Politique
Nicolas Bay : « Il y a une lame de fond nationale et conservatrice partout en Europe »
Nicolas Bay, député européen, revient sur les enjeux des futures élections européennes, la place de Reconquête dans le paysage politique et sur les principaux combats qui sont les siens à Bruxelles.
Entretien avec Nicolas Bay, député européen et quatrième de la liste de Marion Maréchal (Reconquête) aux élections européennes :
Nicolas Bay, Reconquête a officiellement rejoint le groupe ECR. Quelle est la signification de ce ralliement et quelles en sont les conséquences ?
Ce ralliement démontre que Reconquête n’est pas seul et que la vision que nous portons en France est représentée partout en Europe. Il y a une lame de fond nationale conservatrice partout sur le continent, comme cela a été observé en Italie, ainsi qu’avec nos alliés finlandais et suédois ou en Hongrie avec Viktor Orban. C’est une tendance profonde en Europe. En ce qui concerne Reconquête, ce ralliement montre que l’enjeu des élections européennes n’est pas seulement de savoir qui arrive en tête. Le véritable enjeu est de savoir qui est capable de faire évoluer les politiques européennes et de battre madame von der Leyen. Le seul moyen d’y parvenir est l’alliance des patriotes et des conservateurs pour empêcher la reproduction de l’alliance habituelle qui rassemble les macronistes, les écologistes et le PPE. Il vaut mieux avoir sept, huit ou neuf députés Reconquête comptant dans un groupe influent que vingt ou vingt-cinq moins compétents et isolés.
Cinq ans après les élections européennes de 2019, la plupart des députés restent inconnus. Il est crucial que les politiques européennes ne suivent pas leur trajectoire actuelle, caractérisée par des frontières ouvertes, une prolifération constante de normes, de charges, de taxes, de traités de libre-échange et de propagande LGBT. Le groupe ECR représente l’ADN de Reconquête ; nous sommes réformistes, nous avons une vision de l’Europe civilisationnelle, nous avons une histoire, une culture commune à défendre, comme l’a brillamment exprimé Éric Zemmour lors de notre meeting à Paris. La Commission européenne doit passer d’un rôle d’exécutif à celui d’exécutant. Il est également primordial de lutter contre le triptyque du grand remplacement, comprenant l’immigration de masse, l’islamisation et le déclin démographique.
D’un point de vue économique, nous prônons les libertés. Alors que beaucoup aspirent à un État-providence offrant toujours plus d’assistanat — tandis que nous, en tant qu’hommes et femmes de droite, considérons que nous avons certes des droits, mais aussi des devoirs —, nous estimons qu’il faut diminuer le poids de l’État dans notre quotidien, et cela passe notamment par la baisse des taxes, des charges et des normes. Nous avons accumulé un ensemble de normes environnementales qui suscitent légitimement la colère de nos agriculteurs. Des mesures de protection économique sont évidemment nécessaires, notamment en mettant fin aux traités de libre-échange, mais il est avant tout crucial d’être compétitif sur la scène mondiale. Actuellement, l’UE, soutenue par le groupe PPE auquel appartiennent Les Républicains, veut mettre en place des “ressources propres”, c’est-à-dire une couche fiscale supplémentaire dans le foyer fiscal avec une fiscalité européenne, taxes sur le carbone, taxes sur les produits financiers… Tout cela est très dangereux, c’est une dérive fédéraliste. Nous nous dirigeons clairement vers un super-État centralisé à Bruxelles. Il est impératif de sortir de ce schéma.
Enfin, nous devons défendre nos valeurs de civilisation, et notamment la famille face au wokisme et à la propagande LGBT. Il s’agit là d’une question majeure sur laquelle nous sommes entièrement alignés avec nos alliés européens. L’inscription de l’avortement dans la constitution, par exemple, est une aberration, et le RN ainsi que les LR ont malheureusement suivi Macron sans se rendre compte que nous assistons à un bouleversement anthropologique. Nous sommes les seuls à être officiellement contre l’IVG dans la Constitution.
Concernant la constitutionnalisation de l’IVG dans la Constitution, lequel vous êtes opposés, pensez-vous que le RN agit par conviction ou par calcul politique ?
Il existe une minorité de personnes ayant des convictions sur cette question, tandis qu’une majorité y est indifférente, bien que ces sujets revêtent une grande importance. Certains au Rassemblement National sont même favorables à des idées progressistes. Bien que les aspirations conservatrices subsistent chez les électeurs et les militants, elles sont désormais très peu présentes parmi les élus et les cadres.
Il est vrai qu’une partie du PPE ne soutient pas Ursula Von der Leyen, comme c’est le cas de François-Xavier Bellamy. Cependant, des rumeurs laissent entendre que Giorgia Meloni pourrait soutenir la candidature de Madame Von der Leyen. Qu’en est-il ?
Giorgia Meloni dirige le parti ECR, dont la ligne est clairement opposée aux orientations actuelles de la Commission, comme en témoignent nos votes. Giorgia Meloni, en tant que chef d’État, est contrainte de coopérer avec Ursula von der Leyen. Elle n’a manifesté aucun soutien à sa candidature, que ce soit en 2019 ou pour 2024. Du côté du PPE, François Xavier, Bellamy dit ne pas soutenir Ursula von der Leyen, néanmoins elle est la candidate officielle du PPE pour sa réélection. Toute la stratégie des LR, laissant sous-entendre qu’ils suivaient une autre ligne politique que celle du PPE, est mise à mal. Ils sont en effet responsables du bilan du PPE et restent au sein de ce groupe qui soutient Ursula von der Leyen. Bien que François-Xavier Bellamy ait des convictions sincères, la vérité est que les Républicains ne représentent rien au sein du groupe PPE, et que François-Xavier Bellamy n’a pas d’influence au sein des LR. Sur certains votes, les sept députés LR peuvent exprimer jusqu’à quatre opinions différentes. Que ce soit en faveur, contre ou en s’abstenant.
Chez LR, certains ont suivi la ligne macroniste dès 2017, d’autres ont rejoint le mouvement en 2022, et certains l’ont suivi tardivement en 2024, comme Rachida Dati. Ceux qui restent chez LR sont soit là pour fermer boutique, soit parce qu’ils attendent de voir s’ils peuvent encore tirer leur épingle du jeu. Quant à nous, nous nous opposons fermement et clairement au pouvoir exorbitant de la Commission européenne, incarnée par von der Leyen, ainsi qu’à la répartition des migrants, aux accords de libre-échange et au Pacte Vert, qui sont tous soutenus par von der Leyen. Il sera difficile pour les LR d’échapper à ce bilan…
Les Italiens ont soutenu le pacte sur l’asile et l’immigration en raison de leurs intérêts. Cela ne remet-il pas en question l’idée d’une internationale nationaliste ?
En réalité, il n’y a pas eu de vote spécifique sur le pacte sur l’asile et l’immigration. Le texte sur l’immigration européen a été modifié par le conseil, sous la direction de Giorgia Meloni, qui a réussi à atténuer certains aspects problématiques du texte. Cependant, elle n’a pas obtenu gain de cause sur tous les points. L’Italie a une particularité en tant que pays de transit. Ce que nous prônons en matière de frontières, c’est la mise en place de trois niveaux de protection. Le premier niveau consiste en la suspension de l’accord de Schengen, le rétablissement des frontières européennes avec des blocus navals accompagnant Frontex pour permettre le refoulement, la création de hot-spots, ainsi que le renforcement de nos frontières.
Les Italiens mis à part, la totalité de notre groupe ECR a voté contre la première mouture de ce pacte sur l’asile et l’immigration telle qu’elle a été votée par le Parlement européen… contrairement au PPE qui l’a soutenu dans sa quasi intégralité. Nos alliés Italiens, comme la Lega de Matteo Salvini, les alliés du RN, ont voté pour car ils espéraient que Giorgia Meloni pourrait l’améliorer au Conseil, puis lors des négociations interinstitutionnelles. Et, en effet, Meloni a réussi à atténuer certains aspects problématiques malgré l’opposition de la France et de l’Allemagne. Cependant, elle n’a pas obtenu gain de cause sur tous les points…
Les deux derniers sondages donnent votre parti entre 5 et 7 % : comment l’expliquez-vous, Nicolas Bay ?
En effet, il y a une polarisation du débat entre le Rassemblement National et la macronie, et tout cela dans la perspective de la présidentielle. Reconquête représente une nouvelle offre politique, c’est la première fois que nous sommes présents aux élections européennes. De plus, les Français ne s’intéressent à ce scrutin que quelques semaines avant celui-ci. Nous nous adressons aux électeurs de droite, qu’il s’agisse de ceux qui ont soutenu Zemmour en 2022, ceux des Républicains et du Rassemblement National qui ont abandonné une partie de leurs principes. Ils ont voté en faveur de la loi de Gérald Darmanin sur l’immigration qui régule massivement les sans-papiers. Ils ont également délaissé les combats sociétaux, que nous, nous portons. Nous nous adressons par ailleurs, au-delà de ces groupes, aux électeurs de Macron déçus.
Nous avons l’impression qu’il y a une volonté de la part de Reconquête de rallier les libéraux qui sont mécontents de l’immigration, mais n’osent pas voter pour le Rassemblement National.
Effectivement, il s’agit là d’un vrai enjeu, celui de restaurer nos libertés économiques. Il est nécessaire de réduire les dépenses publiques en France. Personne n’ose dire ouvertement, par démagogie, qu’il faut réduire les effectifs des fonctionnaires. Il y a plus d’un million de salariés dans l’Éducation nationale, le niveau n’a jamais été aussi bas. L’organisation administrative de la France est défaillante et doit être repensée, notamment en ce qui concerne l’immigration. Nous assumons une position en faveur de la réduction des dépenses publiques. Il est préférable d’avoir moins de fonctionnaires, mais mieux rémunérés et plus efficaces, car de nombreux fonctionnaires ne remplissent pas de fonctions utiles. La France est le pays le plus taxé de l’OCDE ! Pour être compétitifs, il est primordial d’abord de l’être à l’intérieur, puis de se protéger contre les menaces extérieures. Si un employeur verse 2000 euros à son employé, cela ne doit pas lui coûter 4000 euros. Nous ne sommes pas des libertariens, car l’économie doit rester au service du bien commun. Mais nous sommes attachés aux libertés, toutes les libertés, y compris économiques, et cela inclut de ne pas subir un État spoliateur qui pénalise le travail et l’entreprise.
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