Politique
Chute du gouvernement Barnier : la Ve République en danger ?
L’instabilité à l’Assemblée nationale semble préparer le terrain à une chute du gouvernement Barnier. Toutefois, l’impasse est-elle véritablement constitutionnelle et imputable au système de la Ve République ?
La France traverse actuellement une période cruciale de son histoire politique, marquée par une situation incertaine à l’Assemblée nationale. Le gouvernement de Michel Barnier, après une série de turbulences, semble sur le point de chuter, avec une motion de censure qui pourrait être adoptée pour la première fois depuis 1996. Mais ce qui semble être une crise politique n’est pas nécessairement synonyme de crise constitutionnelle.
Pour Anne Levade sur France Inter, professeure de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne, la situation actuelle peut effectivement être qualifiée de crise, mais uniquement sur le plan politique. « Nous sommes dans une crise politique, avec des incidences institutionnelles, mais cela ne constitue pas une crise constitutionnelle », explique-t-elle. La Constitution est avant tout un cadre permettant l’action politique, et non un mécanisme pour la résoudre. Si la motion de censure est adoptée, le gouvernement deviendrait démissionnaire, mais la procédure budgétaire continue malgré tout son chemin.
Une crise ministérielle et non pas une dissolution de l’Assemblée
Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, nuance cette analyse en soulignant qu’il s’agit d’une « crise ministérielle », typique des régimes parlementaires. Le gouvernement perd sa majorité à l’Assemblée, mais cela ne signifie pas pour autant que la République est en danger. Contrairement à 1962, par exemple, où c’était le Parlement qui avait pris l’initiative de renverser le gouvernement, cette fois, c’est le gouvernement qui a engagé sa responsabilité devant les parlementaires. La conséquence immédiate de l’adoption de la motion de censure serait la démission du gouvernement, mais ce dernier continuerait à gérer les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier ministre.
La crise actuelle soulève alors une question fondamentale : comment assurer la continuité des affaires publiques en période de gouvernement démissionnaire ? Les experts s’accordent sur un point essentiel : la continuité de l’État doit être préservée.
Un point d’achoppement majeur dans ce débat demeure toutefois la question de la motion de censure constructive, comme celle en vigueur en Allemagne. Dans le système allemand, une motion de censure ne peut être adoptée que si une alternative au gouvernement sortant est immédiatement proposée. En France, en revanche, la motion de censure peut être votée sans qu’un remplaçant immédiat ne soit désigné, ce qui complique la situation. Le constitutionnaliste plaide pour un système similaire à celui de l’Allemagne : « Dans notre système actuel, la classe politique se montre irresponsable. Elle n’arrive pas à bâtir une coalition majoritaire », déplore-t-il.
La Ve République : poussée dans ses derniers retranchements ?
La question qui se pose à la fin de ce débat est de savoir si la Ve République, dans sa forme actuelle, est en mesure de supporter une telle crise. Anne Levade reste convaincue que la Constitution en elle-même ne dysfonctionne pas. Ce n’est pas la Constitution qui est en cause, mais la pratique politique qui semble échouer à résoudre les impasses actuelles.
Dans cette situation exceptionnelle, la Constitution offre un cadre permettant de sortir de la crise, mais il appartient aux acteurs politiques de l’utiliser de manière responsable. Le gouvernement Barnier, alors au bord du renversement, n’est finalement qu’un symptôme de l’impasse politique dans laquelle se trouve la France. Bien que la situation soit délicate, il n’y a pas de danger immédiat pour la République. Ainsi, ce qui est en jeu, c’est la capacité des institutions à naviguer dans une crise ministérielle sans que cela n’entraîne une paralysie totale de la vie publique.
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