Politique
RN : La Respectabilité En Marche
En observant d’un peu plus près le RN aujourd’hui, on a bien du mal à reconnaître le parti sans élus, marginalisé à tous les égards, maltraité par la quasi-intégralité des médias tel qu’il était il y a seulement un quinquennat.
Force nous est de constater que le travail réalisé a été immense malgré la complexité de l’exercice. En 2017, si Marine Le Pen a accédé au second tour, tous ont en mémoire le débat raté de l’entre-deux-tours et la victoire absolue d’Emmanuel Macron sur son adversaire. La sanction est rude : seulement huit députés intègrent l’Assemblée, et le départ de Florian Philippot, face prétendument « sérieuse » du parti, sont deux coups durs portés à ce qui se nomme encore, le FN.
Les années 2018 et 2019 seront décisives : le parti devient un mouvement de « rassemblement », de nouvelles figures comme celle de Jordan Bardella émergent, et les élections européennes sont l’occasion pour le nouveau Rassemblement National de s’envoler dans les sondages, et d’obtenir un score supérieur à celui de la majorité. À l’Élysée, on s’affole : 2022, et si c’était elle ?
L’histoire nous l’a appris, ce ne fut pas le cas. Pourtant, les progrès sont bien là : neuf points de plus au second tour, un débat d’entre-deux-tours rassurant à défaut d’être performant, et surtout, quatre-vingts députés RN de plus. Un groupe se constitue à l’Assemblée et de nouvelles figures émergent : désormais, Marine Le Pen est entourée.
Le RN, parti préféré des Français
Entourée, elle l’est de profils divers : les anciens cadres de Debout La France –Jean-Philippe Tanguy et Laurent Jacobelli– tiennent l’aile sociale-souverainiste. L’ex-UMP Sébastien Chenu, déjà présent durant la précédente législature, joue l’entremetteur et le « normalisateur ». Julien Odoul, à sa manière, incarne l’aile progressiste prudente tant sur le plan bioéthique que celui de la cause animale, à rebours de Laure Lavalette qui rassure les conservateurs. À Bruxelles, un Jordan Bardella propulsé n°1 du parti représente à la fois la jeunesse, le sérieux et une tentation pour les électeurs zemmouriens. Ce dernier, qui a annoncé sa candidature officielle pour les européennes, tuant ainsi un suspens déjà moribond, a même eu le privilège d’être invité pour faire face à Emmanuel Macron lors des « rencontres de St-Denis » le 31 août. Il y a défendu trois mesures-phare : la refondation de l’école, un « geste significatif » en matière de pouvoir d’achat, et un référendum sur l’immigration.
Désormais entré dans l’arc républicain, le Rassemblement National est –selon les sondages– le parti préféré des Français, et la meilleure opposition à la fois. Effectivement, beaucoup de chemin a été fait.
Il faut dire que le premier parti d’opposition a été largement servi par le comportement de ses adversaires. À gauche, une NUPES divisée et tapageuse, dont les outrances incessantes –Médine étant la dernière en date– la poussent de plus en plus loin du fameux « champ républicain », dont la définition est devenue plus que relative. Au centre, la majorité s’empêtre dans une incapacité à se réformer. À droite, Les Républicains n’ont toujours pas réglé la question de la dose d’opposition à mettre en place : « En miroir, la nullité des LR nous a aidés » nous glisse-t-on. Enfin, Reconquête ! n’a toujours pas d’élus, et donc de temps médiatique.
Cap sur les libertés économiques
Pourtant, de nombreux obstacles se dressent entre cette rentrée 2023 et le premier tour de 2027. D’abord, il faut des gages de sérieux sur le fond. Une récente polémique autour du GIEC incluant le député Thomas Ménagé a permis de décerner un brevet de climatoscepticisme au parti, alors que la crainte avouée d’une bonne partie du champ politique est une « extrême-droite verte ». D’un autre côté, si les grands patrons acceptent désormais de rencontrer le RN, ils sont loin d’être convaincus par un programme anti-libéral assumé. Pour les rassurer, un trimestre « libertés économiques » de style poujadiste se prépare ciblant les petits entrepreneurs et groupes français. Pas question cependant de reculer d’un pied sur la question sociale à leurs dires. Ailleurs, sur les sujets de la santé ou des transports, il faut aussi progresser. En 2017, Marine Le Pen parlait de souveraineté et d’immigration. En 2022, le pouvoir d’achat est devenu la nouvelle marque de fabrique du parti, au point de dépasser les autres thématiques. Il reste maintenant quatre ans pour apprendre à parler de tout.
À Beaucaire, le week-end du 14 septembre 2023, tout le gratin du parti sera rassemblé à l’occasion des universités d’été. L’occasion de préparer un trimestre chargé, qui commencera par la niche parlementaire du 12 octobre 2023 durant laquelle le RN aura une journée afin de proposer des textes de loi. Ensuite, un enjeu de taille se prépare : le fameux « projet de loi immigration », repoussé depuis un an par le gouvernement. Si le sujet de prédilection du parti RN peut apparaître comme étant une aubaine, il peut tout à fait se révéler être aussi un piège, car le risque de passer pour une opposition butée ou contrôlée n’est pas négligeable.
Le groupe parlementaire se tient pour l’instant si bien, hormis la polémique « de Fournas », que les autres partis désespèrent. Illusion cependant, que de croire qu’il est simple de continuer sur cette voie pendant encore quatre ans sans jamais trébucher. La route est longue et les adversaires nombreux pour un Rassemblement National encore en construction. En attendant, le mot « crédibilité » est martelé par les cadres, et 1 000 jeunes ambitieux sont sélectionnés avant d’être formés au Campus Héméra, école de cadres du sondeur Jérôme Sainte-Marie. Ensemble, ils formeront une véritable armée de futurs élus locaux, députés et hauts-fonctionnaire… en cas de victoire.
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