Politique
[Édito] Emmanuel Macron n’a aucun défaut
Durant sa conférence de presse, le président de la République a défendu corps et âmes son bilan, ne faisant aucune concession sur d’éventuelles erreurs. Serait-il parfait ?
« Libérer les énergies, protéger les Français, unir la Nation » : voilà la « ligne claire » qu’Emmanuel Macron aurait tenue pendant sept ans, selon ses propres propos tenus en préambule de conférence de presse ce mardi 16 janvier au soir. Le bilan présenté par le Président de la République est beau, si beau qu’on se demande presque s’il ne cache pas une ou deux erreurs tout de même.
La politique de la perfection
Ce qu’on comprend en écoutant la conférence de presse présidentielle, c’est que tout va mieux, et que ce qui ne va pas mieux, c’est la faute des crises.
L’éducation a été un thème largement abordé par Emmanuel Macron. Alors que la France fait partie des pires élèves du classement PISA (qui note le niveau scolaire dans tous les pays de l’OCDE), que les professeurs se font de plus en plus rares, que l’islamisme y accroît son emprise, que l’indiscipline explose dans les classes et que les ministres de l’Éducation nationale placent leurs enfants dans le privé pour des « raisons personnelles », il faut se rassurer. En effet, selon le Président, un « choc des savoirs » et un « retour aux fondamentaux » a été mis en place. L’apaisement de la part des Français reviendra d’ailleurs sans doute quand on leur aura expliqué ce qu’était un « choc des savoirs ».
Sur l’économie, là aussi, Emmanuel Macron a tenu à rassurer. Loin du « sentiment de déclassement » apparemment injustifié que vit une partie de la classe moyenne, il a tenu à préciser que deux millions d’emplois avaient été créés en six ans (dont plus de 50 000 livreurs Uber), que 300 usines avaient ouvert et que, globalement, nous étions mieux armés. Pas besoin, donc, d’avoir un « sentiment d’inquiétude » vis-à-vis des 1 000 milliards de dettes créés, du record 2023 de la disparition d’entreprises ou même de la réduction drastique du pouvoir d’achat à cause de l’inflation.
Si l’immigration ne pose pas vraiment de problème pour le chef de l’État, il a tout de même tenu à rappeler, alors que près de 500 000 migrants rentrent en France chaque année, dont un tiers d’illégaux, qu’il y a désormais « plus d’ordre » et que « les frontières sont mieux contrôlées grâce à Frontex ». De quoi apaiser le « sentiment d’immigration » que vivent les Français au quotidien.
La personne qui a sans doute le mieux résumé cette conférence de presse est sans conteste Gaspard Proust dans sa chronique sur Europe 1 : « Quand tu as besoin de 3h pour expliquer que tu es un génie c’est qu’à priori ça ne saute pas aux yeux. »
La concession « Fort Boyard »
Il faut bien l’admettre, si Emmanuel Macron n’a commis aucune erreur, il aurait peut-être pu faire mieux. Quoique, peut-être pas finalement, mais dans sa grande humilité, le Président a fait des concessions.
Ces concessions, on pourrait les appeler les « concessions Fort Boyard ». Ce sont celles qui consistent à dire : « mon bilan est impeccable, mais il faut aller toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort ! ». Concrètement, si vous avez aimé Macron durant ses sept premières années de mandat, vous allez être servis !
Alors, il faut, partout, « poursuivre les efforts et les réformes entamées ». Par exemple, alors que les entreprises françaises ne cessent de délocaliser, il faut : « accélérer dans la relocalisation grâce aux réformes engagées depuis six ans ». De même pour la santé, le travail, l’éducation, tout. La nomination de Gabriel Attal le montre bien, pour les trois ans et demi à venir, le gouvernement de Macron fera encore plus de Macron.
Macron, expert du slalom
Alors, avons-nous assisté, comme le clament à cor et à cri Libération, le HuffPost et autres médias de gauche, à une conférence de presse de droite ?
On pourrait être tenté, dans un premier temps, de leur donner raison. Le fait de souhaiter une politique nataliste, une refonte de l’école recentrée sur les matières et valeurs essentielles, une réduction du temps d’écran chez les jeunes… Toutes ces mesures peuvent sembler droitières : nul doute ici que le président a cherché à se ménager quelques LR, alors que ceux-ci se rapprochent de plus en plus de l’opposition. On pourrait aussi penser à une phrase issue de la première partie de son discours : « Pour que la France reste la France : du bon sens, de la résistance, des Lumières ». Elle pourrait effectivement paraître pencher vers la droite pour un homme de gauche peu averti. Or, pour la droite, la France n’est pas un agrégat de valeurs républicaines, mais puise sa source dans un peuple et une terre depuis plus de mille ans. La vision constructiviste du président est donc sans doute LR-compatible, mais certainement pas de droite.
Cela aurait d’ailleurs dû mettre la puce à l’oreille d’une part de la sphère médiatique : aucune concession n’a été accordée au Rassemblement national, ne serait-ce que sur le constat, tout au contraire. De même, Emmanuel Macron s’est montré étonnamment timide sur le sujet de l’immigration ou sur celui de l’insécurité avec lesquels il est visiblement mal à l’aise. Alors, s’il n’est probablement pas un sans-frontiériste, le Président demeure, sur ce point, rigoureusement centriste. Pour la perfection, on repassera.
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