Politique
Pierre Gentillet : « la France peut mourir, nous voulons nous battre contre cela ! »
L’avocat Pierre Gentillet est candidat pour le Rassemblement national dans la troisième circonscription du Cher. Engagé contre la désertification des campagnes et l’immigration de masse, il revient également sur les grands pièges que pourrait rencontrer le gouvernement de « priorité nationale » de Jordan Bardella en cas d’élection.
Vous êtes devenu une personnalité politique de droite de premier plan, notamment par le biais de la chaîne CNews depuis plusieurs années. Pourquoi avoir passé le cap de l’engagement politique ?
Pierre Gentillet : D’un point de vue immédiat, il y a eu ce moment politique de la dissolution qui s’est présenté, et qui a rebattu complètement les cartes. Couplé aux résultats des élections européennes, on voit bien qu’on a complètement changé de monde, et quels que soient les résultats de ces législatives, je crois que la macronie est en passe de vraiment prendre fin, en tout cas je le souhaite et je le sens. Je le sens beaucoup sur ma circonscription.
A titre personnel, je me posais depuis longtemps la question de franchir le pas, donc étant donné le contexte, j’ai pris cette décision immédiatement lorsque l’on m’a appelé. C’est un changement de vie sur tous les plans : je ne passe pas seulement de commentateur à acteur de la vie politique, mais j’ai aussi une partie de ma vie professionnelle qui est bouleversée. Pour des questions d’horaires mon métier d’avocat est déjà affecté durant cette campagne, mais si je suis élu il sera suspendu, je serai au lit du barreau temporairement.
En tout cas, je suis actuellement en mairie et j’ai vu les résultats dans ma circonscription qui a voté massivement pour Marine Le Pen aux européennes et aux présidentielles à plus de 50%, et quand je discute avec les gens dans les marchés je comprends pourquoi !
Depuis votre métier d’avocat, vous vous êtes fait une spécialité de parler des institutions, de l’Etat de droit et du gouvernement des juges notamment : pensez vous que l’accession de Jordan Bardella à Matignon puisse effectivement changer les choses sur ces thèmes ?
Je n’approuve pas totalement l’expression « gouvernement des juges », mais je comprends ce que vous voulez dire. Pour répondre à votre question : oui, et non. Il faut bien penser à une chose : si Jordan Bardella est demain Premier ministre, ce que je souhaite ardemment – et c’est la raison pour laquelle je suis candidat, pour lui apporter une majorité absolue – nous aurons des leviers gouvernementaux pour améliorer la vie des Français en matière de pouvoir d’achat bien sûr, ainsi qu’en matière migratoire et d’insécurité. En revanche les sujets sur lesquels on ne pourra pas aller, ce sont les sujets institutionnels qui nécessiteraient de remporter la Présidence. A moins bien sûr qu’Emmanuel Macron ne décide de démissionner, mais il n’en a apparemment pas l’intention. Vous me direz, il n’avait l’intention de dissoudre l’Assemblée auparavant, donc qui sait !
Pour autant, je serai très attentif à un point en particulier, c’est qu’une partie des lois qui vont passer au Parlement nécessiteront une technicité juridique de manière à passer sous les fourches caudines d’un Conseil constitutionnel qui sera impitoyable et intransigeant vis-à-vis de nos lois, et en particulier migratoires. Il est présidé par Laurent Fabius, et très clairement hostile à notre encontre. Il l’a déjà fait en censurant la loi immigration sous un prétexte tout à fait fallacieux, que j’ai déjà évoqué et qu’on appelle un « cavalier législatif » : ça terrorise tout le monde, on pense que c’était un problème de forme mais ça n’en était pas un… Je ne vais pas trop rentrer dans la technique, mais je veux faire comprendre que si on néglige la technique juridique et si on ne met pas les mains dans le cambouis pour être précis dans nos textes, le Conseil constitutionnel le fera pour nous. Pour ma part je porterai une attention toute particulière à cela.
Au-delà de l’aspect technique, quels sont les sujets que vous voulez porter ?
Mon sujet numéro 1, ce sera la désertification rurale. Vous êtes ici dans le Cher ; il y a 62 médecins pour 100 000 habitants. La moyenne française est à 150 médecins. Vous voulez prendre rendez-vous chez un ophtalmo, vous en avez pour 6 mois. Il y a des communes qui se vident, des classes qui ferment… Je serai dans quelques jours dans une école dont une des classes a fermé il y a peu. Il y a un vrai problème de l’abandon de cette France qui paye ses impôts et vit honnêtement. Il n’y a pas d’insécurité ici, malgré la pauvreté ! Il n’y a pas de délinquance – je mets de côté Vierzon et Bourges, qui ne sont d’ailleurs pas dans ma circonscription hormis une petite partie de Bourges. Vous le voyez, il est 19h, on sort du bar PMU, on peut se balader sans problèmes et les femmes peuvent sortir sans craindre quoi que ce soit. Dans d’autres endroits, ce n’est pas possible ! Cette France là, qui vit honnêtement, on lui prend énormément et on lui donne très peu. Je veux représenter ces gens-là.
On a le sentiment que cette Union nationale s’est aussi faite en opposition aux alternatives d’Emmanuel Macron et du Front populaire de gauche. Que pensez-vous des programmes adverses ?
Je n’ai pas épluché leurs programmes, mais je vois ce qu’ils comptent faire dans les grandes lignes, et surtout je vois quels sont les alliés. Par exemple pour la France insoumise, on a une espèce de cohorte informe qui va du Parti socialiste – avec Hollande ressuscité pour l’occasion – jusqu’au NPA qui est un groupuscule-parti politique ultraviolent : pour m’être confronté à leurs militants dans le cadre d’élections étudiantes je le sais. Je ne parle même pas de la jeune garde, qui est une milice d’ultragauche et qui s’en est prise directement à des femmes dans la rue qui ne partageaient pas leur avis. Je vous laisse imaginer ce que ce gens feront s’ils sont élus demain. Pourquoi je parle d’eux ? Si vous prenez les sondages aujourd’hui, le Rassemblement national fait 35%, et juste derrière vient ce « Front populaire » à environ 28%, donc ils sont nos adversaires directs.
Il y a parmi les scénarii possibles le fait qu’Emmanuel Macron parvienne à garder tant bien que mal la main sur l’Assemblée nationale, même avec moins de députés que ce dont il disposait auparavant…
Peut-être même que son Premier ministre sera François Hollande *rires*. C’est de la politicaillerie, je ne veux pas m’attarder là-dessus, mais François Hollande ne revient pas simplement pour être député de Corrèze… Vous savez demain, cette alliance de gauche : est-ce qu’elle tiendra ? Si elle ne tient pas, une partie du PS se détachera, peut-être aussi une partie de la droite et de Renaissance pour former un Gouvernement sans vraie cohérence si ce n’est de faire « barrage » aux extrêmes, ce n’est pas exclu. Mais tout cela reste une opération de sauvetage pour eux, c’est assez pitoyable. Aujourd’hui, un seul mouvement est dynamique, et c’est nous : la gauche s’unit pour tenter de sauver les meubles, l’extrême-centre essaye de se sauvegarder tant bien que mal mais on voit évidemment qu’il s’effondre.
On remarque que l’on peut voir dans l’Union nationale des « frexiteurs »…
Un frexiteur !
…Et des candidats souverainistes, d’autres plutôt européistes, notamment du côté d’Éric Ciotti ; sur le plan économique des libéraux et d’autres plus étatistes… Qu’est-ce qui réunit ces gens-là au fond ?
La question fondamentale qui nous réunit tous, c’est celle de la survie du peuple français. Survie économique, survie migratoire. Je le vois encore plus dans le Cher, il y a une situation de détresse, de précarité, d’abandon qui est telle que c’est une opération de sauvetage de notre propre peuple, et les gens que je rencontre sur les marchés nous le disent bien : « sauvez nous » ! La question migratoire est centrale au niveau national ; dans le Cher, hormis Bourges et un peu Vierzon, ce n’est pas le premier sujet, ça a peu d’impact direct sur les campagnes pour le moment. Mais clairement, ils savent que les villes ont changé, que la France est en train de changer et qu’il y a un enjeu civilisationnel.
De ce côté-là, je pense qu’il y a une prise de conscience à droite, qui fait que l’on est prêt à mettre de côté certaines divergences et à bâtir un programme qui, plutôt que « d’union » me semble être de « priorité nationale », qui est à la fois notre programme et l’enjeu premier pour la nation. La priorité pour notre nation, c’est sa survie. Vous savez, les civilisations sont mortelles ; la France peut mourir. Nous voulons nous battre contre ça.
Certaines personnes craignent la « mélonisation » du Rassemblement national, qui serait obligé d’édulcorer sont programme et de se compromettre comme ce qui est parfois perçu en Italie. On a beaucoup parlé de la réforme des retraites par exemple, et d’autres mesures qui pourraient passer à la trappe. Qu’en pensez-vous ?
Je sais bien ce que j’entends dire sur la réforme des retraites, mais Jordan Bardella n’a rien annoncé à ce sujet, à part qu’il allait traiter les sujets étape par étape. Prenez le cas d’Emmanuel Macron, cette réforme des retraites était dans son programme de départ. Il a mis des années à la mettre en place, il a même eu besoin d’un deuxième mandat. Ce que l’on dit, c’est qu’on ne peut pas tout faire en un jour, ni en deux mois.
Je comprends tout à fait cette crainte, notamment dans le monde militant, et je sais que votre média est très suivi par le monde militant à droite ; je la comprends, mais si je me suis engagé, ce n’est pas pour que le RN devienne l’UMP. Si l’on se retrouve avec les mêmes trahisons que l’UMP… C’est hors de question. Nous, nous avons bien conscience de ce risque, et nous avons pointé les trahisons de la droite là-dessus. Je vais vous dire : si demain nous arrivons aux responsabilités, nous arriverons en position de force. Jordan Bardella l’a redit : il ne sera pas le collaborateur d’Emmanuel Macron, il nous faut une majorité absolue. Par ailleurs, il existe évidemment des domaines réservés du Président de la République, et il sera sans doute consulté pour les ministères régaliens, mais pour ce qui est de la quasi-totalité de la politique gouvernementale, c’est bien le chef du Gouvernement qui la mènera.
Quels pourraient être d’ailleurs les leviers législatifs d’Emmanuel Macron pour s’opposer à Jordan Bardella dans le cas de son élection ?
Il y en a un en particulier, si demain nous décidons de légiférer par ordonnances. Dans les années quatre-vingt, on se souvient d’un contentieux entre Jacques Chirac et François Mitterrand. L’article 38 de la Constitution fait que le Président de la République doit ratifier les ordonnances du Gouvernement. Jacques Chirac avait apporté des ordonnances de privatisations à Mitterrand, qui avait refusé de les signer, rétorquant « je ne suis pas un automate ». Tout le monde s’était arraché les cheveux, mais le fait est que sans signature, le texte ne peut pas rentrer en vigueur. Dans ce cas-là, effectivement, ce sera compliqué.
Au-delà de ça, il faut bien être conscient que, surtout du fait de la montée de l’extrême gauche, la situation dans l’hémicycle va encore se durcir, et il va vraiment falloir être accrochés. On va se battre, car c’est ce dont nous avons besoin : des combattants.
Certains constitutionnalistes disent que la dissolution de l’Assemblée par d’Emmanuel Macron est contraire à l’esprit de la Constitution depuis au moins une vingtaine d’années, qui veut que la Ve République ne soit pas un régime parlementaire, mais bien présidentiel appuyé par le Parlement. Que dit votre œil de juriste là-dessus ?
Il est certain que le Président de la République redonne un certain primat à l’Assemblée, surtout en cas de cohabitation. La logique voudrait qu’il démissionne de lui-même, puisqu’il n’aura plus véritablement de pouvoir. Je ne vois pas comment il pourrait appliquer son programme, mais après tout, peut-être que ça ne lui tient pas tant que ça à cœur. Pourquoi rester, hormis pour parasiter notre action ? La présidence de la République deviendrait un pouvoir négatif, parasitaire de la volonté du peuple.
Les Présidents précédents étaient restés au pouvoir après la défaite de leur camp aux législatives.
En effet, et d’ailleurs cette cohabitation inaugurée par François Mitterrand était dénoncée dès l’origine par les constitutionnalistes – et en particulier pour les gaullistes – comme une hérésie, puisque le général De Gaulle avait démissionné dès l’instant où il avait été désavoué par un scrutin, en l’occurrence non pas législatif mais référendaire, en 1969. Si elles ne donnent pas une majorité à Emmanuel Macron, les législatives qui viennent seront à l’évidence un désaveu, d’autant plus qu’il s’implique considérablement dans cette campagne. Sa démission en serait la conclusion logique.
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