Politique
La victoire de Trump et les réflexions de Mathieu Bock-Côté : un miroir pour la France
ENTRETIEN – Dimanche, Mathieu Bock-Côté, essayiste québécois de renom, s’est exprimé sur Frontières pour analyser la victoire de Donald Trump et tirer des leçons cruciales pour la France. Voici ce qu’il faut retenir de cette conversation essentielle.
Ce dimanche, l’essayiste Mathieu Bock-Côté, invité sur le fauteuil rouge de Frontières, a livré une analyse de la récente victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine de 2024, tout en établissant des parallèles saisissants avec la politique française et les dynamiques qui pourraient se dessiner d’ici 2027.
Le retour triomphal de Trump : une leçon pour la France
Donald Trump a déjoué les pronostics et reconquis la Maison-Blanche avec éclat, emportant plus de 300 grands électeurs. Pour Bock-Côté, cette victoire incarne bien plus qu’un simple succès électoral : « Le Trumpisme est passé d’une insurrection populiste à un moment où il s’est doté d’une doctrine intellectuelle. » Aux États-Unis, le populisme s’est transformé en force structurée, armée d’une vision et d’une stratégie.
En France, la droite peine à atteindre cette même cohésion. Selon Bock-Côté, Trump a réussi parce qu’il a su s’entourer d’une contre-élite audacieuse, composée de figures comme Elon Musk et Robert F. Kennedy Jr., créant un bloc capable de gouverner. « C’est Elon Musk, c’est Kennedy fils, donc là en plus qui marque une forme de rupture dans la légitimité dynastique Kennedy. C’est plusieurs autres figures qui se rallient à Trump pour former une forme de contre-élite, capable de gouverner. Il a préparé aussi des élites, des cadres, qui sont capables de gouverner avec lui. On est dans une forme d’insurrection qui, cette fois, s’est donné les moyens de son programme », allègue-t-il.
« Le système l’a identifié comme un élément fondamentalement dangereux, toxique, irrecevable, inquiétant, effrayant », précise Bock-Côté, soulignant ainsi l’opposition féroce que Trump a su surmonter.
« Ensuite, il doit y avoir une conception, je pense, de leur action qui ne consiste pas seulement à gagner l’élection, mais une fois qu’ils ont gagné l’élection, être capable de conquérir le pouvoir, être capable de l’exercer véritablement. Mais ça implique assurément de se vacciner contre le politiquement correct et ne pas se laisser intimider et dominer dès lors que la machine à hurler des insultes se met en place », ajoute-t-il. Cette force de caractère est précisément ce qui manque à la France, où les forces nationalistes peinent à fédérer autour d’un projet commun.
La question du régime : état administratif et souveraineté populaire
Au cœur de l’analyse de Bock-Côté réside la réflexion sur la nature du « régime ». Aux États-Unis, la question se pose autour de l’État administratif, concept popularisé notamment par James Burnham et aujourd’hui perçu comme un quatrième pouvoir, incontrôlable et tentaculaire. « Une bureaucratie qui a un pouvoir exceptionnel et qui n’est redevable envers personne, sinon ses propres bureaucrates », explique-t-il. Ce constat, loin d’être exclusif à l’Amérique, résonne profondément en France, où les institutions semblent capturées par des élites déconnectées.
Cette critique rejoint la perception croissante en France, d’un État qui ne défend plus la souveraineté populaire. Bock-Côté rappelle que la mobilisation de l’appareil judiciaire et des élites contre toute forme d’opposition significative, qu’elle soit incarnée par le RN ou d’autres mouvements patriotes, est systématique et redoutablement efficace.
Liberté d’expression : un enjeu crucial pour la droite française
L’essayiste souligne une différence majeure entre la France et les États-Unis : le cadre de la liberté d’expression. « J’ajouterais, et ça c’est une leçon américaine pour la France, une raison pour laquelle le mouvement conservateur ou national-conservateur ou populiste a pu se développer aux États-Unis, c’est qu’il le fait dans un contexte où la liberté d’expression est complète. C’est important ça, parce que vous pouvez développer votre discours sans être toujours traîné devant la 17e chambre avec une pénalisation, une criminalisation du discours contestataire. »
Ce point trouve une résonance particulière avec la convocation d’Erik Tegnér, directeur de la publication de Frontières Média, le 14 décembre à la 17e Chambre correctionnelle de Paris, suite à une plainte de SOS Racisme. Cette convocation, qui fait suite à de nombreuses autres plaintes, dont celle du CCIF, souligne la réalité évoquée par Bock-Côté. La droite française est confrontée à une répression judiciaire et médiatique qui freine sa capacité à développer un discours robuste et contestataire. Si vous souhaitez soutenir cette lutte pour la liberté d’expression, nous vous invitons à participer à notre campagne de dons défiscalisée, qui nous permet de continuer notre combat.
L’idéologie woke : de l’université aux institutions
L’un des points centraux de l’entretien réside dans l’analyse du phénomène woke aux États-Unis, que Bock-Côté décrit comme bien plus qu’un simple mouvement culturel. « Le discours woke aux États-Unis s’est institutionnalisé dans les paramètres de la pensée managériale. C’est l’approche EDI, équité, diversité, inclusion », souligne-t-il. Ce discours a été radicalisé et porté par l’État fédéral durant les années Biden, et Trump, dans sa campagne victorieuse, s’est positionné en opposition frontale à cette idéologie.
Bock-Côté met également en lumière une fracture sociologique évidente, rappelant que : « de la même manière, dans les élections américaines, on le voit aujourd’hui quand une partie de l’intelligentsia progressiste se rassure en disant “ce sont les gens diplômés qui votent Harris et les pas diplômés qui votent Trump”, sans se demander ce qu’on apprend exactement dans l’université qui peut conduire à voter Harris avec autant d’enthousiasme. » Cette citation met en exergue la déconnexion entre une élite universitaire et la population qui voit ses préoccupations ignorées.
En France, si le discours contre le wokisme existe, il reste souvent limité à des critiques superficielles : « il faut comprendre que la question woke aux États-Unis, ce n’est pas simplement s’exaspérer d’une meute d’étudiants aux cheveux roses, eco-anxieux » ou de leurs manifestations. L’essayiste insiste sur l’urgence pour la droite de s’attaquer aux infrastructures institutionnelles qui alimentent ce discours et qui entravent la liberté d’expression et la pensée critique.
La stratégie de dédiabolisation : une illusion dangereuse ?
Bock-Côté revient sur la stratégie de Marine Le Pen, fréquemment qualifiée de dédiabolisation, qui vise à rendre le RN fréquentable aux yeux des institutions et de l’électorat plus modéré. Pourtant, l’essayiste est catégorique : « La dédiabolisation ne dépend pas du diabolisé, mais du diabolisateur. » Malgré tous les efforts pour normaliser son discours et s’éloigner des outrances de l’époque de son père, le RN reste l’objet d’attaques et de stigmatisation orchestrée par les médias et les élites.
Bock-Côté poursuit : « Marine Le Pen a rompu avec les déclarations historiques outrancières qui étaient celles de son père… Elle a donné tous les gages nécessaires, et ce n’est pas encore assez. » Cette stratégie, croit Bock-Côté, affaiblit la droite plus qu’elle ne la renforce. Il est temps, selon lui, de cesser de chercher l’acceptation d’un système qui la rejette par principe. Pour réussir, la droite doit affirmer ses valeurs sans compromis et s’immuniser contre la culpabilisation.
Bock-Côté et l’avenir : vers une union de la droite ?
Bock-Côté est formel : pour que la droite française espère un jour réitérer l’exploit de Trump, une union des forces s’impose. « Le RN ne peut pas gagner seul, mais ses alliés doivent accepter que c’est le RN qui porte l’alliance » note-t-il.
Cette coopération doit être plus qu’un arrangement temporaire, elle doit incarner une vision commune. Les divergences idéologiques ne doivent plus servir d’excuses à la division, surtout face à une gauche qui, malgré ses différences, parvient à s’unir.
L’entretien de Mathieu Bock-Côté avec Frontières est un appel vibrant à l’action. La victoire de Trump montre que le changement est possible, même contre un système qui se croit invincible. Mais il ne suffit pas de dénoncer, il faut proposer, structurer et s’unir. « Quand une force patriote réussit à gagner les élections, le régime va chercher à la bloquer », avertit Bock-Côté. Pour la droite française, l’heure n’est plus aux demi-mesures ni aux calculs timorés.
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