Politique
[Édito] Complément d’enquête n’a rien trouvé sur Bardella
Le dernier épisode de Complément d’enquête sur Jordan Bardella est assez décevant. À nouveau, le service public attaque en recyclant de vieilles affaires sans rien révéler de passionnant.
Tout le monde se souvient du formidable engouement qui avait précédé l’émission de Complément d’enquête sur Cyril Hanouna il y a quelques semaines. Alors que tous s’attendaient à visionner un reportage qui ferait tomber le « Parrain du PAF », il s’avère que les révélations avaient été rares, les plus embêtantes concernant une seule émission durant laquelle de faux membres de la BAC étaient intervenus, et le fait que le présentateur de TPMP possédait un yacht : la déception était à la hauteur de l’attente.
Cette fois, Tristan Waleckx récidive en publiant sur France 2 un reportage sur Jordan Bardella censé le faire tomber alors qu’il dépasse régulièrement la barre des 30 % dans les sondages sur les européennes. À nouveau, c’est un échec.
L’affaire du compte Twitter de Bardella
Visiblement pour le service public audiovisuel, le travail du journaliste est moins d’apporter des faits que d’instiller le doute. À commencer par l’affaire de son compte Twitter caché qui a beaucoup agité les réseaux sociaux avant la diffusion complète du reportage ce jeudi 18 janvier à 23 heures.
Pour la faire courte, l’actuel président du Rassemblement national aurait tenu durant sa jeunesse un compte Twitter secondaire, caché, lui servant à exprimer des idées qu’il ne pouvait pas tenir en public et peu acceptables politiquement. On voit par exemple sur ce compte une critique de Jean-Philippe Tanguy alors à Debout La France (actuel député du RN), des montages photo pro-Jean Marie Le Pen ou bien un montage du banlieusard Théo avec une matraque dans le derrière. Selon France 2, trois sources dont deux anonymes leur auraient indiqué ce compte.
Problème : la seule source ayant accepté de montrer son visage, un ancien militant RN désormais chez Florian Philippot nommé Éric Richermoz a démenti avoir « fait le lien entre un compte et un individu ». Il dénonce d’ailleurs un montage « trompeur » opéré par l’émission.
Petite mise au point car je lis ici et là des bêtises ⤵️ pic.twitter.com/mqF5UCmPFl
— Éric Richermoz (@Erichermoz) January 18, 2024
Étape 2 : Bardella l’ambitieux rapace
Un autre argument développé dans le documentaire touche à la sincérité de l’engagement de Jordan Bardella. À entendre les journalistes, celui-ci ne se serait lancé en politique que par ambition personnelle, dans le seul but de « grimper ». Si, dans un premier temps, on a du mal à comprendre pourquoi un jeune de 17 ans souhaitant faire de la politique irait au Front National dès 2012, il faut aussi dire que l’espèce du jeune ambitieux en politique est néanmoins répandue. Par ailleurs, l’incompatibilité entre ambition et conviction n’est pas fondamentale : sans affirmer être capable de sonder le cœur de Jordan Bardella, on se demande ici à nouveau quelle est la révélation.
L’interview de Pascal Humeau, ancien media-trainer du candidat aux européennes, prend aussi une place non-négligeable dans le documentaire. Présentant Bardella comme sa création médiatique, le coach en communication le décrit comme une coquille vide ayant une tendance très forte au contrôle de sa propre image. Alors que tout le monde parle du président du RN comme un « très gros bosseur », ce que le personnage manquera bien de mentionner, on se demande à nouveau quelle est la révélation dans le fait qu’un jeune de moins de vingt ans ait besoin de travailler sa stature médiatique. De même, on se demande si Tristan Waleckx a une quelconque connaissance du milieu politique car il oublie visiblement une chose : l’intégralité des politiciens médiatiques font aujourd’hui du media training. Pour les révélations, on repassera.
Une autre ombre vient d’ailleurs noircir le tableau déjà obscur de ce reportage : l’intervention du cadre de Reconquête! Philippe Vardon. Présenté comme un ex-néonazi proche de Jordan Bardella, le lieutenant de la candidate d’Eric Zemmour aux européennes aurait, à ses dires, « fait part de son refus catégorique de participer – de quelque manière que ce soit ! – à ce reportage contre Jordan Bardella ». Les « journalistes » du service public auraient même « fait pression » sur Philippe Vardon pour obtenir sa participation. Le politicien a d’ailleurs affirmé sur X (ex-Twitter) qu’il allait « étudier » l’idée de poursuivre l’émission en justice.
À propos des méthodes de l’émission #ComplementDenquete. pic.twitter.com/vlI9DO2a1A
— Philippe Vardon (@P_Vardon) January 18, 2024
Chatillon, Russie : quand le service public recycle à la pelle
Au bout d’un certain temps, le reportage bascule du sujet « Jordan Bardella » au sujet « Frédéric Chatillon ». Un classique qu’on finit par se lasser d’entendre tant il a été répété. Pour faire simple, le Rassemblement National fait appel depuis plusieurs années à trois sociétés détenues par Frédéric Chatillon et Axel Lousteau, deux anciens chefs du GUD aux convictions flirtant avec le néo-nazisme. La réponse apportée jusque récemment était qu’aucune société ne voulait traiter avec le parti à la flamme, ce qui contraignait celui-ci à faire appel à ces deux peu-recommandables loustics.
Or, sur les deux principales sociétés concernées, on obtient (enfin) une révélation fiable : Frédéric Chatillon et Axel Lousteau s’en sont retirés. Pour ce qui est de la troisième, « Unanime », le Rassemblement national ne prévoit apparemment pas de mettre fin à la collaboration, mais l’eurodéputé Thierry Mariani a annoncé le prochain départ du problématique « gudard ». Concrètement, il n’y aura bientôt plus aucun lien financier entre Chatillon et le RN.
Le reportage se termine ainsi en compagnie de Thierry Mariani, connu pour ses positions pro-russes, et un procès de plusieurs longues minutes contre la possible ambigüité du Rassemblement national vis-à-vis de Vladimir Poutine. Ici aussi, le reportage blanchit Jordan Bardella, montrant bien sa divergence géopolitique pro-ukrainienne avec Mariani.
Une réelle ombre au tableau marque toutefois le portrait de Bardella : son absentéisme remarqué à Bruxelles. Faisant partie des eurodéputés français les moins actifs, très peu présent en commission, l’affaire pourrait bien nuire à son score en comparaison d’un François-Xavier Bellamy particulièrement engagé dans sa fonction. Pourtant, il est parmi tous ses adversaires le seul à être également président de parti politique : si on lui cherchait des excuses comme Complément d’enquête lui cherche des poux, voilà ce que l’on pourrait écrire.
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