Politique
Loi Immigration : vers l’abandon du texte ?
Le texte de loi Immigration n’aura pas finir d’enliser le gouvernement dans une crise politique. Voté largement au Sénat ce mardi soir, son avenir à l’Assemblée nationale semble de plus en plus incertain. Le texte même s’il est adopté pourrait en effet ne jamais être promulgué par Emmanuel Macron
Après l’accord trouvé entre députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi immigration ce mardi 19 décembre, a été largement adopté au Sénat.
La CMP, composée de sept députés et sept sénateurs, avait entamé ses travaux le lundi 18 décembre à 17 heures. Les discussions avaient été suspendues puis reprises le lendemain à 10h30, suite à une nuit agitée marquée par des divergences de dernière minute, notamment sur les prestations sociales.
Le texte Immigration pourrait ne pas être promulgué s’il est adopté grâce au RN
La majorité évoque la possibilité de ne pas promulguer le texte de loi Immigration s’il s’avère que la majorité est atteinte grâce aux voix des députés RN. Un choix qui pourrait permettre à Elisabeth Borne de se désenliser du pétrin dans lequel se trouve le gouvernement avec son projet de loi. Il s’agit d’une proposition de François Bayrou lors de la réunion à l’Élysée.
Un choix expliqué par les pressions internes à la macronie, en effet Sacha Houlié, président de la commission mixte paritaire, et Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, souhaitent un abandon pur et simple du texte. De nombreux députés de la majorité refusent de voter le texte, et plusieurs ministres ont d’ores et déjà averti qu’ils démissionneraient en cas d’adoption du texte.
L’élément décisif pour un accord au sein de la CMP
Il s’agissait de l’élément principal qui a permis à la CMP de conclure à un accord. Dans les prochaines heures ce sera aussi celui qui pourrait à la majorité de perdre les précieuses voix nécessaires à l’adoption du texte.
La version initiale du Sénat proposait de restreindre l’accès aux aides au logement (APL) après cinq ans de résidence « stable et régulière » en France, une augmentation significative par rapport à la période actuelle de six mois. La commission mixte paritaire (CMP) a finalement opté pour un compromis reflétant une tendance plus conservatrice.
Selon cet accord, les immigrés sans emploi ne pourront prétendre aux APL qu’après cinq ans de présence en France. Cette mesure marque une nette divergence avec la réglementation actuelle. En revanche, pour les immigrés ayant un emploi, l’accès aux APL sera possible après seulement trois mois de résidence, contre six mois aujourd’hui.
Concernant les allocations familiales, un autre changement notable a été adopté. Les immigrés sans emploi devront attendre cinq ans avant de pouvoir en bénéficier, tandis que ceux ayant un travail pourront y accéder après 30 mois, une durée également réduite par rapport à la réglementation actuelle.
Droit du sol repensé dans la nouvelle mouture de la loi Immigration
Cette modification, longtemps réclamée par la droite, a été concrétisée grâce à l’intervention d’Éric Ciotti. Désormais, les mineurs ayant commis un crime seront exclus du droit du sol, ce qui signifie qu’ils ne pourront pas automatiquement prétendre à la nationalité française à leur majorité en raison de leur naissance sur le territoire français.
Le projet de loi modifié, après son passage au Sénat, instaure également des quotas migratoires. Ces quotas permettront au Parlement de fixer pour une période de trois ans le nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France pour chaque catégorie de séjour, à l’exception des demandes d’asile.
Concernant les étudiants étrangers, l’obtention du titre de séjour sera dorénavant liée à la rigueur de leurs études et à la fourniture d’une caution financière. Cette mesure vise à s’assurer que les étudiants étrangers sont en France principalement pour leurs études.
Enfin, le projet de loi renforce les conditions du regroupement familial. Ces restrictions visent à limiter l’immigration familiale, en accord avec la tendance générale du projet de loi visant à resserrer les politiques d’immigration en France
Darmanin mis en défaut
L’article 3 proposé par Gérald Darmanin, visant à la régularisation automatique des travailleurs clandestins dans les secteurs en tension, a été définitivement écarté. À sa place, l’article 4 bis, issu du Sénat, a été adopté par la commission mixte paritaire (CMP).
Cette nouvelle version accorde aux préfets le pouvoir de régulariser les travailleurs sans papiers, mais sous des conditions plus strictes. Pour être éligibles, les travailleurs doivent justifier d’au moins douze mois d’emploi dans un secteur en tension, une augmentation par rapport aux huit mois initialement prévus. De plus, la demande doit être initiée par l’employeur par écrit.
Cette décision a été accueillie avec satisfaction à droite, qui voit dans ces mesures un resserrement du dispositif. La majorité se félicite également, estimant que ces changements pourraient conduire à environ 10.000 régularisations supplémentaires chaque année.
Des ministres de l’aile gauche pourraient démissionner si le texte est adopté
Alors qu’Emmanuel Macron convoque les chefs des partis de la majorité présidentielle à l’Élysée pour les persuader de soutenir le projet de loi sur l’immigration, parallèlement, une réunion cruciale se profile au sein de l’aile gauche du gouvernement. Un groupe de ministres envisage une démission collective en cas d’adoption du texte. Ce dîner, prévu au ministère des Transports à 20h30, juste avant l’examen de la loi à l’Assemblée nationale, réunira Clément Beaune (Transports), Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), Roland Lescure (Industrie), Patrice Vergriete (Logement) et Rima Abdul Malak (Culture). Aurélien Rousseau, actuel ministre de la Santé à d’ores et déjà prévenu Matignon et l’Élysée qu’il démissionnerait si le texte était adopté.
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