Société
Crèche de Noël : la laïcité à l’assaut de l’Enfant Jésus
La tradition millénaire de la crèche de Noël est confrontée chaque année aux assauts d’une laïcité dévoyée par ceux qui refusent de la voir apparaitre dans l’espace public, relançant les débats sur l’identité nationale.
Les effluves du chocolat chaud hivernal et le souffle de l’écorce des cheminées annoncent le retour des festivités de Noël, où la crèche de l’enfant Jésus chatoie. Toutefois, cette tradition millénaire se trouve confrontée aux assauts d’une laïcité dévoyée. Les querelles qui s’élèvent contre les municipalités sur l’installation des crèches dans leur espace public donnent lieu chaque année à des débats tumultueux sur l’identité nationale.
Les suaves odeurs des biscuits de Noël se diffusent déjà dans l’air. À nouveau, les décorations des sapins se mettent à brasiller. C’est là que la traditionnelle crèche de Noël refait son apparition, ultime pièce du tableau. Elle apporte la bonne nouvelle : celle de la naissance de l’enfant Jésus dans une modeste étable de Bethléem en Judée.
En cette sainte période, la crèche s’installe dans les foyers, les écoles, et les villages de France et de Navarre. Cet héritage millénaire se heurte cependant à des écueils. La Vᵉ République, amarrée dans sa laïcité historiquement hostile au christianisme, invoque une neutralité obstinée à l’égard des croyances et des cultes. Le premier, et même unique, martyr de cette entreprise : les communautés chrétiennes.
Les piliers du contentieux
La loi du 9 décembre 1905 affirme que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Ce fondement a été renforcé par la loi Séparatisme de 2021, qui arrime la laïcité dans la Constitution et garantit l’égalité de tous les citoyens. Les cultes sont organisés en associations exclues des financements publics, à l’exception de la restauration des lieux de culte.
Cette laïcité rigoureuse resurgit au gré des tumultes juridiques, notamment en 2014, lorsque Robert Ménard, maire de Béziers, installe une crèche dans le hall de sa mairie. Saisi par un Biterrois et la Ligue des droits de l’homme, le Conseil d’état réclame finalement en 2017 le retrait de la crèche. Le maire de Béziers demeure toutefois inflexible. La préfecture de l’Hérault dénonce alors « la volonté délibérée du maire de Béziers de ne pas respecter les principes de la laïcité ». En 2015 également, l’Association des maires de France, sous la présidence de François Baroin, exhorte les édiles à renoncer à l’installation de crèches dans les mairies. Cette directive provoque des réactions enflammées, jusqu’à entraîner la démission de certains maires de l’association.
Crèche de Beaucaire : même modus opérandi
À Beaucaire, terre où les traditions camarguaises et provençales s’enlacent, Noël se célèbre avec ferveur. Les santons et les crèches de la Nativité, loin d’être de triviaux atours, dressent leur silhouettes de bois, gardiennes de l’identité gardoise. Julien Sanchez, maire de la ville, défendait la crèche de Noël depuis sa première installation en 2014, malgré de multiples pressions. Pour l’actuel eurodéputé Rassemblement national, il s’agit d’une question de patrimoine : « Mon souhait, c’était justement de pouvoir faire cette référence à nos traditions. Cette crèche de Noël est une exposition culturelle, artistique et festive. La culture locale, c’est la crèche provençale avec ses santons. » Julien Sanchez se souvient des années de controverses judiciaires. À Beaucaire, il a dû comparaître pour « trouble à l’ordre public » après l’installation de l’Enfant Jésus et de la Sainte famille dans l’enceinte de la mairie. Une démarche pourtant accueillie avec bienveillance par la communauté locale. « Cette crèche est devenue une référence dans la région. Il y a des milliers et des milliers de personnes qui viennent chaque année, quelle que soit leur origine, explique-t-il. Je me souviens avoir vu des personnes qui n’étaient manifestement pas de la religion catholique, parce qu’elles portaient le voile, venir voir cette crèche. Je leur ai demandé si la crèche les intéressait, et elles m’ont répondu que oui, car cela fait partie de Noël. Elles étaient avec leurs enfants qui regardaient la crèche, parce que ça fait partie de la tradition française. Donc, où est le problème ? »
Pour Sanchez, l’opposition réside dans une politisation extrême de certains groupes qui « saisissent la justice comme une arme politique, anticulturelle ou woke pour barrer l’histoire de notre pays ». Il évoque une opinion pleine de conciliation parmi les habitants de Beaucaire à l’égard de cette initiative : « Les Beaucairois trouvent cela aberrant. Je subissais quatre procès par an. »
En janvier 2021, l’affaire est portée devant le tribunal de Marseille, à la cour administrative d’appel. Là, un magistrat impose une astreinte de 5 000 euros par jour pour le maintien de la crèche, une déclaration qui, aux yeux de l’eurodéputé, frôle les abîmes du surréalisme : « Sur le territoire national, on peut frapper les gens, les violer, leur donner des coups de couteau, on ne s’en sort pas trop mal. En revanche, on met une crèche dans une mairie, c’est 5 000 euros par jour d’astreinte. On est chez les dingues, au bout d’un moment. »
L’appel d’un édile en faveur de la préservation de la crèche
Dans le petit bourg de Neuhaeusel, à proximité de Strasbourg, une majestueuse crèche trône près de la mairie. Dans cette commune champêtres, à quelques encablures de l’Allemagne, on affirme les racines chrétiennes de la France avec une fierté non dissimulée. « Notre crèche est effectivement mise en avant par la mairie et sera entretenue par la commune. Ce choix repose non seulement sur une conviction, mais également sur notre tradition chrétienne », explique Sébastien Kriloff, maire Reconquête du village.
Interrogé sur la suppression des crèches dans certains espaces publics, il rétorque sans détours : « De nombreux maires semblent oublier que la France est chrétienne. Certes, la République est laïque, mais notre pays est imprégné de cette culture chrétienne. Ces personnes qui manifestent avec tant de véhémence ne représentent pas la majorité silencieuse. Je souhaite avant tout que les Français puissent vivre en accord avec leur culture et leurs traditions. »
Certains maires s’emploient même à supprimer toute trace de symboles religieux dans les espaces publics. Cependant, en Alsace-Moselle, le Concordat ne contraint pas les maires à adopter de telles dispositions. Néanmoins, l’éviction des signes religieux se poursuit. « Certains maires retirent des croix des mairies, des salles des fêtes et même plus encore », déplore Kriloff.
France et chrétienté : un divorce impossible
La France creuse davantage le précipice qui la dissocie de la sainte Église et de ses racines chrétiennes, scission entretenue par le zèle d’une poignée d’élus. « D’un certain côté, ça me fait rire de voir que, dès qu’on donne le pouvoir à un petit maire de gauche, il s’attaque à l’enfant Jésus : cet enfant continue toujours à être un signe de contradiction », prêche Mathieu Raffray, abbé traditionaliste et enseignant en philosophie à l’université pontificale dominicaine Angelicum à Rome. Il poursuit : « La crèche, c’est un enfant innocent abandonné par les hommes, méprisé, qui incarne le pauvre par excellence. Il est le symbole qui vient comme consolateur dans toutes les épreuves que les hommes doivent affronter. Il n’y a rien de plus doux, de plus tendre et de plus consolant que cet enfant. Le fait de vouloir le supprimer à tout prix est un acharnement diabolique ».
« Aujourd’hui, un certain nombre de personnalités politiques jugent de bon ton, et même voient un intérêt électoral, à s’en prendre aux chrétiens. Il existe des courants de pensée et des idéologies tout à fait destructeurs qui réalisent que le christianisme constitue un rempart contre leur idéologie wokiste, communiste ou même ultra-libérale », reprend l’abbé Matthieu Raffray. Il conclut : « La France s’est construite dans la religion, par la religion. Nos villages sont parsemés d’églises, et les campagnes sont jalonnées de calvaires. J’espère de tout cœur que les chrétiens vont se réveiller, se lever, manifester leur mécontentement et défendre ces symboles. J’appelle de mes vœux à ce que cette maladie destructrice se retourne contre les destructeurs, et que l’effet de cette prise de conscience soit une communauté chrétienne qui s’éveille et refuse de se laisser faire. »
Au fond, tout le débat sur les crèches pourrait se résumer à cette question : la laïcité est-elle faite pour les citoyens, ou les citoyens pour la laïcité ? Pour les républicains acharnés, nul doute que c’est la seconde réponse qui primerait : pour eux, la République française est l’alpha et l’oméga de la société et celle-ci doit-être tout entière tournée pour la défendre. D’un autre côté, il faut se rappeler que la France est plus que cela. Par-delà les « valeurs républicaines », des siècles nous contemplent, cachant toujours au fond d’eux le mystère sacré de la fille aînée de l’Église.
Observez un instant le regard d’un enfant qui se pose doucement sur une crèche. Il voit un bébé étendu dans une mangeoire, deux parents, un âne et un bœuf. Ses yeux s’illuminent et se teintent d’incompréhension, de malice parfois. Il tente de comprendre, et nous serions bien en peine de lui expliquer l’étendue de ce mystère qu’est la naissance du Christ. À tous, chers lecteurs, nous vous souhaitons un joyeux Noël.
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