Politique
Georges Fenech « La justice ne remplit plus son rôle ! »
Georges Fenech était invité de notre matinale. L’occasion pour l’ancien député et ancien magistrat d’évoquer la justice, la guerre contre le trafic de drogue ainsi que la marge de manœuvre du gouvernement Retailleau.
Un entretien réalisé dans le cadre de notre matinale
Erik Tegnér : Dans votre ouvrage L’ensauvagement de la France, vous évoquez la responsabilité des juges et de la justice, il y a plusieurs mois à Marseille des magistrats concédaient avoir perdu la guerre contre le narcotrafic à Marseille. Qu’en pensez-vous ?
Ces magistrats sont courageux, ils ont d’ailleurs subi des conséquences, puisqu’ils se sont fait recadrer par le garde des Sceaux. Il faut rappeler qu’ils étaient sous serment lors de cette commission d’enquête et je tiens à souligner leur franchise. Lorsque j’évoque Marseille, je pense à mon collègue, le juge Pierre Michel, assassiné à moto. Aujourd’hui dans cette ville, la situation n’est plus sous contrôle.
Il n’y a pas de fatalité aux crimes et aux trafics de drogue. En revanche, il y a de l’incompétence et de l’aveuglement, et surtout une forme d’idéologie. Il y a également un conflit ouvert entre Beauvau et Vendôme, il a d’ailleurs toujours existé. Il n’y a pas eu un seul gouvernement qui marchait du même pas, que ce soit à gauche comme à droite.
Quelles sont vos principales inquiétudes à l’égard du mandat de Didier Migaud ?
Nous ne devons pas oublier qu’il était socialiste, je m’en souviens puisque lorsque j’étais député, il était président de la commission des finances. Ce courant idéologique va de Badinter jusqu’à monsieur Migaud. Lors de la passation des pouvoirs, il a d’ailleurs fait référence à Robert Badinter et Christiane Taubira. Malheureusement, nous allons encore perdre du temps. De plus, le ministre de la Justice n’a pas réellement de prise sur les juges. Ce n’est pas comme le ministre de l’Intérieur qui adresse des circulaires à des préfets qui doivent obéir et exécuter les instructions données.
Un garde des Sceaux ne peut plus intervenir dans les dossiers individuels depuis madame Taubira. Tout garde des Sceaux a également l’interdiction stricte de donner des instructions à un procureur.
Il y a quelques années, lors d’une manifestation du syndicat Alliance, son porte-parole Fabien Vanhemelrcyk déclarait que le problème de la police était la justice. Qu’en pensez-vous ?
Je m’en souviens très bien, ils ont raison. C’est une phrase qui a le mérite d’être claire. La police est chargée d’interpeller des délinquants, souvent aux périls de leur vie. Lorsqu’ils défèrent devant la justice, cette dernière va trouver une erreur de procédure ou bien juger dans des délais déraisonnables, surtout lorsqu’il s’agit d’un mineur. Il y a donc des trafiquants de drogue qui sont relâchés rapidement.
En conséquent, le policier se demande pourquoi prendre des risques, puisque le dernier maillon de la chaîne défaillit. En réalité, la justice ne remplit plus son rôle. Je me mets à la place des policiers qui paient un lourd tribu chaque année. Ils ne croient plus en leur mission, mais sont toujours là. Jusqu’à quand ?
Aujourd’hui le premier flic de France est Bruno Retailleau, a-t-il une vraie marge de manœuvre, où est-il condamné à faire simplement de la communication ?
Je pense que l’obstacle de monsieur Retailleau ce n’est pas monsieur Migaud, ce dernier ne fera rien, ne changera pas les choses. Son véritable obstacle est les juges. Cette judiciarisation de tous nos contentieux est un problème. Il faudrait déjudiciariser le contentieux des étrangers. Je me demande ce que vient faire le judiciaire dans ce contentieux. Il faut avoir le courage de dire que le principal obstacle sera les juges. En effet, ce sont des fonctions trustées par des gens issues du syndicat de la magistrature.
En 1995, Jean-Louis Debré alors ministre de l’Intérieur, se heurte au même problème avec l’occupation de l’église Saint-Bernard à Paris. Il ordonne l’évacuation par la force. Puis dans un second temps, les juges ont décidé ou non des rétentions administratives, aucun des occupants n’est resté aux mains de la justice.
À lire aussi : Andréa Kotarac « Le véritable problème de Bruno Retailleau, c’est Didier Migaud ! »
Aucun commentaire
Loading