International
Ingérence russe en Roumanie : TikTok sous enquête après l’annulation de la présidentielle
La justice roumaine a annulé la présidentielle de novembre pour « irrégularités massives » liées à des accusations d’ingérence russe. La Commission européenne enquête sur TikTok, suspecté d’avoir facilité une manipulation électorale en faveur du candidat prorusse Calin Georgescu.
En Roumanie, l’élection présidentielle de ce mois de novembre 2024 a été annulée par la justice après des accusations d’ingérence étrangère, un fait rarissime en Europe. Calin Georgescu, candidat de droite, critique de l’Union européenne et favorable à la Russie, est soupçonné d’avoir bénéficié d’une vaste campagne de soutien orchestrée par Moscou. Au cœur des soupçons : la plateforme TikTok, accusée d’avoir été exploitée à des fins de manipulation électorale.
Selon des rapports de renseignement déclassifiés par les autorités roumaines, un vaste réseau de 25 000 comptes TikTok aurait été activé à une échelle inédite dans les deux semaines précédant le scrutin. Dormant depuis sa création en 2016, ce réseau aurait été réactivé et coordonné via la messagerie Telegram, avec des méthodes attribuées à un « acteur étatique ». Bien que les rapports ne mentionnent pas directement la Russie, les services roumains établissent des parallèles évidents avec des opérations similaires menées par Moscou en Ukraine. Près d’un million d’euros aurait été dépensé pour amplifier la campagne de soutien à Calin Georgescu, avec des sommes pouvant atteindre 950 euros par repost. TikTok a admis avoir reçu 362 500 euros liés à ces activités.
La Commission européenne monte au créneau
Face à ces révélations, la Commission européenne a réagi avec fermeté. Bruxelles a adressé à TikTok une demande d’informations « urgente » pour élucider le rôle de la plateforme dans cette ingérence. « Nous devons agir rapidement et fermement pour protéger nos démocraties », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Cette demande, appuyée par le règlement sur les services numériques (DSA), s’inscrit dans un contexte de surveillance accrue des plateformes sociales.
L’exécutif européen exige des réponses en 24 heures et a ordonné à TikTok de « geler et conserver » toutes les données internes liées à ses systèmes de recommandation et à la monétisation de contenus politiques. Cette injonction couvre une période allant du 24 novembre 2024 au 31 mars 2025, incluant ainsi d’autres élections européennes à venir.
Roumanie : des sanctions sans précédent en vue ?
Si TikTok est reconnu coupable de violations du DSA, la plateforme pourrait encourir des amendes allant jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires annuel. Dans les cas de manquements graves et répétés, Bruxelles envisage même la possibilité d’une interdiction totale d’activité en Europe.
Au Parlement européen, la tension est palpable. Valérie Hayer, présidente de Renew Europe, a demandé la convocation du PDG de TikTok, Shou Zi Chew. « Ce qui s’est passé en Roumanie est une nouvelle sonnette d’alarme : la désinformation peut frapper n’importe quel pays européen avec des conséquences dramatiques », a-t-elle affirmé.
L’algorithme TikTok en question
Les critiques récurrentes contre TikTok mettent en cause son algorithme, capable de maintenir les utilisateurs captifs d’un flux ininterrompu de contenus recommandés. Les autorités suspectent que cet algorithme a été manipulé pour amplifier artificiellement les messages prorusses et les contenus en faveur du candidat Georgescu. Lors d’une audition parlementaire, TikTok a prétendu avoir supprimé un réseau comptant 1 781 adeptes lié à sa campagne. Toutefois, les eurodéputés se disent insatisfaits et déplorent un manque de transparence flagrant.
L’annulation historique de l’élection présidentielle en Roumanie a ravivé les craintes d’ingérence étrangère dans les processus démocratiques européens. Bruxelles entend faire de TikTok un cas d’école pour rappeler aux plateformes leurs responsabilités et la volonté de l’UE de préserver l’intégrité des scrutins. En Roumanie, les regards sont alors tournés vers un nouveau calendrier électoral.
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