L’activiste britannique, connu pour ses positions anti-immigration et sa couverture du scandale des grooming gangs, a été condamné en octobre dernier à 18 mois de prison ferme. Cette fois, la justice lui reproche d’avoir enfreint une décision de 2021 qui lui interdisait de répéter des propos jugés diffamatoires à l’encontre d’un réfugié syrien. Des accusations qu’il a réitérées dans son documentaire Silenced, publié en juillet dernier.
Le harcèlement d’un réfugié syrien déclenche une tempête médiatique
Tout a commencé en novembre 2018 avec une vidéo devenue virale. On y voit un réfugié syrien, Jamal Hijazi, le bras plâtré, agressé par un élève britannique, Bailey McLaren, sur le terrain de sport d’une école à Huddersfield, dans le nord de l’Angleterre. La scène est choquante : l’adolescent syrien est plaqué au sol avant d’être aspergé d’eau.
L’indignation publique ne tarde pas et provoque une réaction politique à l’échelle nationale. Barry Sheerman, député travailliste de la circonscription, qualifie la vidéo de « profondément choquante », tandis que Tobias Ellwood, ministre de la Défense, déclare sur Twitter : « Cet harceleur, ses parents et les témoins qui n’ont rien fait doivent rendre des comptes. »
En moins de 12 heures, la vidéo est visionnée plus d’un million de fois, et une campagne de financement participatif permet déjà de récolter près de 30 000 livres sterling pour soutenir la victime. Des personnalités publiques, comme le célèbre journaliste Piers Morgan, demandent des sanctions sévères contre l’adolescent anglais, allant jusqu’à le condamner avant que les faits ne soient totalement établis. Mais la situation prend un tournant dramatique pour Bailey. Très vite, il devient la cible de menaces de mort, et sa famille est contrainte de fuir leur domicile.
Silenced, la version alternative de Tommy Robinson
C’est à ce moment-là que Tommy Robinson décide d’intervenir. Alarmé par la tournure des événements, qu’il perçoit comme une chasse à l’homme contre Bailey, il choisit de mener sa propre enquête. Cependant, il se heurte rapidement à des obstacles. Des nombreux membres du personnel scolaire d’Almondbury Community School préfèrent ne pas répondre à ses questions, et les élèves, craignant des représailles, refusent de témoigner à visage découvert. Certains affirment même que l’école aurait cherché à « acheter le silence des témoins » en leur faisant signer des accords de confidentialité.
D’après les propos que Robinson parvient tout de même à recueillir, il semblerait que le jeune Jamal ne soit pas aussi innocent qu’il le prétend. Au contraire, il aurait commis des violences envers d’autres élèves, en particulier des filles. L’activiste multiplie les entretiens dans la région de Huddersfield et compile les récits dans un documentaire intitulé Silenced. Parmi les accusations, par exemple, une élève rapporte que le jeune Syrien l’aurait frappé avec une crosse de hockey. Pire encore, juste avant l’agression par Bailey, il aurait menacé de violer la sœur de ce dernier.
Toutefois, à la suite d’une plainte pour diffamation déposée par la famille du jeune réfugié, toutes les allégations avancées par les différents témoins sont entièrement réfutées par la justice. Par ailleurs, le tribunal condamne le militant à de lourdes amendes et, surtout, il est sommé de ne plus répéter les propos considérés comme diffamatoires. Trois ans plus tard, se disant rongé par les remords, Tommy Robinson décide de défier l’interdiction judiciaire et publie malgré tout son enquête.
Robinson placé à l’isolement pour avoir diffusé Silenced
En introduction, il reconnaît ses hésitations passées et explique : « J’aurais dû sortir ce film publiquement dès le début. Mais je ne l’ai pas fait. J’ai laissé la peur m’envahir : peur de deux ans de prison, peur des effets de l’isolement prolongé, peur des gangs jihadistes en détention, et peur des conséquences pour ma famille. »
Tout à fait conscient des risques qu’il prend, il enfreint la loi et présente son travail : « Le documentaire que vous allez regarder est le plus important que j’aie jamais réalisé. » Il en profite pour dénoncer ce qu’il perçoit comme une injustice institutionnelle : « Les Royal Courts of Justice sont devenues des armes utilisées contre les citoyens, pour les réduire au silence lorsqu’ils osent s’exprimer. » Mais cette décision de publier le documentaire lui coûte cher. Quelques semaines après sa diffusion, Robinson est condamné à 18 mois de prison pour outrage au tribunal.
Alors, Tommy Robinson est-il placé en isolement dans une prison de haute sécurité pour avoir dit « la vérité », comme le soutient Elon Musk ? Pour ses partisans, l’activiste anglais est présenté comme la victime d’une justice partiale, visant à étouffer la liberté d’expression et à faire taire ceux qui osent défier le système. À l’inverse, ses détracteurs y voient une application juste et nécessaire de la loi, rappelant que nul ne peut se placer au-dessus des décisions judiciaires.
En tout état de cause, la question de la proportionnalité de sa sanction ne peut qu’interpeller. Pour avoir diffusé Silenced, Robinson se retrouve d’abord incarcéré à Belmarsh, une prison de haute sécurité connue pour abriter certains des détenus les plus dangereux du Royaume-Uni. En novembre, il est transféré à la prison de Woodhill, où il est soumis à un isolement draconien. Seul dans une cellule pendant 23 heures et demie par jour, il purge cette peine des plus sévères, pour un outrage.
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