International
Chute d’Assad : la dictature algérienne craint aussi pour sa stabilité
La chute de Bachar al-Assad soulève des questions sur les choix diplomatiques de l’Algérie, dernier soutien affiché du régime syrien.
Le 8 décembre, Bachar al-Assad quittait précipitamment Damas, emporté par une rébellion fulgurante qui a mis fin à un demi-siècle de règne familial. Après des années d’un soutien indéfectible de la part de ses alliés, le président syrien a fui sous la pression d’une rébellion armée qui a balayé les dernières résistances en seulement douze jours. Pour l’Algérie, ce séisme a provoqué un retournement spectaculaire. En l’espace de quelques jours, Alger a abandonné son soutien sans faille à l’ancien président syrien pour un virage opportuniste vers le « peuple syrien frère ». Pour l’Algérie, qui fut l’un des rares soutiens du régime syrien jusqu’à ses derniers instants, cet événement résonne comme une alerte. Abdelmadjid Tebboune, « réélu » en 2024 avec un confortable 84,3 % des voix dans une élection où moins de la moitié des Algériens ont daigné se déplacer, fait face à une situation où la chute de son allié syrien ravive les interrogations sur la stabilité et l’avenir du régime. Si certains observateurs y voient un présage pour le régime algérien, ces analyses méritent d’être nuancées, tant les contextes syrien et algérien diffèrent.
De la loyauté absolue au revirement spectaculaire
La chute de Bachar al-Assad a mis en lumière la réactivité parfois maladroite de la diplomatie algérienne. Pendant des années, Alger a joué le rôle du dernier rempart de Bachar al-Assad sur la scène internationale. Le régime algérien s’était solidement arrimé à son allié et jusqu’au 3 décembre, le discours officiel de la diplomatie algérienne réaffirmait « la solidarité absolue du peuple algérien avec la Syrie face à l’agression terroriste ». Mais, à peine cinq jours plus tard, la rhétorique basculait : « L’Algérie suit avec une grande attention les récents développements en Syrie et réaffirme son soutien au peuple syrien frère. » Comme le note Le 360, le retournement de la diplomatie algérienne a été fulgurant, trahissant « l’irrationnalié d’un régime en fin de vie ».
Par ailleurs, l’attitude du régime algérien sur la Syrie met en lumière ses propres contradictions. Dans son dernier communiqué, le ministère des Affaires étrangères appelait au « dialogue entre les enfants du peuple syrien, dans toutes ses composantes ». Cette injonction, bien que louable, entre en totale contradiction avec la politique intérieure algérienne, où les appels au dialogue avec les opposants sont systématiquement ignorés. Ce double discours alimente les critiques internationales et renforce l’image d’un pouvoir englué dans des méthodes d’un autre temps. « Tout ce dont l’Algérie manque est donc vivement préconisé pour les Syriens. », ironise Mohammed Ould Boah pour Le 360.
La peur d’un effet domino : le spectre d’un nouveau Hirak
Toujours selon le média marocain, les manifestants syriens, en liesse après la chute de Bachar al-Assad, ont indexé le régime algérien comme une dictature à abattre. En Syrie, des vidéos partagées ces dernières heures expriment une critique virulente à l’encontre du régime algérien. Dans l’une d’elles, un Syrien déclare : « Le régime militaire algérien est l’un des derniers régimes dictatoriaux qu’il faut abattre. »
Dans les rues européennes, la diaspora syrienne n’a pas hésité à fustiger le soutien algérien à Bachar al-Assad. Des banderoles brandies à Paris dénonçaient la « complicité » de l’Algérie, tandis qu’un manifestant promettait de transformer « l’ambassade d’Algérie à Damas en toilettes publiques ». Ces propos reflètent l’indignation croissante envers un régime perçu comme complice de la répression syrienne.
Ce retournement d’Alger ne s’explique pas seulement par des considérations diplomatiques. Car au-delà des critiques extérieures, la chute de Bachar al-Assad ravive une peur plus profonde : celle d’une contagion populaire. En 2019, le mouvement Hirak a déjà fait vaciller le pouvoir en place, obtenant la démission de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Bien que ce mouvement se soit essoufflé, la chute d’Assad pourrait raviver les espoirs de changement en Algérie.
Assad déchu : un régime en sursis ?
La chute de Bachar al-Assad et le retournement de veste algérien qui l’a suivie, a des répercussions symboliques fortes, mais il serait réducteur d’en tirer des conclusions hâtives sur l’avenir de l’Algérie. Si des similitudes existent entre les deux régimes, le contexte algérien reste plus stable et doté d’atouts stratégiques qui le différencient de la Syrie. Cependant, les défis demeurent nombreux : contestation populaire, repositionnement diplomatique et gestion de son isolement régional.
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