Immigration
Darmanin à Mayotte pour ramener les Comoriens dans l’Hexagone
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est rendu à Mayotte le 10 février dernier pour y annoncer la fin du droit du sol et des visas territorialisés. Décryptage d’un enfumage.
Alors que l’île de Mayotte était bloquée depuis trois semaines par le collectif citoyen des « Forces vives » qui proteste contre l’immigration de masse et l’insécurité, Gérald Darmanin s’est rendu sur place afin de calmer la colère populaire et faire quelques annonces.
La suppression des visas territorialisés
C’est dans un contexte tendu que le ministre de l’Intérieur a fait son déplacement. Il avait connu meilleur accueil, notamment lors de l’annonce de l’opération Wuambushu, mais force est de constater que le bilan était alors en demi-teinte. Si une amélioration conjoncturelle de la situation durant deux ou trois mois avait été observée, les crimes et délits n’ont pas tardé à repartir à la hausse, largement portés par les immigrations comorienne et somalienne.
Alors, pour répondre aux exigences des Forces Vives, Gérald Darmanin a cédé à leur principale exigence : la fin du Visa Territorial Limité (VTL). Titre de séjour spécial, il conditionne l’accès légal au territoire à une zone prédéfinie, en l’occurrence Mayotte. Ainsi, jusqu’à la suppression effective de ce visa à Mayotte, les immigrés auront de droit d’y demeurer légalement, mais pas de se rendre en métropole.
C’est là que les intérêts entre les habitants de l’Hexagone et les Mahorais divergent : si le VTL est supprimé, cela signifie que les migrants réguliers de l’île pourront accéder à la métropole. Mayotte sera certes désengorgée, mais tous ces migrants se rendront à la place en métropole !
Alors, qui cela concerne-t-il ? Dans un premier temps, les 35 000 migrants légaux qui bénéficient actuellement de ce visa pourront se rendre en métropole. Vraisemblablement, ils devront néanmoins payer eux-mêmes leur billet d’avion (500 euros), ce qui ne rend pas automatique leur transfert.
La fin du droit du sol à Mayotte
La mesure tant attendue pourrait bien ne se révéler que symbolique, si toutefois elle passe. À Mamoudzou, Gérald Darmanin a annoncé la suppression d’un droit du sol déjà amoindri. De fait, la législation Collomb était déjà en vigueur, et conditionnait déjà le droit du sol à la justification de séjour régulier d’un parent au moins trois mois avant la naissance. Alors, la suppression du droit du sol ne concerne « plus que » 900 acquisitions de nationalité par an, contre 2800 en 2018. Cette décision de Gérald Darmanin serait néanmoins un progrès indéniable dans un contexte de boom démographique il y a quelques années sur l’île : le ministre de l’Intérieur a désamorcé une petite bombe à retardement.
Pourtant, tout ne sera peut-être pas aussi simple que prévu. Le gouvernement a ainsi prévu de passer par la Constitution pour cette réforme, ce qui signifie que le projet de loi doit être adopté dans les mêmes termes à l’Assemblée Nationale et au Sénat, puis qu’il soit voté au trois cinquièmes des suffrages exprimés par les deux chambres réunies en Congrès à Versailles. Autrement dit, l’affaire sera tout sauf aisée, à moins d’obtenir un appui inconditionnel du centre, de la droite et de la droite nationale.
🧵Thread- Transfert d’immigration ? Je vous décrypte l’impact de la suppression du titre de séjour territorialisé de #Mayotte, dit VLT. Un chiffre peu connu : ils sont 35 000 étrangers légaux munis de ce titre qui pourront donc aller en métropole une fois la Loi Mayotte votée ⤵️ pic.twitter.com/Iw2Oc11Cs1
— Erik Tegnér (@tegnererik) February 12, 2024
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Réguler l’immigration à Mayotte
Cependant, toutes ces mesures n’auront aucun effet substantiel si l’immigration n’est pas régulée sur l’île de Mayotte alors que les demandes de droit d’asile devraient se multiplier avec la croissance probable de l’immigration venue d’Afrique de l’Est ou du Congo via la Tanzanie. Ce que viennent chercher ces migrants, ce n’est d’ailleurs pas tant la nationalité française que l’asile, qui ne risque pas d’être restreint dans la configuration actuelle.
Aujourd’hui, la flotte française anti-immigration est encore très légère à Mayotte. Difficile d’empêcher les kwassa-kwassas de débarquer de nuit. Pas grand-chose non plus sur les expulsions malgré l’important nombre de clandestins. D’un autre côté, l’immigration légale devrait être réduite grâce à la loi immigration qui conditionne le regroupement familial à trois ans de séjour régulier et non plus dix-huit mois. Cependant, si les mesures sont prises dans le désordre, les conséquences pourraient bien être une augmentation importante de l’immigration à court-terme, notamment si les VTL sont interdits avant le droit du sol. Une opération similaire à Wuambushu est prévue, mais en attendant, une quarantaine de migrants a été rapatriée en France en vertu du droit d’asile.
Tant que le gouvernement ne prendra en compte l’immigration qu’une fois arrivée sur le sol français, au vu du coût d’une place en CRA, de l’engorgement des tribunaux et du coût logistique de l’expulsion, l’action de l’État se résumera à écoper le Titanic à la petite cuillère. À ce titre, l’action de la guardia civil espagnole en Mauritanie est bien plus efficace : si la France empêchait préventivement la traversée, Mayotte respirerait sans doute un peu au lieu de se noyer sous les vagues migratoires.
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Le malaise de la gauche face à Mayotte
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