Société
Piétonnisation de Paris : quand 2,6 % des électeurs décident pour 100 % des habitants

Ce dimanche 23 mars, les Parisiens étaient appelés aux urnes pour décider de l’avenir de 500 nouvelles rues qui seront rendues aux piétons et végétalisées. À en croire les résultats, l’adhésion est massive avec 66 % de votes favorables. Pourtant, derrière cette victoire affichée, se cache une réalité plus nuancée : le taux de participation s’élève à seulement 4 %.
Ce chiffre signifie qu’à peine 56 500 électeurs ont voté sur un total de 1,39 million d’inscrits. En d’autres termes, 2,6 % des Parisiens ont validé un projet qui va transformer le quotidien de tous. Une démocratie participative à la sauce municipale, où l’enthousiasme pour le projet semble être inversement proportionnel à l’intérêt des citoyens. Pour la mairie, l’affaire est entendue : le peuple a parlé… ou du moins, une poignée d’entre eux.
Une participation fantôme pour un projet majeur
L’histoire se répète. Comme lors des précédentes consultations organisées par la mairie, les électeurs ont boudé les urnes. L’interdiction des trottinettes électriques en libre-service en 2023 avait mobilisé 7,46 % des inscrits. Le triplement des tarifs de stationnement pour les SUV en 2024 avait réuni 5,68 %… et toujours ce même enthousiasme feint à l’annonce des résultats. Cette fois, la barre est encore plus basse avec une participation sous la barre des 4 %.
Malgré cette abstention écrasante, la mairie se félicite du résultat. Anne Hidalgo, maire de Paris, a rapidement réagi aux résultats du vote sur Bluesky, saluant une large adhésion au projet :
« 66 % des Parisiennes et des Parisiens sont pour végétaliser et rendre piétonnes 500 nouvelles rues dans tous les quartiers ! Nous continuons d’agir pour améliorer la qualité de vie à Paris et renforcer la démocratie. ».
”
Une manière habile de présenter un choix déjà acté comme une volonté populaire.
Mais peut-on vraiment parler de légitimité lorsque 96 % des électeurs ne se sont pas exprimés ? L’abstention massive est-elle un signe de désintérêt ou une lassitude face à des consultations dont l’issue semble écrite d’avance ?
Un Paris plus vert, mais à quel prix ?
Sur le papier, l’idée a de quoi séduire : une capitale plus verte, des rues débarrassées du tumulte automobile, une respiration nouvelle pour les habitants. Dans la pratique, le projet s’accompagne d’une série de conséquences plus complexes.
L’objectif affiché de ce projet est ambitieux. La mairie veut offrir à chaque habitant une rue-jardin à moins de 300 mètres de son domicile. 500 rues seront ainsi piétonnisées et végétalisées d’ici 2026.
Mais pour aménager ces nouveaux espaces, 10 000 places de stationnement supplémentaires seront supprimées, s’ajoutant aux 10 000 déjà sacrifiées ces dernières années. Le Parisien motorisé, lui, devra une fois de plus composer avec un environnement toujours moins hospitalier. Moins de stationnement, plus de rues interdites aux voitures… et une logistique urbaine qui s’annonce de plus en plus acrobatique, entre livraisons, déménagements et trajets du quotidien. Mais qu’importe : après tout, les voitures ne votent pas.
Côté finances, l’addition est salée. Chaque rue végétalisée représente une enveloppe moyenne de 500 000 euros, soit un budget total de 250 millions d’euros. Une somme colossale dans une ville où la dette municipale s’élève déjà à 11 milliards d’euros.
Opposition et Parisiens résignés
Du côté de l’opposition, les critiques fusent. Nelly Garnier, élue du groupe Changer Paris de Rachida Dati, dénonce une « campagne de communication » plus qu’une réelle consultation citoyenne. Elle pointe du doigt l’absence de référendum sur d’autres décisions majeures, comme la réduction de la vitesse sur le périphérique ou la Zone à Trafic Limité (ZTL), qui impactent pourtant bien davantage les habitants.
Une interrogation demeure : pourquoi organiser une votation sur des projets que l’on sait acquis d’avance, alors que d’autres, plus clivants, sont imposés sans consultation ?
Dans cette mise en scène démocratique, l’absence de participation massive n’est pas perçue comme un désaveu, mais comme un feu vert. Silence, on piétonnise.
Et maintenant ?
D’ici 2026, les rues sélectionnées deviendront progressivement des espaces verts et piétons. Une avancée pour certains, un casse-tête pour d’autres. Entre livraisons impossibles, stationnements devenus mirages et circulation toujours plus engorgée, les Parisiens devront s’adapter, qu’ils le veuillent ou non.
Si l’idée d’une ville plus verte fait consensus, la méthode questionne. Une démocratie où une infime fraction des citoyens valide des décisions engageant toute une métropole peut-elle encore se prétendre représentative ?
À Paris, il semble que oui.
Et vous ? Plutôt enthousiaste à l’idée de voir votre rue se transformer en jardin, ou déjà en train de calculer où diable vous allez vous garer ?
À lire aussi : Municipales 2026 : Anne Hidalgo s’auto-congratule de son bilan désastreux à Paris

1 commentaire
SapereAude
Le référendum est un moyen d'expression démocratique, et donc par définition doit avoir non seulement un seuil de participation adéquat pour être suffisamment représentatif, mais surtout un seuil proche du maximal pour être vraiment démocratique. Il faut annulé ce résultat en conséquence, et exiger des seuils.
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