Politique
Mercosur : la France continue de dire non, mais l’accord pourrait être signé au G20
La France bloque l’accord commercial du Mercosur depuis 5 ans, mais il pourrait bientôt s’imposer. Les négociations entre la Commission européenne et les pays du Mercosur ont repris de plus belle ces dernières semaines, et certaines rumeurs évoquent une possible conclusion lors du sommet du G20 les 18 et 19 novembre.
Ce mercredi 23 octobre au Sénat, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a fait part de son inquiétude : « Je suis très préoccupée par le fait que cet accord pourrait être signé au G20 au Brésil (…) au mépris du recueil de l’opinion du Parlement ».
Concernant le Mercosur, je l’ai affirmé à plusieurs reprises : ce projet d’accord est inacceptable.
Il mettrait en péril la compétitivité de nos entreprises agricoles et ne respecte pas les engagements de l’Europe en matière de protection de l’environnement. pic.twitter.com/jXqGzfXegs
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) October 23, 2024
Le traité commercial en suspens
L’accord Mercosur, en négociation depuis 25 ans, a été signé en 2019 entre l’Union européenne et ce bloc de pays latino-américains : Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay. Rien de moins que le plus grand accord de libre-échange au monde, il cible un marché de 780 millions de consommateurs, avec entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations en jeu. Son objectif ? Faciliter les échanges commerciaux en supprimant progressivement 90 % des droits de douane sur 10 ans.
Cependant, le traité de 2019 n’est toujours pas appliqué. Pour devenir effectif, il doit être ratifié par les 27 États membres de l’Union européenne. Et vingt-cinq ans après le début des négociations, ça coince encore, notamment parce que la France continue de s’y opposer.
Pourquoi la France dit non au Mercosur
Pour les détracteurs, cet accord ne vaut pas le coup : les gains économiques ne compensent pas les coûts sociaux et environnementaux. Ce traité ouvrirait la porte à 99 000 tonnes de viande bovine, 180 000 tonnes de volaille, 3,4 millions de tonnes de maïs et 180 000 tonnes de sucre chaque année. Aucune exigence n’est prévue en termes de normes de production, que ce soit pour l’alimentation des animaux ou l’usage de pesticides. Les agriculteurs européens y voient une concurrence déloyale et redoutent l’arrivée sur le sol européen de produits agricoles traités avec des pesticides interdits ici. Sans surprise, les exploitations d’Amérique latine sont bien plus grandes, les salaires des travailleurs bien plus bas – de quoi rendre la mise en concurrence très compliquée.
Face à cela, les agriculteurs réclament des « clauses miroir » pour garantir la réciprocité des normes sanitaires et environnementales. Autrement dit, ils veulent que les mêmes normes s’appliquent au Brésil et en France. L’Élysée, de son côté, exige l’intégration effective de l’accord de Paris sur le climat dans les conditions d’accord. Mais pour l’instant, le Mercosur refuse, laissant ce traité signé mais toujours en suspens.
Le traité Mercosur, « viande contre voiture »
Surnommé l’accord « viande contre voiture », ce projet présente cependant certains avantages pour l’Union européenne. Aujourd’hui, pour exporter leurs produits, les entreprises européennes déboursent 4 milliards d’euros par an en droits de douane, une somme qui pourrait être économisée. Plusieurs secteurs européens y trouveraient leur compte : l’automobile (taxée à 35 % au Mercosur), la chimie, la pharmacie, ainsi que des produits comme l’alcool, l’huile d’olive et l’épicerie fine. La France pourrait même en tirer profit pour sa filière laitière, et surtout ses vins et ses spiritueux. En outre, cet accord non ratifié offrirait un autre avantage : l’ouverture des marchés publics des pays du Mercosur aux entreprises européennes.
Mais moins d’un an après la grande colère agricole qui a secoué le pays, et face à une profession qui se meurt, l’heure n’est plus aux arguments économiques. Le dossier devient politiquement indéfendable. La période des semis est terminée, et les tracteurs sont prêts à reprendre la route vers Paris.
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