Politique
[Tribune] Apologie du terrorisme : le projet assumé de l’extrême-gauche
Dans une tribune incisive, Alexandre Allegret-Pilot, député du Gard, s’interroge sur les véritables enjeux de la proposition de La France Insoumise d’abroger le délit d’apologie du terrorisme. Sous couvert de défendre la liberté d’expression, ce projet soulève des questions profondes sur l’équilibre entre protection des droits fondamentaux et sécurité nationale, dans un contexte où les menaces terroristes demeurent bien présentes. Une réflexion percutante sur les priorités républicaines et les responsabilités politiques.
Les députés de LFI souhaitent abroger le délit d’apologie du terrorisme du Code pénal, sur le fondement de son instrumentalisation en outil de répression politique, limitant ainsi le libre débat nécessaire dans les sociétés démocratiques.
Étudions brièvement l’hypocrisie de la démarche.
L’extrême gauche souhaite donc revenir sur une loi de 2014, portée par un Premier ministre de gauche, Bernard Cazeneuve, et rendue nécessaire par un contexte terroriste alarmant : DAESH étend alors ses tentacules en Syrie et en Irak, de nombreux citoyens français rejoignent l’État islamique et participe à des actes terroristes, à de la torture, à des massacres de populations civiles et autres atrocités. 2014 est l’année de l’explosion du terrorisme islamiste dans le monde, avec 56 413 attentats pour 204 937 morts sur 10 ans.
La France n’est pas épargnée, avec un pic à 159 morts pour 16 attentats en 2015. 50% des personnes mortes dans des attentats islamistes dans l’UE ont ainsi été tuées en France, où 68% des attentats islamistes ont eu lieu entre 2012 et 2024. Enfin, si les attentats étaient exclusivement concentrés sur Paris et Lyon de 1979 à 2012, on constate une diffusion territoriale large qui reflète le maillage islamiste croissant de notre pays, avec des attentats jusque dans nos compagnes (Joué-les-Tours, Montauban, Arras, Rambouillet, Saint-Étienne-du-Rouvray, Saint-Julien-du-Puy…).
Cette mesure répond donc à un besoin urgent et prend acte de l’insuffisance d’une répression sur le fondement de la loi de 1881 afférente à la liberté de la presse : très favorable à la liberté d’expression, cette loi se démarque notamment par un effet dissuasif faible, par une prescription courte et par une procédure dérogatoire du droit commun, ce qui limite la capacité d’action en justice dans un contexte d’essor des actes concernés. Surtout et l’exposé des motifs de la loi de 2014 l’explique clairement, l’insertion du délit d’apologie du terrorisme dans le Code pénal a eu pour effet d’accroitre la sévérité de la peine d’emprisonnement (7 ans maximum lorsque les faits sont sur internet, contre 5 auparavant) et d’appliquer les règles de procédure et de poursuites de droit commun, comme la possibilité de saisies ou la possibilité de recourir à la procédure de comparution immédiate : cela semble particulièrement indiqué. Le nécessaire équilibre entre la liberté en question et le droit à la vie invite logiquement à resserrer la contrainte du côté de la liberté d’expression.
Pour appuyer leur argumentaire, les députés de La France Insoumise en appellent à la CEDH qui souligne que la liberté d’expression s’applique aussi aux idées « qui heurtent, choquent ou inquiètent ». L’ironie est flagrante, venant de ceux qui veulent interdire toute idée contraire à leur fonds de commerce, sous couvert de suffixe en « phobie », et sont prompt à soutenir toute censure dès lors qu’elle s’applique à ses adversaires politiques. Les députés LFIstes regrettent ainsi le nombre de saisines du pôle national de lutte contre la haine en ligne, mais uniquement pour ce qui concerne les propos faisant l’éloge du terrorisme. Il y aurait alors une haine acceptable et devant être contextualisée : celle bénéficiant aux « insoumis ». A l’inverse, les autres formes de haine n’auraient besoin d’aucune contextualisation pour légitimer l’ire de la République. « Dieu se rit des hommes qui chérissent les causes dont il déplore les conséquences », tant l’extrême gauche est la première à pousser des cris d’orfraie lorsque la liberté d’expression promeut des idées qui heurtent, choquent, ou inquiètent son positionnement idéologique. Les mêmes qui sont à deux doigts de créer un délit réprimant le fait de « mégenrer » une personne, libèrent en parallèle la parole mortelle la plus désinhibée, sous couvert de la fable gauchiste de la résistance à l’oppression et de circonvolutions intellectuelles dignes des plus grands acrobates du cirque Pinder.
En témoigne ainsi le regard hystérique qu’elle porte sur X/Twitter depuis son acquisition par Elon Musk ou l’approche très partisane qu’elle accorde au traitement de CNews ou du livre de Jordan Bardella. L’argumentation à géométrie variable ne dupe pas grand monde : la gauche ne veut pas la liberté, elle veut le contrôle et la domination. La nuance est de taille.
Ces mêmes députés LFIstes qui rappellent souvent que « le racisme n’est pas une opinion mais un délit » adoptent une approche bien plus circonstanciée lorsqu’il s’agit de traiter du terrorisme, dont le soutien pourrait donc très bientôt ne pas être un délit pénalement réprimé mais bien une opinion dont la justification contextuelle pourrait être envisagée : le terrorisme pourrait devenir une opinion acceptable. LFI souhaite ressusciter les affres d’un Jean-Paul Sartre, thuriféraire du terrorisme algérien, la capacité conceptuelle en moins.
Derrière cette démarche, qui n’a aucune chance d’aboutir dans l’hémicycle, se cache une stratégie de signal clientéliste adressé à une population française musulmane largement instrumentalisées par l’extrême gauche, cette dernière se démarquant par son importation méticuleuse du conflit israélo-palestinien sur le sol français, quitte à devoir modifier la loi…française. Les élus français de la France insoumise ne présentent plus, depuis longtemps déjà, les Français. Ils travaillent bien à la défense et la promotion d’intérêts étrangers à la France, quitte à ce que cela nécessité de faire l’éloge du terrorisme. Le timing en lui-même est suspect, à un mois de l’anniversaire des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercacher de la porte de Vincennes.
En outre, cette proposition de loi s’apparente à un « abus de bien social législatif » tant elle profiterait à ses signataires : combien d’entre eux font l’objet de poursuites au titre de l’articler 421- 2-5 du Code pénal ? On peut d’ores et déjà penser à Mathilde Panot, deuxième signataire…
La proposition de loi présente des aspects intéressants en ses articles 2 et 3, puisqu’elle invite à étudier l’utilisation effective du dispositif répressif critiqué. Néanmoins, son article 1 vide de sa substance et de toute honnête la démarche, puisqu’il abroge l’article en question, avant de disposer des études demandées. Le titre de la proposition de loi dévoile par ailleurs l’intention de ses signataires : abroger le délit d’apologie du terrorisme du Code pénal. Pour autant la réflexion globale sur la liberté d’expression et sur les contours de l’article mérite l’attention : cette dernière ne peut être à géométrie variable en fonction des fonds de commerce des uns et des autres. Il demeure essentiel de s’assurer que cette disposition n’est pas instrumentalisée à des fins politiques mais participe bien à la nécessaire et proportionnelle protection du peuple français contre les dangers du terrorisme. Ce contrôle du risque d’instrumentalisation devrait s’appliquer à toute disposition répressive, comme en attestent accessoirement les débats actuels sur la peine d’inéligibilité et son application provisoire. La logique serait donc d’étudier en détail les jugements contestés pour identifier si instrumentalisation il y a. Il serait alors possible de préciser cette loi plutôt que de l’abroger : la liberté d’expression doit demeurer la règle et l’interdiction doit être circonscrite au stricte nécessaire.
La proposition de LFI invite à étudier la proportionnalité de l’outil juridique en question. On peut être pour une liberté d’expression la plus large possible, sauf lorsqu’elle entraine un appel à la violence ou qu’elle permet de diffuser des calomnies et diffamations par l’intermédiaire de médias qui doivent jouer un rôle de filtre. Il va de l’émergence de la vérité et du débat démocratique, donc du progrès collectif. Lutter contre le terrorisme constitue cependant un garde-fou nécessaire à la vie de notre Nation. Faire l’apologie du terrorisme va bien au-delà de la diffamation, de l’injure ou de l’appel à la haine envers une personne : elle met en jeu la sécurité et la vie de tout un peuple, et potentiellement du nôtre. L’enjeu est celui de la légitime protection de la société face à la provocation à sa destruction, ce qui dépasse les questions afférentes à la dignité d’une personne donnée (comme ce serait le cas pour ce qui concerne la diffamation par exemple). À ce titre,
considérons l’article 412-6 du Code pénal, qui condamne à la prison à perpétuité le fait de diriger ou d’organiser un mouvement insurrectionnel : contrairement à la proposition portée par LFI, il existe un juste milieu – concernant l’apologie du terrorisme – entre la peine de prison avec perpétuité et le simple délit de presse. Le débat est lancé.
En 2024, et alors qu’on voit ressurgir des défis assumés à la souveraineté du peuple – trouble à l’ordre public lors de déplacements d’élus, élus locaux refusant d’appliquer le protocole républicain relativement à d’autres élus, députés LFIstes ne serrant pas la main d’un jeune député RN – il apparait nécessaire d’affirmer davantage le respect de nos normes communes. La loi sur le séparatisme du 24 août 2021 permet de dissoudre les associations qui mettent à mal la forme républicaine de nos institutions. Il est grand temps de promulguer une loi sur le séparatisme républicain, tant les institutions sont noyautées d’élus qui n’appliquent pas les principes grâce auxquels ils ont obtenu leur mandat, tout en mettant en péril notre société.
Alexandre Allegret-Pilot – Député de la 5ᵉ circonscription du Gard
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