Société
[Info Frontières] Après une course poursuite avec une Mercedes, un gendarme sanctionné
Quelques mois après l’incident dans lequel un gendarme a été blessé en tentant de maîtriser un automobiliste refusant d’obtempérer, de nouvelles informations viennent raviver le débat sur les conditions de travail et la pression exercée sur les forces de l’ordre.
Quelques mois après l’incident dans lequel un gendarme de Gironde a été blessé en tentant de maîtriser un automobiliste refusant d’obtempérer, de nouvelles informations viennent raviver le débat sur les conditions de travail et la pression exercée sur les forces de l’ordre. Cette affaire prend aujourd’hui un tournant judiciaire et administratif controversé.
Retour sur les faits
Le 10 août 2024, un simple contrôle à Ambarès-et-Lagrave, en Gironde, a failli tourner au drame. Alors que les gendarmes présents procèdent à des contrôles routiers, un véhicule fait un refus d’obtempérer et accélère. Les deux militaires montent dans leur voiture, s’ensuit une course-poursuite digne d’un film. Le fuyard zigzague entre les voitures, frôle les autres véhicules, roule en sens interdit et s’engage de la même manière sur un rond-point avant de heurter un trottoir, ce qui brise sa roue avant. Il est contraint de s’arrêter quelques centaines de mètres plus loin, sûr un cédez-le-passage, l’avant de la voiture fumant à cause de la roue cassée et désaxée.
Malheureusement, l’affaire ne s’arrête pas là. La voiture des militaires se colle à celle des délinquants, et le gendarme assis à la place du passager essaie de sortir de la voiture pour récupérer les clés. Mais au même moment, la Mercedes recommence à avancer, écrasant le torse et la main du militaire qui se voit contraint de sortir son arme par peur de mourir. Après quelques secondes qui paraissent interminables, le conducteur accepte finalement de remettre les clés, non sans avoir fouillé dans le véhicule, augmentant la crainte de l’agent de le voir sortir une arme. Lorsque le gendarme tente de faire sortir le fuyard de son véhicule, ce dernier aurait crié : « Wallah, tu ne me touches pas ! »
Lors de l’arrestation des deux occupants de la Mercedes, le conducteur se révèle être un jeune homme de 18 ans, sans permis de conduire, et son passager, un garçon de 14 ans, tous deux de type nord-africain. D’après nos informations, la famille du conducteur serait originaire du Maroc.
L’incident a marqué profondément le militaire mis en cause, qui a subi une déchirure d’un ligament à la main ainsi qu’un état de stress post-traumatique, entraînant 10 jours d’ITT et plus de 100 jours d’arrêt maladie.
Un gendarme lourdement sanctionné
Malgré son statut de victime dans cette affaire, le gendarme fait aujourd’hui l’objet de sanctions administratives sévères. Selon nos informations, il lui est reproché d’avoir tenu des propos jugés inappropriés sous l’effet du stress après l’arrestation du conducteur. Des « insultes à l’encontre des mis en cause » rapportés dans le compte-rendu, mais sans qu’il n’y ait de caractère raciste ou discriminatoire, auraient alimenté une procédure disciplinaire résultant en 30 jours d’arrêt avec dispense d’exécution, inscrits dans son dossier pour quatre ans. Une telle mention pourrait fortement freiner son avancement professionnel alors que de l’autre côté le laxisme judiciaire envers les délinquants atteint des sommets.
En outre, un projet de mutation géographique est envisagé, ce qui accentue le sentiment d’injustice ressenti par le gendarme.
Marc Rollang dénonce une surenchère disciplinaire
Marc Rollang, porte-parole de l’Association Professionnelle Nationale Militaire Gendarmes et Citoyens (APNM), s’insurge contre ces sanctions qu’il qualifie de « lourdes et injustes » : « Ce gendarme est sacrifié sur l’autel de la moralité pour faire peur à ses collègues. Nous sommes dans une démarche où la moindre erreur est sur-punie. »
Pour M. Rollang, cette affaire reflète un durcissement des sanctions internes contre les militaires, au détriment de leur moral et de leur engagement. « C’est un signal dangereux envoyé à ceux qui risquent leur vie chaque jour », ajoute-t-il, en rappelant que plusieurs dossiers semblables sont apparus récemment.
Un recours judiciaire pour faire face à l’injustice
Face à cette situation, le gendarme mis en cause a déposé un recours contentieux auprès du tribunal administratif. L’objectif : contester le caractère disproportionné des sanctions et faire reconnaître son investissement professionnel. Ce recours pourrait être décisif non seulement pour lui, mais aussi pour de nombreux autres gendarmes confrontés à des situations similaires.
Un contexte de tension croissante
Cette affaire soulève une question essentielle : pourquoi les forces de l’ordre subissent-elles des sanctions plus lourdes que les délinquants qu’elles tentent d’arrêter ? Le conducteur à l’origine de l’incident sera jugé en correctionnelle en 2025, mais les conséquences pour le gendarme semblent bien plus lourdes sur le plan personnel et professionnel.
« Nous constatons une tendance inquiétante à utiliser les gendarmes comme boucs émissaires », résume Marc Rollang.
Ce climat de répression interne pourrait décourager les militaires dans leur mission quotidienne et affaiblir l’institution tout entière.
Le gendarme, qui se retrouve aujourd’hui isolé et pénalisé, symbolise un malaise grandissant au sein des forces de l’ordre.
À lire aussi : Un gendarme dégaine son arme sur la route à Marseille : la préfecture obligée de rétablir les faits
Aucun commentaire
Loading