Immigration
Macron promet un geste à la presse marocaine : il faut « plus de souplesse dans les visas »
Lors de sa visite au Maroc, Emmanuel Macron a proposé de faciliter l’accès aux visas pour renforcer les liens entre les deux pays, une décision qui interroge sur la gestion des OQTF et des laissez-passer consulaires.
Lors de sa visite officielle au Maroc, Emmanuel Macron a tenu des propos qui mettent en lumière une stratégie d’ouverture en matière de visas, tout en restant floue sur la question des retours des migrants en situation irrégulière. Dans un entretien accordé à la chaîne Medi1 TV le 31 octobre, le président français a évoqué sa volonté de « fluidifier » les déplacements entre les deux rives de la Méditerranée et de mettre en place « plus de souplesse dans les visas pour les femmes et les hommes qui font la richesse des deux rives ». Une déclaration qui soulève des inquiétudes, car elle semble laisser entendre que l’ouverture des frontières aux migrants légaux pourrait se faire au détriment de la gestion stricte des expulsions.
Une ouverture migratoire potentiellement massive
Macron insiste sur la facilitation des visas pour encourager une immigration « productive », en misant sur des déplacements pour des projets économiques, éducatifs ou familiaux. Cependant, cette orientation suscite des interrogations, d’autant plus que, même en période de relations tendues entre Paris et Rabat, la France délivrait déjà environ 240 000 visas chaque année aux ressortissants marocains. Aujourd’hui, avec un climat diplomatique apaisé et une série de contrats économiques majeurs signés entre les deux pays, il est légitime de se demander si ce nombre ne va pas exploser.
L’accord trouvé entre Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, et les autorités marocaines pour améliorer les procédures de retour des individus sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) est présenté comme une avancée. Mais il est important de noter que cet engagement reste largement théorique. Dans le passé, les promesses du Maroc concernant les laissez-passer consulaires, nécessaires pour valider les expulsions, ont souvent été difficiles à concrétiser. En 2023, seuls 725 laissez-passer consulaires ont été délivrés par le Maroc, alors même que près de 30 000 ressortissants marocains faisaient l’objet d’une OQTF. Alors que l’on espère une augmentation du nombre de retours, la réalité pourrait bien être une multiplication des entrées légales sans amélioration significative du taux d’exécution des OQTF.
Le risque d’un « deux poids deux mesures »
Dans son entretien avec Medi1 TV, Macron a souligné l’importance de renforcer les liens humains et économiques entre les deux nations, en insistant sur une « immigration positive ». « Nous devons aussi permettre une fluidité plus grande entre les deux rives de la Méditerranée », a-t-il déclaré.
👉 Dans une interview à la télévision marocaine, Emmanuel Macron a indiqué vouloir « plus de souplesse dans les visas pour les femmes et les hommes qui font la richesse des deux rives »
— Frontières (@Frontieresmedia) November 1, 2024
Pourtant, cette ouverture semble aller de pair avec une absence de fermeté dans la gestion de l’immigration irrégulière. Exactement comme le craignent certains observateurs : pour chaque accord sur des retours, il semble que des dizaines de milliers de visas supplémentaires seront délivrés.
En 2021, lorsque les relations entre Paris et Rabat étaient particulièrement tendues, Gérald Darmanin avait réduit de 50 % l’octroi de visas en représailles contre le faible nombre de laissez-passer consulaires délivrés par le Maroc. Cette mesure avait été annulée un an plus tard, ouvrant à nouveau la voie à une délivrance massive de visas, sans que les retours n’aient véritablement suivi. Maintenant que la France et le Maroc affichent des relations renforcées, l’octroi de visas pourrait atteindre des sommets sans précédent.
Une coopération qui profite surtout au Maroc ?
Outre la question migratoire, le président français a profité de sa visite pour conclure des accords économiques de grande envergure, estimés à plus de 10 milliards d’euros, incluant des investissements dans les infrastructures et les énergies renouvelables. Ces contrats, qui impliquent des entreprises françaises comme EDF, Engie et Alstom, sont censés consolider la coopération bilatérale. Mais à quel prix pour la France ?
Dans ce contexte, la question de l’équilibre entre les droits et les devoirs se pose. Tandis que le Maroc bénéficie d’importants investissements et d’un flux de visas en croissance, les réadmissions de ses ressortissants en situation irrégulière restent hypothétiques. Un ancien ambassadeur de France en Algérie soulignait récemment un problème structurel : « Il y a un facteur bloquant au bout de la chaîne [des OQTF], c’est le fait que pour reconduire un étranger dans son pays, il faut l’accord du pays en question ». Cette situation de « deux poids deux mesures » laisse craindre que le Maroc, encore une fois, n’honore que partiellement ses engagements en matière de réadmission.
En somme, Emmanuel Macron, en annonçant une souplesse accrue pour les visas tout en espérant davantage de coopération sur les retours, prend un risque. Le Maroc a montré par le passé une réticence à appliquer les OQTF et à délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires. Dans ce contexte, l’ouverture des visas pourrait encourager davantage d’immigration légale sans pour autant garantir un retour efficace des personnes en situation irrégulière. Une situation qui, pour beaucoup, ressemble à un compromis déséquilibré au bénéfice du Maroc, sans réelles garanties pour la France.
À lire aussi : Visite d’Emmanuel Macron au Maroc : la presse algérienne dénonce « un soutien français au colonialisme »
2 commentaires
vert10
Seul le chantage aux visas de travail est une arme efficace.
Comment font a votre avis les pays du golfe
joseph@974
Nous avons bien compris que Macron était immigrationniste…
Nous n’avons absolument rien de bon à espérer de lui malheureusement
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