Politique
Pierre-Marie Sève : « Depuis plus de quinze ans, les tentatives d’homicide sont en hausse ! »
[ENTRETIEN] Pierre-Marie Sève a accordé un entretien à Frontières. Le directeur de l’Institut pour la Justice analyse l’insécurité palpable en France, notamment au travers de l’augmentation des homicides et de la réalité de données chiffrées.
Pierre-Marie Sève était invité de notre matinale le mardi 29 octobre
Avez-vous des attentes particulières sur la visite d’Emmanuel Macron au Maroc, notamment sur la question des OQTF ?
Les Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) se sont transformées en Invitations à Quitter le Territoire Français (IQTF), ce qui en modifie considérablement le caractère. En effet, une invitation à quitter le territoire n’a rien de contraignant : elle repose uniquement sur la volonté de l’individu concerné. Or, il est naturel que ces personnes, en ayant fait le choix de venir en France, ne souhaitent pas la quitter. Confier cette responsabilité uniquement à leur propre décision ne semble donc pas efficace.
À propos de la visite d’État d’Emmanuel Macron, plusieurs aspects viennent expliquer les dysfonctionnements de l’exécution des OQTF, dont le taux de mise en œuvre reste limité, entre 5 et 10 %. Tout d’abord, ce dispositif repose exclusivement sur le choix des personnes concernées. Ensuite, il y a la question du nombre élevé de recours administratifs, comme l’a souligné Alain Bauer. Les tribunaux administratifs se retrouvent saturés par la quantité de recours possibles, ce qui crée une véritable congestion.
Enfin, le problème des laissés-passer consulaires représente un autre défi, davantage diplomatique. Bien que la France soit une puissance mondiale, elle peine encore à atteindre cet objectif de reconduite, pourtant prioritaire pour la population. La diplomatie dépend souvent des priorités fixées : si le gouvernement français place l’expulsion des OQTF au sommet de sa liste de négociations avec des pays comme le Maroc ou l’Algérie, il pourrait obtenir des résultats. Néanmoins, cela nécessiterait de faire des concessions sur d’autres sujets.
Le Maroc, notamment, est directement concerné, comme l’a révélé l’affaire Philippine. Il n’est pas le seul pays impliqué, mais il fait partie des principales nations concernées par la question des reconduites de ressortissants.
Il est à espérer qu’Emmanuel Macron aborde ce sujet délicat, bien que cela paraisse peu probable, tant il suscite des tensions. En effet, les citoyens marocains, qu’il s’agisse de ceux que nous rencontrons dans notre quotidien ou de ceux qui s’expriment en ligne, manifestent peu d’enthousiasme à l’idée de voir revenir au Maroc des individus délinquants. Ils estiment fréquemment que la France a échoué dans la gestion de ces personnes, leur reprochant parfois un encadrement inadéquat.
Quelle est la réalité de l’évolution de la violence, en particulier celle des homicides, au cours des dernières décennies ?
Un argument est souvent évoqué : le nombre d’homicides en France serait en baisse depuis les années 1990. Ce fait est objectivement vérifiable, et l’homicide est traditionnellement, bien que cela soit sujet à débat, considéré en criminologie comme l’un des meilleurs indicateurs de la violence. Dans des pays où les homicides sont nombreux, comme la Jamaïque, l’Afrique du Sud ou le Venezuela, cet indicateur reflète bien le niveau de violence. Pour donner une idée, le taux d’homicides se mesure pour 100 000 habitants. En France, ce taux se situe autour de 1,5 homicide pour 100 000 habitants.
C’est relativement bas à l’échelle mondiale, mais un peu plus élevé comparativement à d’autres pays européens et occidentaux. Par exemple, aux États-Unis, ce taux atteint environ 6 pour 100 000, ce qui traduit un véritable problème.
Historiquement, la France présentait un taux d’homicides plus élevé. Au Moyen Âge, ce chiffre atteignait environ 30 pour 100 000 habitants, tandis que des pays comme le Salvador, au milieu des années 2010, affichaient des taux dépassant les 100 pour 100 000. En France, cela fait donc longtemps que le taux est stable sous les 2 pour 100 000, et cette tendance est maintenue depuis le XXe siècle, hormis en périodes de guerre ou de conflits internes.
Depuis les années 1990, le nombre d’homicides annuels en France a effectivement baissé. En 1995, il avoisinait les 1 700 cas par an, mais ce chiffre a diminué régulièrement jusqu’en 2015-2017, atteignant environ 800 cas par an. Cela a conduit certains à affirmer que la baisse des homicides signifie une diminution de la violence globale en France. Cependant, cet argument présente deux failles principales.
Premièrement, cette baisse ne concerne pas les tentatives d’homicides. En droit, une tentative d’homicide est qualifiée comme un homicide échoué, impliquant une intention criminelle, même si elle n’a pas abouti. La population française présente donc un taux de tentatives qui a cessé de décroître au début des années 2010. En effet, malgré une baisse initiale dans les années 1990, les tentatives d’homicides ont recommencé à augmenter, probablement en partie grâce aux avancées médicales qui permettent de sauver davantage de vies.
Cela fait désormais plus de quinze ans que les tentatives d’homicide sont en hausse, augmentant d’année en année, tandis que le nombre d’homicides, lui, continue de diminuer. Cela suggère que la pulsion de violence, l’intention de tuer, demeure bien présente en France.
Grâce à des données chiffrées, pouvez-vous établir un lien clair entre immigration et insécurité ?
Les chiffres de 2020, bien qu’ils datent de quatre ans, restent révélateurs des tendances actuelles, qui semblent malheureusement s’aggraver. À cette époque, les étrangers représentaient environ 17 % des personnes mises en cause pour des homicides, alors qu’ils ne constituaient que 8 % de la population totale. Ce chiffre montre que les étrangers étaient deux fois plus susceptibles d’être impliqués dans un homicide qu’un Français moyen. Cette différence est préoccupante, car elle implique une probabilité de danger doublée par rapport aux autres résidents.
Concernant d’autres infractions, les statistiques révèlent que les étrangers représentaient 15 % des cas d’agressions et 31 % des vols violents avec arme, un chiffre conséquent. En zone urbaine, certains chiffres atteignent même des niveaux impressionnants. Par exemple, en Île-de-France, on constate que 94 % des cas de pickpocket dans le métro impliquent des individus de nationalité étrangère.
Par ailleurs, des distinctions entre diverses origines sont souvent évoquées. L’immigration en provenance des pays d’Afrique du Nord, par exemple, représente 3,1 % de la population, selon les chiffres de l’Insee, et certains rapports indiquent que cette population pourrait être davantage représentée dans les statistiques de délinquance.
En Allemagne, des études mettent en avant une surreprésentation des individus originaires d’Afghanistan et du Pakistan dans les infractions sexuelles, notamment les délits à caractère pédosexuel (pédopornographie, agressions sexuelles sur mineurs, etc.). Cela ne signifie évidemment pas que tous les individus issus de ces groupes soient susceptibles de commettre ces infractions, mais cette statistique incite à réfléchir au risque inhérent aux choix migratoires.
Une question revient régulièrement dans l’espace public, que devient Dahbia B, la principale suspecte dans le meurtre de la jeune Lola ?
Il semble, malheureusement, que cette personne souffre de problèmes psychologiques et psychiatriques. Actuellement, il reste à déterminer si elle sera jugée ou non. Les premières indications suggèrent qu’un procès est probable, car, en France, une personne reconnue irresponsable pénalement n’est pas jugée. Ce dispositif peut être utilisé par les avocats dans le cadre de la défense, bien que son application soit relativement rare. Toutefois, même une seule utilisation soulève des questions éthiques.
L’absence de jugement est particulièrement problématique, puisqu’un procès est souvent perçu comme une nécessité, semblable à un enterrement après la perte d’un proche. Pour les victimes, comme l’a illustré la situation de la famille de Lina cette semaine, cette quête de vérité est cruciale. Il ne s’agit pas de vengeance, car l’agresseur est déjà décédé, mais la vérité est essentielle au processus de deuil. Le procès est censé contribuer à établir cette vérité, et l’absence de jugement est donc vécue très douloureusement par les victimes, qui ont besoin de comprendre ce qui s’est passé pour avancer.
Dans le domaine du droit, on enseigne que la peine a plusieurs fonctions : la neutralisation du délinquant, la dissuasion, et une fonction de rétribution. Cette dernière souligne que la société a subi une offense. Les victimes, ayant été blessées dans le contrat social, attendent une réparation de l’État. Ne pas le faire, symboliquement, pourrait remettre en question l’existence même de notre société.
Alain Perfit, ancien ministre de la Justice, défendait l’idée que les victimes et la société dans son ensemble doivent se rassembler autour de la condamnation judiciaire pour réparer l’offense subie. Bien que cette notion puisse sembler ésotérique, Perfit, qui était un homme de raison et un académicien, exprimait une vérité profonde. Il est essentiel de savoir que la société dans laquelle nous vivons punit ceux qui lui font du mal et récompense ceux qui contribuent à son bien-être.
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