Politique
Julien Odoul : « le RN n’est ni progressiste, ni conservateur »
Alors que le RN a toujours fui le positionnement sur l’échelle sociétale, il se place de plus en plus clairement contre le « wokisme » de l’extrême-gauche. Julien Odoul, député de l’Yonne, compte d’ailleurs proposer une loi à ce sujet.
Quels problèmes vise à régler votre proposition de loi sur l’interdiction des athlètes transgenres dans les compétitions officielles ?
Ce n’est pas une interdiction des athlètes transgenres, car je souhaite que les athlètes transgenres puissent toujours concourir aux différentes compétitions sportives.
En revanche, je souhaite qu’ils le fassent dans la catégorie sexuelle qui figure sur leur acte de naissance. Depuis quelques années maintenant, à la suite d’un courant né aux États-Unis, comme toujours, on constate que des athlètes féminines dans différentes compétitions, dans différents sports, se voient remplacées par des athlètes transgenres, donc des hommes biologiques qui se déterminent femmes et qui concourent dans les mêmes compétitions.
Cela a engendré de graves problèmes de rupture d’égalité des chances, de l’équité sportive et aussi le discrédit des compétitions féminines et des records féminins. L’objectif de cette proposition de loi, c’est de protéger le sport féminin : je considère cette proposition comme féministe. Le sport a été l’un des vecteurs de l’émancipation des femmes, ces cinquante dernières années, ce qui a permis en Europe et partout dans le monde à des femmes de sortir de leurs conditions, de montrer qu’elles étaient aussi, voire plus talentueuses que les hommes, qu’elles pouvaient mener de belles carrières grâce au mérite et aux valeurs du sport.
Pourtant, on constate depuis quelques années qu’il y a une régression, que le sport féminin est menacé par différents fléaux : l’intégrisme religieux, l’islamisme, le communautarisme et aussi le wokisme avec cette volonté de dopage légalisé en faisant concourir des hommes avec des femmes. Notamment dans les sports de puissance, musculaires, l’athlétisme, l’haltérophilie, le cyclisme où quand vous êtes né biologiquement homme et que vous opérez une transition, vous avez un avantage significatif sur les femmes. C’est naturel, c’est mathématiques et ça enduit une distorsion concurrentielle que je ne peux pas accepter et je pense que n’importe quel sportif ne pourrait l’accepter, des footballeurs ne joueraient pas à onze contre treize, des sprinters ne coureraient pas avec des boulets aux pieds. Il faut respecter cette égalité des chances, c’est le sens de cette proposition de loi.
Comment protéger les femmes concrètement avec cette proposition ?
C’est très clair, dans toutes les compétitions sportives, les athlètes concourront dans la catégorie du sexe qui figure sur leur acte de naissance. Effectivement un homme peut devenir une femme d’un point de vue administratif, mais il sera né homme et le sera à vie. Dans l’immense majorité des cas, ce qui pose un problème, c’est que cette transition est effectuée après la puberté, vous avez donc développé une physiologie, une biologie masculine et les attributs masculins qui s’y rattachent. Vous êtes donc avantagé par rapport aux femmes : ce n’est pas une question d’entraînement, de talent, de qualité propre, mais c’est un avantage que vous avez. C’est en fait comme si vous aviez reçu un certain nombre de produits dopants que vos adversaires féminines, elles, n’ont pas eu.
Il y a même des hormones, produits dopants, dans les traitements…
Oui, bien sûr, du fait de cette transition, vous êtes avantagé. Je souhaite donc protéger le sport féminin, car le risque, c’est que les compétitions féminines soient totalement faussées, qu’elles n’aient plus du tout la même valeur. On le voit que ce soit des cas à l’étranger ou le cas d’athlètes transgenres en France comme Halba Diouf qui était très mal classée au niveau départemental lorsqu’elle (ou lorsqu’il, je ne sais plus) concourait avec les hommes. Et lorsqu’il est passé chez les femmes, ses performances on bondit. Et il y a pleins d’autres cas.
Le principal problème, c’est la rupture de l’équité sportive, mais aussi, la cohabitation dans les vestiaires, dans les douches ou de nombreuses femmes n’ont pas envie de se retrouver avec des hommes, elles peuvent se sentir gênées, voire menacées dans cette intimité-là.
Tout ce phénomène est entrevu par un courant wokiste, c’est une minorité qui fait bloc et qui cherche à imposer ce dogme, balayant dix années de combat féministe. C’est d’ailleurs drôle de voir que celles qui se revendiquent féministes en France ou en Europe ne disent pas un mot sur cette situation où les femmes sont éjectées du podium, reléguées et remplacées par des hommes.
Votre proposition est féministe ?
Bien sûr !
Quelle est votre opinion sur ce que l’on appelle la transidentité ? Considérez-vous qu’il existe une sorte de transphobie ou au contraire qu’il y a un lobby pro trans ?
Ces considérations appartiennent à l’intime et doivent rester de l’ordre de l’intime.
On ne doit pas en faire un combat politique pour vous ?
Non, certainement pas. Il faut que toutes les personnes soient respectées dans leur intimité, dans leurs choix, qu’elles soient libres d’aimer qui elles veulent, de se sentir comme elles le souhaitent, c’est leur vie intime et il n’y a pas à décider là-dessus. Ce qui est regrettable, c’est que c’est instrumentalisé, récupéré par des lobbys, pas des groupes politiques, mais par des mouvances déconstructives qui s’en servent pour avancer un agenda et faire table rase de ce que l’on est. Il faut faire la part des choses. Une personne trans, en France, doit pouvoir se déplacer librement sans être agressée. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Principalement car il y a une immigration sauvage qui ne supporte pas culturellement ni l’homosexualité et encore moins les personnes transgenres, ce dont ne parlent pas les réseaux trans et pro-LGBT.
Dernièrement, c’est Olivia Ciappa qui a été agressée sauvagement dans le métro pour ce qu’elle était. On se souvient aussi d’une manifestation place de la république dernièrement où une certaine Julia qui, lors d’une manifestation d’Algériens, s’était faite lyncher par un groupe. Tout cela est intolérable. Il faut rappeler que toute personne en France a le droit au respect de sa privée, de son intimité, de sa condition.
Quel regard portez-vous sur ce qui se passe actuellement aux États-Unis. La société est polarisée autour de cette question : on voit d’un côté les pro-life souvent anti-avortement et trumpistes, et de l’autre, ceux que l’on appelle en France les « wokes ». Pensez-vous que ça peut arriver en France ?
C’est tout ce qui faut fuir. Tous ces phénomènes qui viennent des États-Unis, pays extrêmement heurté par ces conflits idéologiques qui font peur, avec un wokisme qui fait fi de la nature, de la biologie, de l’histoire, qui a envie de tout incendier et de créer un homme nouveau. Or, pour tous ces combats idéologiques, ce sont toujours les femmes qui en pâtissent en termes d’égalité, d’émancipation, de libertés et de droits.
En France, nous avons une culture heureusement qui est très différente. Il faut faire barrière à toutes ces importations d’idéologies qui ne devraient avoir aucune prise chez nous. Nous avons un modèle, une histoire et une culture qui nous protègent de tout ça. Contrairement à ce que certains pensent, chez nous, nous ne sommes pas un pays conservateur et j’espère que nous ne le serons jamais. Nous sommes un pays attaché à l’ordre, à l’autorité, à la liberté individuelle, au respect de l’identité individuelle, il faut éviter cette confrontation entre ces deux blocs délétère.
Quel est l’objectif de la cellule anti-woke du RN ? En quoi consiste-t-elle? Quelles actions concrètes souhaitez-vous mener ?
Le projet de l’association anti-wokiste du RN, c’est déjà être une cellule de veille sur ce phénomène qui au début faisait rigoler, que l’on prenait à la légère. Or, on constate que c’est beaucoup plus important que ça en a l’air et que ça s’étend dans tous les domaines, que ce soit le sport, l’université, la recherche, le monde de l’entreprise, l’écriture, les médias, partout.
C’est donc une cellule de veille, mais ce sont aussi des contre-propositions, pour veiller au respect de notre socle républicain, de nos valeurs, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la défense de notre histoire nationale, de notre culture, de notre langue, de défendre ce qui fait la France et ce qui fait les Français.
De mon côté, je suis sur la cellule « sport » de cette association, c’est pourquoi je me suis intéressé de près à cette concurrence des athlètes transgenres. Il est très important que l’on ait ce pôle de veille, de réflexions et de propositions
Le Rassemblement national a toujours été un parti difficile à classer sur le plan sociétal. Aujourd’hui, votre parti est un parti conservateur ou un parti progressiste ?
Je pense que l’on ne peut pas le classer avec ces références, car il n’est ni progressiste ni conservateur. Il est en même temps les deux. Le conservatisme a tellement été dévoyé, récupéré par des partis ou des groupes qui se revendiquent conservateurs…
Vous pensez à Reconquête!, une partie des Républicains ?
Oui par exemple. Et ces programmes ne correspondent pas à ce qu’est la France aujourd’hui. Je veux bien que l’on soit dans la vision de ce qu’était la France du XVIIIe ou du XIXe siècle, mais il faut penser la France de 2023 et la France de demain, sans rogner pour autant sur ce que nous sommes, les valeurs et les principes essentiels. Ceci dit, ce qui était, d’un point de vue sociétal, la norme il y a deux cents ans ne l’est plus aujourd’hui.
Je n’aime pas la récupération du terme « progressiste » par les macronistes, car c’est un abus de langage et une escroquerie intellectuelle. Ils ne sont en rien pour le progrès. Leur politique économique, sociale, c’est une régression des acquis.
Sur le plan sociétal, il y a eu la PMA, le projet de loi sur l’euthanasie qui arrive… Est-ce que tout cela rentre dans la catégorie du progrès ?
Je ne pense pas, en tout cas pas l’euthanasie. Nous sommes un mouvement qui est en phase, qui est dans la lignée de ce que veulent des millions de Français, notamment des catégories populaires qui se foutent dans leur quotidien des considérations sociétales.
Elles ne les occupent pas, ne les obsèdent pas, ils se foutent de savoir qu’un homme puisse se marier avec un homme ou qu’une femme puisse se marier avec une femme. C’est partagé par une immense majorité de nos électeurs et de nos sympathisants. En revanche, le vrai combat n’est pas sociétal, mais il est identitaire. Il est de savoir si nos Français vont pouvoir rester des Français en France, vont pouvoir continuer à vivre comme des Français. C’est là pour nous la priorité, priorité partagée par la majorité des Français
La constitutionnalisation de l’IVG a été un débat complexe au sein de votre parti. Alors que certains, comme vous, y étaient favorables, d’autres, issus de la Manif pour Tous pour une part, s’y sont opposés. À nouveau, on a l’impression que votre parti a du mal à se positionner sur ces sujets sensibles…
Nous sommes très à l’aise sur ces questions-là. Il y a eu un débat au sein du groupe, Marine Le Pen a laissé une liberté de vote. Nous avons la chance d’avoir un mouvement qui laisse de la liberté sur les questions intimes, de la même manière qu’avec la corrida ou avec d’autres questions qui concernent la liberté de chacun d’apprécier ou non.
Il ne faut pas tout confondre, il y a eu beaucoup de récupérations de la part de certains médias, ce n’était pas un débat sur l’avortement en lui-même. 99% de la classe politique est d’accord pour dire que l’IVG est un acquis qu’il faut maintenir et défendre. C’était la question de la constitutionnalisation de l’avortement. J’ai voté pour, comme un certain nombre de mes collègues, car il fallait un acte fort. Cela n’exclut pas le débat au sein du parti, et au-delà, il y a un programme présidentiel qui nous rassemble tous.
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