Société
Procès des complices de l’assassinat de Samuel Paty : huit accusés jugés pour leur implication dans l’attentat islamiste
Le procès de huit adultes impliqués dans l’assassinat de Samuel Paty s’ouvre à la cour d’assises spéciale de Paris. Accusés de complicité ou d’association de malfaiteurs terroriste, ils seront jugés jusqu’au 20 décembre 2024.
Le procès tant attendu de huit adultes impliqués dans l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie à Conflans-Sainte-Honorine, s’ouvre ce lundi 4 novembre devant la cour d’assises spéciale de Paris. Plus de quatre ans après la mort tragique de l’enseignant, cette audience vise à examiner les rôles joués par chacun des accusés dans les circonstances ayant conduit au meurtre. Samuel Paty a été décapité en octobre 2020 par Abdoullakh Anzorov, un jeune réfugié tchétchène, qui a commis cet acte terroriste après qu’une polémique sur un cours portant sur la liberté d’expression a été largement relayée sur les réseaux sociaux.
Un acte déclenché par une campagne de cyberharcèlement
Deux des principaux accusés sont Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, tous deux soupçonnés d’avoir orchestré une campagne de harcèlement en ligne contre Samuel Paty. Brahim Chnina, père de la collégienne à l’origine de la polémique, est accusé d’avoir diffusé des vidéos accusant l’enseignant de « discriminer les élèves musulmans » après qu’il ait montré en classe des caricatures de Mahomet. Dans ces vidéos, Chnina donne des détails sur l’identité de Samuel Paty, son lieu de travail, et incite à des actions contre lui, créant ainsi un climat de haine. Entre le 9 et le 13 octobre 2020, il aurait échangé plusieurs appels avec Anzorov, dont la dernière conversation aurait eu lieu quelques jours avant l’attaque.
Quant à Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, militant islamiste, il est connu pour ses prises de position radicales. Fondateur du collectif pro-Hamas Cheikh Yassine, Sefrioui est accusé d’avoir alimenté le climat de haine autour de Samuel Paty en publiant une vidéo dans laquelle il dépeint le professeur comme un « voyou » et un « islamophobe ». Les avocats de Sefrioui réfutent toute responsabilité directe dans l’assassinat et soutiennent qu’il n’a eu aucun contact avec l’assaillant. D’après eux et les éléments rapportés par France 3, il n’existe aucune preuve qu’Anzorov ait visionné les vidéos diffusées par leur client. Sefrioui, toutefois, a reconnu lors d’interrogatoires qu’il n’aurait pas publié ces contenus s’il avait imaginé que cela puisse conduire à de tels actes.
Des complices présumés dans l’achat des armes
Parmi les accusés figurent Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, deux amis d’Anzorov, accusés de complicité d’assassinat pour l’avoir aidé dans la préparation de l’attaque. D’après l’accusation, Boudaoud, 22 ans, et Epsirkhanov, 23 ans, auraient accompagné Anzorov le 15 octobre 2020, la veille de l’attentat, dans une coutellerie de Rouen pour acheter le couteau utilisé lors de l’assassinat. Le jour même de l’attaque, Boudaoud aurait conduit Anzorov dans un magasin de Cergy, où ils ont acheté des pistolets Airsoft et des billes d’acier, ajoutant ainsi un aspect menaçant à l’attaque. Azim Epsirkhanov, qui aurait rencontré Anzorov au collège, est également accusé d’avoir accepté une somme de 800 euros pour aider ce dernier à se procurer une arme à feu, bien qu’il n’ait pas réussi à l’acquérir.
Boudaoud est décrit comme « vulnérable » et « influençable » par les enquêteurs, et aucun signe manifeste de radicalisation n’a été relevé à son encontre. Son implication directe dans l’achat des armes a cependant motivé son inculpation pour complicité d’assassinat. Epsirkhanov, de nationalité russe et d’origine tchétchène, a pour sa part affirmé que sa relation avec Anzorov remontait à plusieurs années et qu’il agissait par amitié sans mesurer les conséquences de ses actes.
Les soutiens en ligne et les encouragements implicites
Quatre autres personnes sont poursuivies pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Parmi elles, Ismaïl Gamaev, 22 ans, et Louqmane Ingar, 22 ans également, tous deux accusés d’avoir échangé des messages à connotation jihadiste avec Anzorov sur un groupe de discussions Snapchat. D’après les éléments de l’enquête, ce groupe, nommé « Étudiants en médecine », servait à échanger des contenus de propagande violente et à galvaniser les intentions de l’assaillant. Peu après l’attentat, Gamaev aurait réagi en publiant des émojis souriants après avoir vu la photographie de Samuel Paty décapité.
Louqmane Ingar, par ailleurs, aurait cherché à quitter la France pour rejoindre des groupes extrémistes à l’étranger. Ces deux accusés nient avoir incité directement Anzorov à l’attaque mais reconnaissent leurs échanges fréquents avec lui, certains d’entre eux contenant des propos de soutien envers ses idées radicales.
Le cas de Priscilla Mangel : un soutien par messagerie
Priscilla Mangel, 36 ans, est la seule femme à comparaître parmi les accusés. D’après l’accusation, cette convertie à l’islam aurait encouragé la haine contre Samuel Paty en échangeant avec Anzorov sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, elle aurait, sous un pseudonyme, présenté le cours de Samuel Paty comme une « attaque contre les musulmans », contribuant ainsi à alimenter la vision extrémiste de l’assaillant. Elle est placée sous contrôle judiciaire depuis juin 2021 et nie avoir encouragé le passage à l’acte.
L’affaire Paty résonne au sein de la société française
L’ouverture de ce procès est un moment crucial pour la famille de Samuel Paty, ses collègues, et les enseignants de France, qui attendent de la justice qu’elle rende des comptes. En 2023, un premier procès avait été tenu pour juger six collégiens accusés de complicité dans l’attaque, après avoir fourni des informations à l’assaillant en échange d’argent. Les peines avaient alors suscité des réactions mitigées, plusieurs proches de Samuel Paty estimant que la sévérité de la justice n’avait pas été suffisante.
La sœur de Samuel Paty, Mickaëlle, a publié un livre en mémoire de son frère et pour dénoncer l’inaction des autorités. Dans cet ouvrage, elle exprime son incompréhension face aux lacunes qui ont permis ce drame, et elle appelle à un soutien accru pour les enseignants en France. Elle est particulièrement critique de la légèreté des sanctions contre les mineurs impliqués et espère que le procès actuel saura mieux répondre aux attentes de la famille et du public, rapport Europe 1.
Le procès Paty sous haute sécurité
Le procès, qui se tient dans un climat tendu, devrait durer jusqu’au 20 décembre 2024. La cour d’assises spéciale de Paris, chargée de juger les affaires de terrorisme, rendra son verdict à l’issue de ce long processus judiciaire. La société française, marquée par plusieurs attentats terroristes ces dernières années, suit cette affaire de près, la considérant comme un symbole de la lutte contre l’islamisme.
A lire aussi : Polémique à Sciences Po Paris : Une réunion en « non-mixité » et « non blanche » suscite l’indignation
Aucun commentaire
Loading