Politique
Charles Prats : « Gabriel Attal n’a rien changé en matière de fraude fiscale ! »
[ENTRETIEN] Charles Prats a accordé un entretien à Frontières. L’ancien magistrat en charge de la lutte contre la fraude fiscale et sociale donne des pistes d’action afin d’agir contre les différents types de fraude. Tout en évoquant les possibilités des citoyens d’être plus concernés par l’économie.
Un entretien réalisé dans le cadre de notre matinale
Il y a un an, vous n’étiez pas convaincu par le plan de lutte contre la fraude de Gabriel Attal. Aujourd’hui, avez-vous changé d’avis ?
Je n’ai vu aucun résultat. Rien n’a changé, le plan de Gabriel Attal avait été présenté en deux volets. Un premier contre la fraude fiscal et un second contre la fraude sociale. Concernant la fraude fiscale, il ne s’est pas passé grand-chose, c’est-à-dire que les services font leur travail de manière classique, sans se préoccuper des agitations médiatico-politiques de l’échelon ministériel.
Au niveau de la fraude social, j’avais à l’époque rencontré Gabriel Attal en lui confiant ce qu’il fallait faire. Évidemment, il n’a absolument rien fait. Il souhaitait abandonner la carte vitale biométrique, pour cela, il voulait fusionner la carte vitale et la carte d’identité. D’ailleurs, le ministère de l’Intérieur ne voulait pas de ce projet. Il s’agissait à l’époque de la grande idée de Gabriel Attal, et pourtant, cela n’a pas abouti. Aujourd’hui, Michel Barnier connaît bien le sujet, il tente de faire avancer les choses, notamment à travers la biométrie.
La lutte contre la fraude en général n’est-elle pas l’argument facile des politiques afin d’attirer un certain électorat ? Est-ce vraiment possible de lutter efficacement contre la fraude, ou bien a-t-elle toujours un coup d’avance ?
Au sein des organisations humaines, il y aura toujours de la fraude. Lorsque de l’argent est prélevé ou distribué, il y a une proportion non-négligeable de personnes qui sont amenées à frauder. Pour autant, faut-il l’accepter ? Nous sommes en période de loi de finance de Sécurité sociale. Il est compliqué de faire des projections sur les recettes liées à la lutte contre la fraude, pour plusieurs raisons. En effet, nous avons des idées des enjeux globaux, il faut identifier les fraudeurs. Pour équilibrer le budget, il faut parvenir à récupérer l’argent.
Il ne faut pas uniquement se focaliser sur le montant de l’évaluation de la fraude. En réalité, il faut surtout aller attraper les fraudeurs. Une fois qu’ils sont identifiés, il faut faire rentrer l’argent dans les caisses, et cela est plus compliqué. Par exemple, le Fisc annonce avoir identifié 15 milliards d’euros de fraude fiscale, en vérité, il ne s’agit pas exclusivement de fraude fiscale, mais de redressement.
Il faut savoir qu’il y a environ un tiers des dossiers de redressements fiscaux qui sont réellement de la fraude fiscale, le reste est de la divergence d’appréciations entre l’administration et le contribuable. En termes de fraude fiscale détectée, le chiffre réel est d’approximativement trois à cinq milliards d’euros par an.
L’affaire McKinsey avait fait polémique, en particulier parce que la branche française de l’entreprise ne paie pas ses impôts en France. Quelles sont les pistes de travail au sujet de ces grands groupes qui ne paient pas leurs impôts en France ?
À l’intérieur de mon ouvrage Cartel des fraudes – tome 2, je donne la comptabilité de l’entreprise Amazon. J’indique comment Amazon parvient à ne pas payer d’imposition, dans l’Union européenne. Ils font près de 44 milliards d’euros de bénéfices, grâce à un système de montage d’optimisation de montage, qui est par ailleurs légal. Pour autant, les meilleurs en la matière sont Microsoft. Mais ce ne sont pas des exemples de fraude fiscale, ce sont des mécanismes d’optimisation fiscale, et de localisation géographique des bénéfices.
C’est quelque chose qui existe depuis très longtemps, et qui continuera s’il y a toujours ce différentiel de taxation selon les pays. Cela est normal pour un dirigeant d’entreprise d’optimiser fiscalement ses bénéfices.
De quelle manière l’économie et en particulier la fraude fiscale peuvent-elles être plus accessibles auprès des Français ?
Cela demande un peu de travail, mais c’est aussi le devoir des citoyens afin de s’éclairer. Je conseille toujours de lire, d’avoir quelques notions de macroéconomie. J’ai tendance à conseillers les ouvrages de Jacques Généreux, qui pourtant est un homme de gauche. Cela permet d’appréhender les choses. Il faut également s’intéresser aux théories économiques libérales. Les gens peuvent se renseigner, mais cela demande un effort. Il faut aussi avoir un œil sur ce qu’il se passe dans d’autres pays. Notamment en Argentine, Javier Milei, même s’il faudra voir au final ce qu’il a réussi à accomplir.
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