgré sa stabilité apparente, repose toujours sur des mécanismes subtils où l’équilibre des pouvoirs peut basculer en un instant. En tout état de cause, les prochaines heures diront si Michel Barnier rejoint, à son tour, l’histoire des chefs de gouvernement renversés. La situation serait, à coup sûr, un véritable casse-tête pour les constitutionnalistes.
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