Société
Adrien Guihal réclame son rapatriement : la question de la déchéance de nationalité relancée
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Alors qu’il réclame son retour en France, la cour administrative d’appel de Paris devra statuer sur son sort dans les semaines à venir.
La déchéance de nationalité : un outil sous-utilisé ?
Le cas Guihal pose une question juridique majeure : pourquoi les djihadistes français ne peuvent-ils pas être déchus de leur nationalité, à l’image de Khassanbek Tourchaev, ce Tchétchène naturalisé français qui a perdu la sienne en janvier 2024 après avoir été condamné pour terrorisme ?
En droit français, la déchéance de nationalité ne concerne que les binationaux, nés à l’étranger et ayant acquis la nationalité française après leur naissance. Elle est encadrée par l’article 25 du Code civil, qui permet son application en cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de condamnation pour terrorisme. Mais dans le cas d’Adrien Guihal, cela ne s’applique pas : il est uniquement français.
L’article 23-8 du Code civil prévoit pourtant qu’un Français perd sa nationalité s’il se comporte en fait comme le national d’un pays étranger ou s’il s’engage dans une armée étrangère. Or, cet article n’a jamais été utilisé en matière de terrorisme, bien qu’il puisse théoriquement s’appliquer aux Français partis combattre pour l’État islamique.
Le retour d’un terroriste, un risque sécuritaire majeur
Adrien Guihal, alias Abou Oussama al-Faransi, fait partie des Français les plus haut placés dans la hiérarchie de Daech. Converti à l’islam en 2002, il a été la voix des revendications des attentats de Nice et de Magnanville en 2016. Capturé en Syrie en 2018, il est détenu par les forces kurdes dans la prison de Derik.
Aujourd’hui, il réclame son rapatriement en France, une demande portée par sa mère et son avocat, Me Étienne Mangeot, qui avance un argument sécuritaire auprès du Parisien :
« Laisser ces personnes dans le chaudron qu’est encore la Syrie aujourd’hui, c’est tout sauf sûr. »
Selon lui, les 66 Français encore détenus en Syrie pourraient reprendre le combat s’ils sont libérés en raison d’un retournement de situation sur place.
Un rejet probable du gouvernement
Depuis 2019, au moins une vingtaine de djihadistes binationaux ont été déchus de leur nationalité française, selon des chiffres officiels. Mais dans le cas d’Adrien Guihal, la seule solution reste son jugement en France.
Le gouvernement refuse catégoriquement de rapatrier des hommes liés à Daech. Entre 2022 et 2023, seules 166 enfants et 57 femmes ont été ramenés sur le territoire français. Le Quai d’Orsay maintient que les djihadistes doivent être jugés sur place.
Sur X, l’imam Chamghouli a fermement dénoncé cette demande de retour :
« Le radicalisme est déjà une menace sur notre sol. Le renvoyer en prison ici, c’est offrir une opportunité de recrutement pour d’autres. C’est une stratégie du terrorisme que nous devons refuser fermement ! »
L’avocat Gilles-William Goldnadel a également réagi sur Europe 1 :
« J’ai envie de mettre le plus de kilomètres entre moi, la France et ce type-là. »
Alors que la cour administrative d’appel de Paris doit rendre sa décision prochainement, le gouvernement pourrait-il faire évoluer la législation sur la perte de nationalité pour les djihadistes français ? Une réforme de l’article 23-8 du Code civil permettrait d’élargir les cas de perte de nationalité, mais aucune initiative en ce sens ne semble être envisagée à ce stade.
3 commentaires
vert10
La dechéance de la nationalité française devrait être étendue aux crimes et trafiquants de drogue , crimes sur les agents de l'etat , viols , refus d'obtempérer....
Signaler un abusIrrefragable
À mon avis les forces kurdes ne sont pas les plus précautionneux en ce qui concerne le respect des "droits de l'homme" en prison ,et c'est très bien ainsi. Contrairement aux autorités françaises mielleuses avec les délinquants et criminels (notamment lorsqu'ils sont étrangers ou d'origine étrangères) et implacables avec les bon citoyens. Les kurdes savent que les prisonniers ne doivent pas être traités comme des touristes ni logés dans des hôtels de "bonne tenue " ou des clubs med.
Signaler un abusAurelienL
En faire un cas exceptionnel c'est grave... On touche le fond ! Alors que beaucoup d'autres méritent la déchéance nationale, ça devrait être un processus connu et régulier, le débat serait plus sain que celui sur l'affaire Adrien Guihal. Les victimes du Bataclan étaient de vrai Français, et méritaient de vivre en France jusqu'en 2050/2100 ou plus, pas les terroristes.
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