Politique
[Édito] L’année Attal sera celle du néant
L’accession à Matignon de Gabriel Attal prouve bien une chose : cette année sera l’année de l’apparence, du vide, de la « gueule ».
« Jeune », « dynamique », « ambitieux », « fulgurante ascension », « bon élève », « loyauté », bla-bla-bla-bla. Au bout d’un moment, on commence à connaître le refrain. Encensé par les médias impressionnés par sa jeunesse (« Il est jeune, whaou ! »), par les boomers heureux de voir un nouveau Macron encore mieux qu’Edouard Philippe, Attal n’a pas eu beaucoup de peine à séduire tout le monde.
« Abaya Kedavra ! » : l’abaya est interdite dans toutes les écoles, Attal est donc un homme ferme sur la laïcité. « Abracadabra, tu redoubleras ! » : Attal est donc un homme attaché au maintien du niveau scolaire. « Pas de ronchon à Matignon ! », Attal est donc Premier ministre. Il y a de quoi s’étonner en observant la sidération autour du nouveau chef du gouvernement : finalement, c’est bien l’ascension elle-même qui épate, pas ses raisons.
Vacuité, vacuité, tout est vacuité
Alors, que fait Gabriel Attal à Matignon ? Peut-être d’abord y est-il par sa loyauté, en effet. La fronde de décembre et l’affaire Depardieu ont sans doute fait prendre conscience à Macron de son importance. Pourtant, c’est loin de suffire : à ce titre, un Julien Denormandie ou un Sébastien Lecornu auraient tout autant fait l’affaire. Le bilan ? Il est vrai que ni Bruno Le Maire, ni Gérald Darmanin (deux autres prétendants de premier plan) ne peuvent se targuer d’avoir particulièrement réussi à maintenir l’inflation et l’insécurité à un niveau satisfaisant. Cependant, Attal lui-même n’a aucun « réel » bilan : il est passé de ministère en ministère sans jamais achever sa tâche. Alors, que reste-t-il ? L’apparence.
Il est vrai qu’Attal est jeune, beau garçon, qu’il passe bien sur un plateau de télévision. Par ailleurs, il est sans contexte le « cadet des sosies » du Président, pour reprendre la belle expression de nos amis de Libération. Même ascension, même genre, mais aussi, même vacuité.
Car derrière l’apparence, qu’y a-t-il ? Des inachèvements à la pelle, un certain européisme, un pseudo-pragmatisme digne du « en même temps » et…plus rien.
L’année de la façade
« Ripoliner la façade ». Emmanuel Macron avait fait découvrir l’expression à de nombreux Français durant le débat de l’entre-deux-tours de 2022 en expliquant ne pas vouloir s’y limiter. Pourtant, force est de constater que c’est bien ce que l’année 2024 nous réserve.
La première échéance, ce sera les européennes. Alors que la liste sera vraisemblablement emmenée par Olivier Véran (au lieu d’un Stéphane Séjourné plus connaisseur du sujet, mais moins connu), il faudra bien présenter le bilan désastreux de ces sept dernières années. Qu’aurait pu faire Elisabeth Borne, cette « Mamie Vador » à la prononciation robotique et à la sécheresse saharienne ? Alors, il faut un visage, il faut une voix, une personne rassurante. Au fond, il faut un anti-Bardella, un homme avec qui les jeunes de vingt ans aient envie de se prendre en selfie, quelqu’un qui satisfera les boomers encore hésitants. Le public visé, ce n’est certainement pas les travailleurs acquis au Rassemblement National : eux ne l’aiment pas, ont bien perçu l’entourloupe.
Avec un Attal 2.0 reprogrammé pour être de droite, les électeurs LR et quelques zemmouriens pourraient bien tomber dans le panneau. En cas de besoin, un coup de barre à gauche et il rappellera qu’il « vient du Parti Socialiste et qu’il n’a pas renoncé à ses engagements ». Il y a bien besoin de cela pour combler le retard de douze points qui sépare aujourd’hui Jordan Bardella de la liste Renaissance.
La seconde étape, c’est la commémoration des 80 ans du Débarquement. À nouveau, il faudra être dans la démonstration, rappeler l’héritage, l’héroïsme de ceux qui sont morts pour la France. Qui de mieux qu’un représentant de « l’espoir », de la nouvelle génération, pour s’en charger ?
Enfin échéance terrifiante et primordiale, les Jeux Olympiques. Une nouvelle fois, il faut « prouver », il faut que Paris soit une vitrine impeccable, lisse et bien propre. Imagine-t-on un instant Elisabeth Borne sourire et jouer le jeu de la convivialité alors qu’Emmanuel Macron déclare solennellement les JO 2024 ouverts ? Déjà, sourire… Il vaut bien mieux un jeune qui peut se prêter au jeu, aller rencontrer des athlètes de sa génération, lancer des coups de com’ dans tous les sens pour montrer l’éclatante réussite du gouvernement…ou bien masque l’effrayant échec.
Jeu de lois
Pour toutes ces raisons, et parce que les deux principales promesses d’Emmanuel Macron – la réforme des retraites et la loi immigration – ont été tenues, le calendrier législatif ne sera probablement pas passionnant dans les mois à venir. Si un débat sur la légalisation de l’euthanasie est bien prévu, il a d’ores et déjà été repoussé. On le sait, avec Macron, nous ne sommes pas à l’abri d’une sérieuse procrastination sur le lancement des hostilités.
Pas de lois, pas besoin d’un technocrate. Le vote du budget et ses 49-3 arriveront bien assez tôt pour que le jeune Premier ministre s’entraîne un peu. D’ici-là, il n’y a qu’à paraître, ce dont Gabriel Attal s’est fait une spécialité.
Attal 2027 ?
Évidemment, personne n’est dupe, Matignon est sans doute vu par Attal comme une rampe de lancement vers l’Élysée. Attal 2027, beaucoup y pensent. Pourtant, plus de pouvoir ne signifie pas une meilleure cote de popularité, ni d’ailleurs de bons résultats. De fait, quand on voit comment Edouard Philippe se bat pour mettre de la distance, depuis trois ans, entre Macron et lui, force est de constater que quand les deux s’affronteront, Attal sera bien forcé d’endosser le rôle de l’héritier quand le maire du Havre pourra jouer d’autres cartes.
Si le premier round du match Bardella-Attal se jouera dans quelques mois, rien ne dit que le premier cèdera à la tentation de 2027. C’est néanmoins sans aucun doute ce que souhaite la macronie : en légitimant la jeunesse de son dauphin, elle en profite pour tenter son nouveau grand rival. Une scission au RN, c’est la garantie de la réussite pour le centre.
Trois ans et demi, c’est le temps que devra tenir Attal pour préparer la suite. Tenir, c’est bien le mot, car les premières oppositions se cachent dans son propre gouvernement et dans le bilan de sept ans de macronisme : d’ici-là, il faudra, « quoi qu’il en coûte », sauver les apparences. Parce qu’Attal, ça n’est rien que cela : une apparence.
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