Politique
Mercosur : un débat au Parlement pour apaiser ou pour esquiver ?
Le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur continue de diviser. Alors que la colère des agriculteurs français continue de monter, le gouvernement a décidé d’inscrire ce sujet à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour un débat le 26 novembre prochain. Pourtant, le Rassemblement national (RN) avait tenté d’instaurer le débat dans l’hémicycle dès le mois d’octobre, lors de sa journée parlementaire, avant que le bureau de l’Assemblée nationale ne le lui refuse.
« J’entends la colère, les tensions, l’incompréhension des agriculteurs sur le projet d’accord UE – Mercosur. La France y est fermement opposée », a déclaré le Premier ministre Michel Barnier sur X, dans un effort pour apaiser les inquiétudes. Il a ajouté : « C’est pourquoi, dans le cadre des dispositions de l’article 50-1 de notre Constitution, j’ai décidé, après consultation des présidents de groupe du socle commun, de faire une déclaration à l’Assemblée nationale suivie d’un débat et d’un vote sur ce projet d’accord. »
J’entends la colère, les tensions, l’incompréhension des agriculteurs sur le projet d’accord UE-Mercosur. La France y est fermement opposée.
C’est pourquoi, dans le cadre des dispositions de l’article 50-1 de notre Constitution, j’ai décidé, après consultation des présidents de… pic.twitter.com/0dlrUxpBgZ
— Michel Barnier (@MichelBarnier) November 19, 2024
Mercosur : certains avaient anticipé
Mais pour beaucoup de Français, ces mots peinent à rassurer. Il faut dire que l’annonce du débat à l’Assemblée intervient un peu tard. Les tracteurs sont déjà de sortie, et le monde agricole n’en est pas à son premier coup de semonce sur le sujet. En plus d’avoir été éprouvé par les crises de ces derniers mois – entre mauvaises récoltes et épidémies touchant l’élevage – le Mercosur vient porter le couperet de la concurrence déloyale.
Certains élus, en contact avec le terrain, avaient anticipé. Le 29 octobre dernier, la députée RN Hélène Laporte avertissait déjà l’Assemblée nationale : « Cet accord place nos agriculteurs en concurrence directe avec des producteurs qui ne sont soumis à aucune de nos normes », pointant du doigt la « molle opposition » du gouvernement. Elle ajoutait avec gravité : « Au moment où nous parlons, la Commission européenne poursuit ses négociations (…) Elle s’apprête à scinder l’accord pour éviter un vote à l’unanimité. C’est ce qui est en train de se préparer. »
#Mercosur : “Cet accord place nos agriculteurs en concurrence directe avec des producteurs qui ne sont soumis à aucune de nos normes” dit @HeleneLaporteRN, dénonçant la “molle opposition” du gouvernement et appelant à “bloquer ce traité”.#DirectAN #QAG pic.twitter.com/TdP8GGesIx
— LCP (@LCP) October 29, 2024
L’initiative avait été rejetée
Cette dernière est bien placée pour savoir que ce débat aurait pu avoir lieu plus tôt. En septembre, le RN avait déposé une proposition de résolution demandant au gouvernement de s’opposer fermement à l’accord Mercosur auprès de la Commission européenne. Mais cette initiative avait été rejetée par le bureau de l’Assemblée. La proposition avait été écartée pour une pure question de forme. En effet, le texte contrevenait à l’article 34-1 de la Constitution, qui interdit aux résolutions parlementaires d’ « ordonner » des actions au gouvernement.
Une décision perçue comme une manœuvre politique par Marine Le Pen : « Le 31 octobre, nous devions proposer une résolution visant à refuser l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Cela nous a été refusé. La représentation nationale ne pourra donc pas débattre à l’Assemblée nationale de ce traité. »
Le 31 octobre, nous devions proposer une résolution visant à refuser l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Cela nous a été refusé. La représentation nationale ne pourra donc pas débattre à l’Assemblée nationale de ce traité, qui continue d’être négocié en sous-main…
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) October 8, 2024
La temporalité de cette annonce gouvernementale intrigue. Avec la pression exercée par Ursula von der Leyen pour finaliser rapidement le traité, l’exécutif semble vouloir montrer qu’il n’est pas sourd aux préoccupations des citoyens. En proposant ce débat au Parlement, le gouvernement semble surtout vouloir calmer la colère. Le Premier ministre joue la carte de l’écoute et de la transparence, mais l’initiative ressemble davantage à une tentative de gagner du temps qu’à une réelle volonté d’agir. Car si la question est désormais à l’ordre du jour, c’est bien la rue qui, une fois de plus, force la main à l’exécutif.
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