Politique
Budget 2025 : faut-il baisser le montant des retraites ?
Alors que les retraités ont toujours, particulièrement sous Emmanuel Macron, été épargnés des coupes budgétaires, la tenue catastrophiques des finances publiques relance le débat sur le montant des retraites.
« Ce que je trouve est extrêmement grave, et je pèse mes mots », a balancé le nouveau Premier ministre Michel Barnier au sujet de la situation économique du pays. Alors que le déficit du budget pourrait dépasser les 6 % – soit une surévaluation d’un point par rapport à l’annonce de Bruno le Maire – l’état actuel des finances publiques devient particulièrement préoccupant, notamment pour un gouvernement à dominante LR d’habitude assez porté sur l’austérité. Pour rappel, la dernière fois que la France a connu pareil déficit, c’était au cœur de la crise de 2008.
Des pistes pour rééquilibrer le budget
La dette, elle, ne fait qu’augmenter, s’installant à environ 112 % du PIB, soit 3 228 milliards d’euros. Evidemment, le poids économique de son remboursement croît avec elle, et les comptes empirent d’année en année.
Jusqu’ici, le « Mozart de la finance » a plus l’air d’un enfant de cinq ans jouant des airs stridents au violon au milieu du salon. Dans un élan désespéré, Bruno Le Maire avait donc annoncé entre février et juillet pas moins de 25 milliards de coupes budgétaires, dont 2 milliards dans l’écologie, des centaines de millions dans les secteurs du travail, de la police, des aides publiques au développement et d’autres.
De son côté, Michel Barnier, au courant depuis peu de l’état des comptes, n’a pas tardé à suggérer comme pistes une hausse des impôts et une contribution exceptionnelle des plus riches – sans toutefois rentrer dans le détail. Selon les informations de nos confrères d’Europe 1, une « contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises » pourrait également être proposée pour le prochain Projet de Loi de Finances (PLF). Un budget tout de même, demeure en constante augmentation : celui des retraites.
Couper dans les retraites
La réforme des retraites, votée en 2023 dans un contexte de très fortes tensions sociales et réunissant une immense majorité de Français dans l’opposition, avait finalement été approuvée avec pour objectif d’économiser 17 milliards d’euros par an. Dans les derniers sondages, seul 11 % des Français souhaitaient conserver la réforme telle quelle, 49 % préférant la réformer et 39 % l’abroger tout à fait.
Or, il existe une mesure hautement impopulaire chez les retraités et rarement appliquée qui permettrait pourtant d’économiser 18 milliards d’euros par an : la non-indexation des retraites sur l’inflation.
Chaque année, le montant des retraites suit en effet le niveau de l’inflation afin que ceux-ci ne perdent pas de pouvoir d’achat. La mesure demeure cependant financée par les actifs qui ne bénéficient pas de telles largesses. En 2024, cette indexation a ainsi élevé le budget des retraites de 5,3 %. Le régime des retraites, lui, serait en déficit de 0,2 %, soit 5,8 milliards d’euros. Au total, le coût des retraites en 2024 s’élevait à 13,4 % du PIB. Autre argument à ne pas négliger : sur 1 000 euros de dépenses publiques, 262 sont alloués aux retraites.
Un niveau de vie supérieur aux actifs
Mais pourquoi faudrait-il alors chercher à « taper » sur les retraités ? Ne serait-ce pas injuste ? En fait, au contraire, alors que Michel Barnier – comme l’intégralité de ses prédécesseurs – évoque la « justice fiscale » dans ses discours, désindexer un certain nombre de retraites de l’inflation ne serait qu’un juste rétablissement de la situation. Pourquoi ? Plusieurs raisons poussent à penser que les boomers aujourd’hui à la retraite touchent pour la plupart trop d’argent.
D’abord, il y a le montant des cotisations versées. « Cette génération, une fois arrivée à la retraite, a bénéficié de l’arrivée à pleine puissance du système », expliquait ainsi l’économiste Maxime Sbaihi à nos confrères de France Info. Plus concrètement, un boomer touchera durant toute sa retraite deux fois la somme de ses cotisations.
Second argument : selon l’INSEE, le niveau de pauvreté des retraités est inférieur de près de quatre points à celui des actifs, avec 10,9 % en 2021 contre 14,6 %. Dans le cas de coupures budgétaires sur ce sujet, il s’agirait bien entendu de ne pas toucher aux retraites les plus faibles.
Enfin, un autre tabou dans les solutions politiques proposées demeure le fait que les retraités, avec un revenu moyen de 2132 euros mensuels, ont un revenu légèrement supérieur à celui des actifs (2099 euros, chiffres de 2023), soit 1,5 %. Or, les retraités n’ont pour la grande majorité aucun enfant à charge, pas forcément de prêt immobilier ou automobile à rembourser et moins de dépenses au quotidien.
La conséquence, pourtant contre-intuitive au regard de l’image d’Epinal de la retraite, c’est que les retraités épargnent plus que les actifs : 25 % contre 17,5 % chez les ménages.
Macron, président des retraités
Si le gouvernement avait brièvement été envisagé de désindexer les retraites de l’inflation au début de l’année 2023, le plan avait bien vite été abandonné. Il ne faut effectivement pas s’y tromper : en 2022, Emmanuel Macron avait rassemblé 37,5 % du vote des 65 ans et plus contre seulement 18 % pour le Rassemblement national et 11 % pour LFI. De là à dire que Macron est le président des boomers, il n’y a qu’un pas.
Comme la plupart des analystes ne manquent pas de le rappeler, « les retraités sont les électeurs les plus fidèles ». Leur taux de participation électorale est en effet largement supérieur à celui du reste de la population et, bien qu’ils se tournent de plus en plus vers le Rassemblement national, ils demeurent le principal socle électoral d’Emmanuel Macron avec les CSP+.
Récemment, notre confrère de Marianne, le journaliste Hadrien Mathoux, était venu défendre dans C dans l’air l’idée de cesser de favoriser les retraités dans le budget ainsi que le prévoit Michel Barnier qui s’apprête à proposer une hausse d’1,9 milliard du budget des retraites. Tollé sur le plateau, mais l’idée a été suggérée, fait suffisamment rare pour être souligné.
Ainsi, le gouvernement Barnier n’envisage pas pour le moment de toucher aux retraites, si ce n’est pour les augmenter : pour l’heure, une seconde « journée de solidarité », jour travaillé mais non payé afin de soutenir les retraités et les handicapés, est envisagée.
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